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Once Upon a Time… in Hollywood (Quentin Tarantino, 2019) ★★★★ : Pour l’amour du cinéma

Quentin Tarantino, neuvième acte. Sans aucun doute l’une des plus grandes attentes de l’année, ce qui se confirma d’ores et déjà avec un afflux massif de curieux au Festival de Cannes. Et c’est donc en plein été, après avoir du faire preuve de patience, que les non-privilégiés purent enfin, à leur tour, découvrir le dernier-né du cinéaste. Once Upon a Time… in Hollywood s’annonçait plein de promesses. Un film sur le cinéma fait par un pur cinéphile, surtout Tarantino, avait de quoi rendre curieux. Et, aujourd’hui, la curiosité a payé.


Fiche du film

Affiche de Once upon a Time... in Hollywood (2019)
Affiche de Once Upon a Time… in Hollywood (2019)
  • Genre : Comédie dramatique
  • Réalisateur : Quentin Tarantino
  • Année de sortie : 2019
  • Distribution : Leonardo DiCaprio, Brad Pitt, Margot Robbie
  • Synopsis : En 1969, la star de télévision Rick Dalton et le cascadeur Cliff Booth, sa doublure de longue date, poursuivent leurs carrières au sein d’une industrie qu’ils ne reconnaissent plus. (SensCritique)

Critique et Analyse

Leonardo DiCaprio et Brad Pitt dans Once Upon a Time... in Hollywood (2019)
Leonardo DiCaprio et Brad Pitt dans Once Upon a Time… in Hollywood (2019)

Comment ne pas redire tout ce qui a déjà été dit sur Tarantino ? Ce cinéaste a su devenir l’un des plus réputés et les plus adulés de sa profession, grâce à des films marqués par une empreinte particulière, une sorte de signature construite à partir de multiples références et influences qui ont façonné son cinéma. Il n’a jamais hésité à référencer ses films, à pasticher les genres, comme les films de gangsters dans Reservoir Dogs (1992), les films de sabre dans Kill Bill (2003) ou bien le film de guerre dans Inglourious Basterds (2009). C’est ce qui fait sa marque de fabrique, quitte à déplaire à ceux qui ne verront en lui qu’un plagiaire qui reste dans sa zone de confort. Dans tous les cas, on ne peut que reconnaître l’aspect tranché du cinéma de Tarantino. Once Upon a Time… in Hollywood ne fera sans aucun doute pas exception, mais pas pour les mêmes raisons. Car, cette fois, la donne a changé.

« Celui qui se permettait alors de parsemer ses films de références diverses, désormais adoubé et arrivé à un stade de sa carrière où il n’a plus rien à prouver, devient lui-même le narrateur tout désigné et privilégié de l’histoire de l’art qui le passionne. »

Il semblerait que, depuis Les Huit Salopards (2016), le cinéma de Quentin Tarantino soit entré dans une nouvelle phase. Celle de la sagesse, de l’aboutissement et de l’accomplissement. L’ « apprenti », le cinéaste cinéphile qui suivait les traces de ses prédécesseurs, s’affirme désormais comme un grand, un cinéaste qui compte dans l’histoire du cinéma, et capable de porter ses propres œuvres. Alors que Les Huit Salopards condensait déjà toute la force de son cinéma en la transcendant et en l’affinant, Once Upon a Time… in Hollywood vient pousser la démarche plus loin en s’intéressant aux origines du mythe. Celui qui se permettait alors de parsemer ses films de références diverses, désormais adoubé et arrivé à un stade de sa carrière où il n’a plus rien à prouver, devient lui-même le narrateur tout désigné et privilégié de l’histoire de l’art qui le passionne.

Once Upon a Time... in Hollywood (2019)
Once Upon a Time… in Hollywood (2019)

Quentin nous invite à découvrir les coulisses du cinéma : les acteurs, les cascadeurs, les doublures, les techniciens, les réalisateurs, les producteurs… Nous voici à la découverte de tout un monde qui nous est ici présenté avec un amour certain et sincère. Car Once Upon a Time… in Hollywood est une déclaration d’amour envers le cinéma. Pas de critiques, de cynisme, de scandales. Pas le temps pour tout cela. Ici, Quentin nous fait découvrir ce qui l’a rendu cinéphile et qui l’a conduit à devenir cinéaste. C’est ce cinéma américain des années 50 et 60, du Hollywood « classique » avec ses stars charismatiques, ses personnages marquants, ce cinéma bis dans lequel il a puisé son inspiration… Un cinéma à la fois décalé et attachant, qu’il nous présente ici avec nostalgie et mélancolie. C’est l’éloge de l’amitié, entre Rick Dalton (Leonardo DiCaprio), la grande star qui a peur du déclin, et Cliff Booth (Brad Pitt), le cascadeur fidèle et cool, qui n’a aucun problème avec le fait de vivre dans l’ombre. C’est l’ascension de la jeune Sharon Tate (Margot Robbie) qui croque la vie à pleines dents et qui rêve de succès. C’est l’entrain d’un grand producteur (Al Pacino) qui cherche certes le succès financier, mais dont on montre ici surtout un attachement envers des personnages et des acteurs. Car, dans tout cela, c’est bien l’humain qui prime.

« Avec Once Upon a Time… in Hollywood, Quentin Tarantino nous invite dans son antre, aux origines de sa cinéphilie, pour mettre en lumière tout ce qui fait la force de son cinéma, et la capacité que ce dernier a de toujours se relever, malgré les crises. »

Le cinéaste ne cherche pas simplement à faire un état des lieux du cinéma en 1969. Il cherche à insuffler la vie dans les personnages de son film, à montrer que le cinéma est une affaire de rapports humains, que c’est un art qui sait être sincère, tout comme il agit comme un témoin privilégié de son époque. 1969, c’est une époque de bouleversements, c’est la fin de l’Amérique puritaine, c’est l’époque des Le Lauréat (1967) et des Easy Rider (1969), c’est la contestation envers un ordre établi, et le passage vers le Nouvel Hollywood. La télévision prend de plus en plus de place, on en consomme toujours plus, pendant que le cinéma se questionne. Avec Once Upon a Time… in Hollywood, Quentin Tarantino nous invite dans son antre, aux origines de sa cinéphilie, pour mettre en lumière tout ce qui fait la force de son cinéma, et la capacité que ce dernier a de toujours se relever, malgré les crises. Comme dit précédemment, il ne s’agit plus juste de citer directement ou indirectement des références. Certes, il n’hésite ici pas à citer ou à montrer des noms, des titres connus ou inventés. Mais il nous invite, quelque part, dans sa propre conscience cinéphile, dans son propre monde, à la source même de son cinéma, et du cinéma lui-même.

Once Upon a Time... in Hollywood (2019)
Once Upon a Time… in Hollywood (2019)

Il n’était pas simple de savoir quoi réellement attendre de ce Once Upon a Time… in Hollywood. Mais force est de constater que Quentin a, une nouvelle fois, été bien malin. Celui qui avait su imposer son propre style, au point de risquer de s’auto-parodier, a changé de cap. Il sait que réaliser des films dont on attendra que ce soit du Tarantino n’est pas une recette pérenne. La fougue du cinéaste ne s’est pas éteinte, mais il atteint ici une certaine forme de sagesse qui permet à ce neuvième film d’atteindre une sorte de consécration. Les excès et les coups de folie sont bien moins nombreux dans ce Once Upon a Time… in Hollywood, mais il parvient à créer une forme de poésie douce, sincère et touchante rarement vue dans sa filmographie. Une poésie mélancolique, dans ce tableau d’une époque qui s’achève, dans cette vision d’un cinéma en proie à l’ascension de la télévision, qui rend les esprits passifs et serviles, les abreuvant de violence et de sensationnel, alors que la jeune génération cherche plus que jamais ses repères et à construire un monde nouveau. Mais c’est aussi une poésie douce et heureuse, racontant l’innocence de ce cinéma d’époque, rendant hommage à toutes les personnes de l’ombre œuvrant à la réalisation des films.

Once Upon a Time… in Hollywood est un film difficile à classer dans la filmographie de Quentin Tarantino. C’est un film plus sage, plus personnel, fait avec le cœur et avec passion, où le cinéaste se livre et raconte sa vision (peut-être idéalisée mais belle) du cinéma et d’un monde auquel il a choisi de dédier sa propre vie. C’est aussi un film porté par ses interprètes, qui conviennent ici tous parfaitement aux personnages qui leur ont été désignés. Comme chaque film de Quentin, Once Upon a Time… in Hollywood va diviser, et il divisera surtout les fans du cinéaste, dont une part d’entre eux risquera sûrement de regretter une « patte » beaucoup moins visible. Mais, pourtant, Tarantino a rarement été aussi éloquent, et il nous gratifie ici d’un très beau film sur le cinéma, un film qui nous transporte pendant près de trois heures, puis que l’on emporte avec nous, en mûrissant son souvenir comme celui d’un moment d’allégresse et d’insouciance.


Note et avis

4/5

Avec Once Upon a Time… in Hollywood, Tarantino raconte la fin d’une époque et de l’innocence. Une chronique mélancolique, cool et nostalgique qui témoigne de l’amour de Quentin envers le cinéma, une très belle réussite qui s’apprécie sur le moment et qui s’appréciera dans la durée.

Bande-annonce du film

Quentin Coray

Quentin, 29 ans, mordu de cinéma depuis le visionnage de Metropolis, qui fut à l'origine d'un véritable déclic. Toujours en quête de nouvelles découvertes pour élargir mes connaissances et ma vision du cinéma. "L'art existe et s'affirme là où il y a une soif insatiable pour le spirituel, l'idéal. Une soif qui rassemble tous les êtres humains." - Andreï Tarkovski

4 réflexions sur “Once Upon a Time… in Hollywood (Quentin Tarantino, 2019) ★★★★ : Pour l’amour du cinéma

  • Je souscris pleinement à l’ensemble du propos formidablement structuré dans cette chronique. Fini le recyclage (ou presque) Tarantino produit de l’image, prolonge le rêve du Vieil Hollywood, pour quelques heures tout du moins. Certes le film est empreint, comme Jacky Brown d’ailleurs, d’un fort parfum de nostalgie, mais il est drôle aussi. C’est un buddy movie comme on en a peu vu, une bromance entre deux immenses vedettes qui rendent hommage à tous les déclassés, les malchanceux qui les ont précédés. Le film évoque la fin d’une ère, celle des grands studios au profit de la télé, et semble finalement l’écho de la situation actuelle, alors que les Plateformes prennent la main et raflent les Scorsese et les Coen, demain peut être Tarantino ? (Netflix ou le Nouvel éden italien ?). Il y aura sans doute encore beaucoup à dire sur ce film dont n’aperçoit, à travers ce montage, que la partie émergée de l’iceberg. Peut être un jour, une version uncut?

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    • Merci ! Ravi de voir que l’on partage la même opinion au sujet de ce très bon film. :) En effet, une version rallongée serait très intéressante. C’est un film qui s’apprécie sur la durée et qui peut avoir une belle « carrière » au fil des années.

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