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The Fabelmans (Steven Spielberg, 2023) – Critique & Analyse

L’arrivée en salles d’un projet cinématographique tel que The Fabelmans avait de quoi cristalliser toutes les attentions. En effet, quand un cinéaste aussi salué et populaire que Steven Spielberg se livre à l’exercice du biopic et de l’introspection, nous sommes en droit de nous attendre à découvrir une vraie fabrique à rêves et à mieux cerner les secrets de la vie d’un homme qui nous a fait voyager maintes fois grâce au septième art.


Fiche du film

Affiche de The Fabelmans (2023)
Affiche de The Fabelmans (2023)
  • Genre : Drame
  • Réalisateur(s) : Steven Spielberg
  • Distribution : Michelle Williams, Paul Dano, Seth Rogen, Gabriel LaBelle, Jeannie Berlin
  • Année de sortie : 2023
  • Synopsis : Le jeune Sammy Fabelman tombe amoureux du cinéma après que ses parents l’ont emmené voir « The Greatest Show on Earth ». Armé d’une caméra, Sammy commence à faire ses propres films à la maison, pour le plus grand plaisir de sa mère qui le soutient. (SensCritique)

Critique et Analyse

The Fabelmans (2023)
The Fabelmans (2023)

Cela fait déjà quelques années que nous avons pu voir plusieurs cinéastes étudier et livrer leur rapport à leur art et se dévoiler à travers leurs films. On pense, bien entendu, à la nostalgie et l’insouciance exprimées par Tarantino dans le fabuleux Once upon a time… in Hollywood, aux regrets et à la peur de la mort d’Almodovar dans Douleur et gloire, aux souvenirs de la jeunesse et d’un autre monde pour James Gray dans Armageddon Time et Paul Thomas Anderson dans Licorice Pizza, ou, plus récemment encore, la genèse d’un art et la représentation d’un temps où tout paraissait possible pour Damien Chazelle dans Babylon. Pour Steven Spielberg, donc, le cinéma va se présenter comme un élément perturbateur, un mystère qui, lorsqu’il dévoilera ses secrets, va pleinement prendre possession d’un jeune garçon qui va vivre à travers lui. Un premier choc, devant Sous le plus grand chapiteau du monde, de Cecil B. DeMille, qui va être à la fois source d’émerveillements et de traumatismes.

« Dans The Fabelmans, Steven Spielberg évoque le lien étroit entre l’expérience personnelle et son approche du cinéma, explorant la manière dont le septième art peut manipuler la réalité, tout en étant obligatoirement lié à celle-ci. »

Dès lors, Steven Spielberg va montrer comment son rapport au cinéma va évoluer avec le temps. Avec la découverte s’ouvre tout le champ des possibles, grâce aux trucages, au montage, on peut raconter tout ce que l’on veut avec un peu d’ingéniosité. Et puis, avec le temps, la donne va progressivement changer. D’abord montré comme un art où l’artificiel permet de donner la sensation de réel, le cinéma devient de plus en plus lié à la réalité au fil des événements qui vont affecter la vie de famille du jeune homme. Avec, d’un côté, un père ingénieur (touchant Paul Dano), contrôlant tout, comprenant tout et expliquant tout, et, de l’autre, une mère artiste (Michelle Williams également touchante et tourmentée), s’exprimant bien plus par les émotions, le jeune Sam grandit donc au milieu de deux personnalités bien différentes. Deux facettes opposées qui peuvent, pourtant, se rejoindre dans un art comme le cinéma, nécessitant des connaissances techniques mais aussi une capacité à exprimer des émotions pour les traduire au spectateur. Dans The Fabelmans, Steven Spielberg évoque le lien étroit entre l’expérience personnelle et son approche du cinéma, explorant la manière dont le septième art peut manipuler la réalité, tout en étant obligatoirement lié à celle-ci.

The Fabelmans (2023)
The Fabelmans (2023)

C’est ainsi que le cinéaste n’hésite pas, par moments, à mettre le septième art en retrait pour s’attarder davantage sur son expérience personnelle, et rappeler à quel point son propre rapport au cinéma n’a pas été aussi simple à gérer que cela. Spielberg n’hésite d’ailleurs pas à donner au spectateur une grosse clé de compréhension à travers le (très bon) échange entre Sam et Boris, l’étrange grand-oncle qui explique toute la difficulté de la vie d’artiste, et les tourments qu’elle peut occasionner. Comme une évidence, les mises en garde du vieil homme finissent par se matérialiser. Il faudra donc composer avec cette vision, au risque de ressentir par moments quelques longueurs, quelques insistances et passages forcés qui empêchent aux Fabelmans de toujours faire preuve de subtilité.

Néanmoins, Spielberg parvient à s’acquitter de cet exercice difficile, en montrant à quel point la vie d’artiste peut être source de tourments et de doutes, que tout peut tenir à un fil et que, derrière les succès peuvent se cacher des traumatismes et des douleurs. The Fabelmans aurait sûrement pour principal défaut sa longueur que l’on ne peut parfois s’empêcher de ressentir. Cependant, cette longueur est également la conséquence de la richesse du propos du réalisateur, qui offre de multiples pistes de réflexion, propices à la redécouverte ultérieure, pour déceler de nouveaux messages à exploiter et à traduire. Le parti pris par Spielberg également, qui est d’évoquer le cinéma sans trop le faire, ne s’attardant pas spécialement sur tous ses coulisses et la mise en œuvre d’un tournage, pourra aussi décevoir celles et ceux souhaitant voir un film sur le cinéma à proprement parler. Car, pour le cinéaste, la vérité profonde se trouve ailleurs. Et que, comme le dernier et très amusant dialogue le souligne, les certitudes sont faites pour être bousculées, rappelant que, parfois, il suffit d’un rien, et que le cinéma est un art avant tout spontané, basé sur l’authenticité et la simplicité.

Note et avis
En résumé
Spielberg ne fait pas de The Fabelmans un film de technicien, mais plus un parcours où l'art crée et détruit, unissant et séparant les êtres, comme une bénédiction qui peut tourner en malédiction. Les 2h30 du film occasionneront fatalement des longueurs. Mais le cinéaste réussit en même temps à nous surprendre et à prendre des chemins parfois inattendus, même si d'autres éléments le sont davantage.
4
Note

Quentin Coray

Quentin, 29 ans, mordu de cinéma depuis le visionnage de Metropolis, qui fut à l'origine d'un véritable déclic. Toujours en quête de nouvelles découvertes pour élargir mes connaissances et ma vision du cinéma. "L'art existe et s'affirme là où il y a une soif insatiable pour le spirituel, l'idéal. Une soif qui rassemble tous les êtres humains." - Andreï Tarkovski

2 réflexions sur “The Fabelmans (Steven Spielberg, 2023) – Critique & Analyse

  • Bonjour Quentin,
    Belle chronique, mais je devine un ressenti en demi-teinte derrière le propos plutôt positif à l’égard du film. J’y ai personnellement vu moins la technicité ludique des petits films amateurs que leur rôle dans la vie du jeune Samuel (nom de baptême juif de Spielberg), notamment comme révélateur, pour sublimer le réel, voire surmonter les épreuves (comme ce dernier film de lycée tourné selon les codes esthétiques et le culte du corps si cher à la propagande nazie). Selon moi, « The Fabelmans » peut se voir autant comme un éveil au septième mais aussi comme un miroir à peine déformé dans lequel se reflète le cinéaste en train de filmer. A ce titre, je le trouve riche et passionnant.

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    • Merci ! Oui je semble avoir moyennement apprécier car j’ai probablement offert ici une tirade un brin trop analytique…. Car il y a beaucoup de choses à dire sur ce film ! Et c’est justement ce beaucoup qui le rend difficile à résumer même en ayant laissé une bonne nuit de réflexion pour laisser tout cela décanter. Je ne peux que rejoindre ton avis et c’est aussi en cela que s’observe la richesse du film, puisque l’un peut y voir ce que l’autre n’a pas vu immédiatement ! Et je pense que revoir le film plus tard sera tout à faire propice à une meilleure approche. C’était ce qui m’était arrivé avec Once upon a time in Hollywood justement, plutôt bien apprécié la première fois, et adoré la seconde. Merci en tout cas pour cet enrichissement ! :)

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