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Mean Streets (Martin Scorsese, 1973) – Critique & Analyse

La plupart des grands cinéastes ont eu ce film qui initie tout, qui déclenche l’envol et balise une filmographie. Martin Scorsese est sans conteste l’un des plus grands cinéastes de ces dernières décennies, dont plusieurs films sont considérés comme des chefs d’œuvre, à commencer par Taxi Driver, sûrement l’un de ses films les plus emblématiques et les plus reconnus. Un film précédé de trois ans par Mean Streets, qui sonne déjà l’avènement d’un cinéaste pas comme les autres.


Fiche du film

Affiche de Mean Streets (1973)
Affiche de Mean Streets (1973)
  • Genre : Drame
  • Réalisateur(s) : Martin Scorsese
  • Distribution : Robert De Niro, Harvey Keitel, David Proval
  • Année de sortie : 1973
  • Synopsis : À New York, dans le quartier de Little Italy, quatre jeunes malfrats tentent de trouver leur voie. Tony tient un bar. Michael gère des affaires louches. Johnny Boy et Charlie rêvent de devenir des mafieux. Johnny, irresponsable, ne respecte rien, cumule les dettes et collectionne les bagarres. De son côté, Charlie, catholique fervent, entretient clandestinement une histoire d’amour avec Teresa, la cousine de Johnny. (SensCritique)

Critique et Analyse

Robert de Niro et Harvey Keitel dans Mean Streets (1973)
Robert de Niro et Harvey Keitel dans Mean Streets (1973)

Plus réaliste, terre-à-terre, cynique et désabusé, le cinéma américain a connu, à travers l’émergence du Nouvel Hollywood, une profonde mutation dans les années 70. Une autre manière d’envisager le cinéma, l’exploration de nouveaux environnements, la fin des illusions et le début des désillusions. Un film comme Mean Streets en est sans aucun doute une illustration très marquante et éloquente, introduisant quatre hommes aux occupations douteuses, quatre gangsters en puissance qui font fi des règles pour exister dans un monde écrasé par le béton et le fer. Le film nous expose rapidement les particularités de chacun d’entre eux, entre l’homme d’affaires, celui qui cherche à être intègre tout en baignant dans ce monde vicié et vicieux, l’incontrôlable qui n’a peur de rien, et celui qui tient un bar faisant office de lieu de réunion à tous les autres.

« Mean Streets est un film avant tout proche de ses personnages, offrant une vision d’un monde caché sans le dénaturer, ne manquant pas de proposer certains effets de style, mais s’affirmant surtout dans sa radicalité. »

La vision de ce monde exposée par Martin Scorsese dans Mean Streets paraît d’abord très documentaire, dans sa volonté d’être très proche des personnages sans rajouter de filtres à l’image, régulièrement filmée caméra à l’épaule, renforçant chez le spectateur ce sentiment d’immersion dans leur quotidien. Mean Streets est un film avant tout proche de ses personnages, offrant une vision d’un monde caché sans le dénaturer, ne manquant pas de proposer certains effets de style, mais s’affirmant surtout dans sa radicalité. En effet, cette approche documentaire se ressent certes sur l’aspect visuel mais aussi sur l’aspect scénaristique avec, notamment, une intrigue très décousue voire absente pendant une importante partie du film, celui-ci n’ayant pas de véritable fil conducteur, et vivant notamment à travers les interactions entre les personnages et le portrait qui en est fait au fur et à mesure que l’on progresse dans le récit.

Robert de Niro et Harvey Keitel dans Mean Streets (1973)
Robert de Niro et Harvey Keitel dans Mean Streets (1973)

Là où, dans le cinéma américain de l’époque, les grandes villes américaines baignaient souvent dans une ambiance grisâtre voire bleutée, mettant en évidence l’urbanisation étouffante et ôtant toute chaleur au cadre, Martin Scorsese explore une autre strate de cet environnement. Bien que présente, cette colorimétrie aux dominantes grises est régulièrement supplantée par l’ardente rougeur qui émane des lumières de ces bars de nuit où l’on met en œuvre ses petites combines. Sans chercher à surinterpréter un film à l’aspect très terre-à-terre, cette représentation paraîtrait évoquer une certaine idée de l’enfer où, dans le sous-sol enflammé, les débauchés se livrent à leurs activités, à l’abri du regard de tous, au royaume des tentations et du vice.

Ecrasés par le poids d’une ville qui remet souvent ces petites frappes à leur place dans le cadre, les protagonistes de Mean Streets voient leur destin se jouer devant nos yeux. Martin Scorsese fait notamment appel à deux de ses acteurs fétiches que sont Robert de Niro et Harvey Keitel pour proposer ce panorama intéressant et intrigant d’une frange de la société qui ne trouve pas sa place et qui doit s’affirmer à travers le délit et le crime. Radical dans sa démarche, Mean Streets se révèle aussi un film matriciel de la filmographie de Martin Scorsese, qui y exprime déjà l’identité de son cinéma, ses thématiques et ses personnages, premier pas avant les autres, qui les mèneront vers l’affirmation et la renommée.

Note et avis

En résumé

Film matriciel du cinéma de Scorsese, Mean Streets est aussi radical. Une approche quasi-documentaire du monde de la rue et de la nuit, teintée de l’audace d’un jeune cinéaste qui chamboule les codes à une époque pleine de nouvelles perspectives.

Note globale
7.5/10
7.5/10

Quentin Coray

Quentin, 29 ans, mordu de cinéma depuis le visionnage de Metropolis, qui fut à l'origine d'un véritable déclic. Toujours en quête de nouvelles découvertes pour élargir mes connaissances et ma vision du cinéma. "L'art existe et s'affirme là où il y a une soif insatiable pour le spirituel, l'idéal. Une soif qui rassemble tous les êtres humains." - Andreï Tarkovski

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