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La loi des montagnes (Erich von Stroheim, 1919) – Critique & Analyse

Erich von Stroheim, voilà un nom qui a marqué toute une époque du cinéma, notamment devant la caméra il est vrai, notamment dans La Grande Illusion ou Boulevard du Crépuscule, mais aussi derrière, principalement à l’époque du cinéma muet.


Fiche du film

Affiche de La loi des montagnes (1919)
Affiche de La loi des montagnes (1919)
  • Genre : Drame
  • Réalisateur(s) : Erich von Stroheim
  • Distribution : Sam de Grasse, Francelia Billington, Erich von Stroheim
  • Année de sortie : 1919
  • Synopsis : Dans les Alpes, un militaire autrichien tente de séduire la compagne d’un médecin. Ce dernier, jaloux, emmène le séducteur dans les montagnes afin de l’affronter. (SensCritique)

Critique et Analyse

La loi des montagnes (1919)
La loi des montagnes (1919)

Ayant eu l’occasion de s’initier à la réalisation en tant qu’assistant auprès de D.W. Griffith, certainement le cinéaste le plus influent et important outre-atlantique lors de la première moitié des années 1910, Erich von Stroheim devint le parfait méchant à l’écran lorsqu’éclata la Première Guerre Mondiale, ses traits et son accent lui valant de nombreux rôles d’officier prussien. Désœuvré à l’issue de la Grande Guerre, c’est à la réalisation qu’il va tenter de trouver un nouvel élan, signant son premier long-métrage avec La loi des montagnes, en 1919. Comme un clin d’œil ou peut-être une simple volonté de garder un lien avec ses rôles précédents, le cinéaste remet la tenue d’officier pour pervertir quelques esprits en haute montagne.

« La loi des montagnes met en lumière cette bourgeoisie qui se retrouve aveuglée par les apparences, où la bienséance taquine l’indécence. »

Comme un certain nombre de films de l’époque, La loi des montagnes tourne principalement autour d’un triangle amoureux, avec ce couple bien triste, plombé par un mari qui ne s’intéresse plus qu’à lui et à ses propres centres d’intérêt, pendant que sa femme le suit sans parvenir à obtenir la moindre attention de sa part. Le hasard les mènera sur la route du lieutenant von Steuben, véritable homme à femmes qui cherche à séduire comme il respire, tentant de faire tomber sous son charme toutes les femmes qu’il rencontre. La loi des montagnes met en lumière cette bourgeoisie qui se retrouve aveuglée par les apparences, où la bienséance taquine l’indécence.

La loi des montagnes (1919)
La loi des montagnes (1919)

Dans ce premier film, von Stroheim joue surtout sur l’ambiguïté, exposant chaque personnage à ses propres torts et à ses propres tourments. D’abord perçu comme un gentleman ravivant la flamme chez Mrs Armstrong, il devient un séducteur envahissant et machiavélique, qui ne se fixe aucune limites. Mari indigne et inconscient, Mr Armstrong voit le spectateur se rapprocher progressivement de lui, découvrant un homme plus juste, qui s’est cependant bien éloigné de sa femme. Et pour désamorcer le tout, Erich von Stroheim met ses personnages à l’épreuve, face à la montagne, inaccessible et immense, ramenant ces personnages bien urbains au milieu de la nature pour les déposséder de leurs moyens. Ne reste finalement que la bonne âme de Sepp, incarnation de l’homme auquel s’adressait l’hommage affiché en début de film, celui qui reste en retrait et qui se manifeste pour aider les autres, mettant en relief l’égoïsme de ces personnes bien habillées mais dont l’esprit paraît bien peu élégant. Enfin, la femme, désemparée et principale victime de la situation, demeure l’éternelle prisonnière d’un monde où les hommes s’évertuent à tout décider et à tout réclamer sans cesse.

On a envie de penser à Lubitsch quand on voit La loi des montagnes, avec ce triangle amoureux et cette critique frontale de la bourgeoisie. Mais le ton satirique du cinéaste se manifeste moins dans cette fable plus acerbe signée Erich von Stroheim, qui ne bénéficie encore pas de toute la liberté qu’il faudrait, conférant à ce premier film cet aspect relativement et inhabituellement lisse pour le cinéaste. Malgré tout, le film parvient à faire son effet et à adresser un message pertinent. Les bases sont posées pour le cinéaste, alors que la vie reprend son cours, et que l’on ne peut s’empêcher que l’issue ici proposée ne constitue en rien une résolution. Première preuve peut-être pas affirmée mais perceptible d’un pessimisme qui marquera les prochains films du cinéaste.

Note et avis
En résumé
Pour sa première réalisation, Erich Von Stroheim s'attaque aux frivolités bourgeoises, au manque de sincérité et à l'égoïsme dans La loi des montagnes, fable moraliste qui dessine déjà les contours de son cinéma.
Note des lecteurs0 Note
3.2
Note

Quentin Coray

Quentin, 29 ans, mordu de cinéma depuis le visionnage de Metropolis, qui fut à l'origine d'un véritable déclic. Toujours en quête de nouvelles découvertes pour élargir mes connaissances et ma vision du cinéma. "L'art existe et s'affirme là où il y a une soif insatiable pour le spirituel, l'idéal. Une soif qui rassemble tous les êtres humains." - Andreï Tarkovski

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