A l’Ouest, rien de nouveau (Edward Berger, 2022) – Critique & Analyse
Décrire la guerre dans tout son ensemble, des combats au front aux effets psychologiques et sociaux qu’elle peut causer, n’est pas un exercice simple qui a cependant vu plus d’un grand film le faire de fort belle manière, et ce de façons très différentes. Le roman original d’Erich Maria Remarque, A l’Ouest, rien de nouveau, constitue déjà en lui seul une œuvre majeure en la matière, donnant déjà lieu en 1930 à une adaptation cinématographique remarquable. En 2022, c’est une nouvelle adaptation qui a vu le jour, non sans marquer les esprits étant données ses multiples nominations, notamment aux Oscar.
Fiche du film
- Genre : Guerre
- Réalisateur(s) : Edward Berger
- Distribution : Felix Kammerer, Albrecht Schuch, Aaron Hilmer, Moritz Klaus
- Année de sortie : 2022
- Synopsis : L’histoire d’un jeune soldat allemand sur le front occidental pendant la Première Guerre mondiale. En première ligne, Paul et ses camarades voient l’euphorie initiale se muer en désespoir et en épouvante quand ils se retrouvent à défendre leurs vies au fond des tranchées. (SensCritique)
Critique et Analyse
Pour les personnes n’étant pas familières du roman ou du film de Lewis Milestone, A l’Ouest, rien de nouveau raconte la mobilisation de jeunes allemands qui se lancent dans les hostilités avec l’enthousiasme provoqué par l’honneur de défendre la patrie et de se battre pour une cause. En 1930, Lewis Milestone choisissait de montrer comment les nouvelles recrues pouvaient être débauchées directement sur les bancs de l’école à coups de discours galvanisants, quand l’approche d’Edward Berger s’avère complètement différente. C’est dans la nature, immuable, immobile, où des créatures bien étrangères à tout ce qui se déroule ailleurs, que s’ouvre le film, pour que parviennent progressivement à nos oreilles les bruits des tirs et des explosions, remettant immédiatement en perspective la guerre 14-18, une guerre mondiale, d’un certain point de vue. Au crépuscule de cette guerre, l’heure est au dénouement, et tout se jouera jusqu’aux dernières minutes du conflit.
« A l’Ouest, rien de nouveau version 2022 s’avère très violent, tirant sa puissance avant tout des images et du son, illustrant principalement et avant tout l’horreur de cette guerre. »
L’âpreté des combats va rapidement s’imposer aux yeux du spectateur, découvrant toute la violence qui hante le quotidien des soldats. Par dizaines, les morts tombent par dizaines sous les tirs et les bombardements, et cette horreur ne quittera jamais le spectateur tout le restant du film. A l’instar du film de 1930, A l’Ouest, rien de nouveau version 2022 s’avère très violent, tirant sa puissance avant tout des images et du son, illustrant principalement et avant tout l’horreur de cette guerre. Chose que le film arrive remarquablement bien à faire, grâce à une esthétique très soignée et un sens de la composition poussé, avec des plans savamment construits, s’apparentant souvent à des tableaux.
Cela se fera au détriment de la dramaturgie et de la force émotionnelle que le film peut avoir. Une relation se crée entre certains personnages, permettant d’invoquer une forme d’empathie, mais celle-ci n’évolue que peu, puisque cet A l’Ouest, rien de nouveau prend le parti de ne pas chercher à développer ses personnages, hormis le héros du film, qui matérialise tous les effets de la guerre sur les hommes qu’elle emporte. Ce sont sa brutalité et son aspect soudain qui sont mis en avant, avec cet enrôlement rapide, sans entraînement, et qui peuvent justifier cet intérêt relatif dans l’élaboration de tout un contexte original pouvant planter le décor. Un choix radical, plus que celui opéré par Lewis Milestone dans son adaptation du roman de Remarque, qui faisait intervenir des relations familiales et plus d’éléments de critique et de satire sur la guerre.
Ainsi, le spectateur sensible à ces éléments de discours pourra être déçu par ce film qui se rapprochera, quelque part, d’un 1917 dans le parti pris technique, plus que des Sentiers de la Gloire. A contrario, il peut être accordé au film d’Edward Berger qu’il parvient à ne pas asséner son discours au spectateur, disséminant plutôt divers éléments au fil de l’intrigue, que ce soit un enfant absorbant toute la violence de l’époque, ou le ridicule d’officiers belliqueux pensant à leur honneur personnel. Images de dévastation et de fin du monde, paysages désolés avec des morts partout, escalade permanente dans la destruction, A l’Ouest, rien de nouveau impressionne par l’envergure dont il peut faire preuve, l’horreur de cette guerre paraissant plus que jamais palpable, au risque de parfois trop laisser de côté les émotions du spectateur.
Je suis assez d’accord avec toi pour relever les qualités du film de Berger tout en devant concéder qu’elles ne suffisent pas à égaler son prédécesseur de 1930. J’apprécie quand même le changement de perspective, notamment le fait de rapprocher les évènements de l’Armistice, pour intensifier l’absurdité de toute cette horreur. Mais en définitive, je pense surtout que le film de Milestone avait pour lui d’être encore « à vif », et pas encore entaché par ce qui, comme nous le savons aujourd’hui, a suivi. On ne peut plus faire des films sur la Première Guerre Mondiale comme ils en faisaient, parce que notre monde actuel est marqué de façon indélébile par la Seconde.