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La Femme au portrait (Fritz Lang, 1944) – Critique & Analyse

Après son départ pour les Etats-Unis, Fritz Lang fut l’un des chefs de file du genre du film noir à partir de la moitié des années 1940. Maître dans la dénonciation des injustices, comme il le montra notamment dans ses films des années 1930 comme Furie (1936) ou J’ai le droit de vivre (1937), mais aussi dans la mise en scène d’intrigues d’espionnage, comme dans Le Docteur Mabuse (1922), Les Espions (1928) ou encore Le Testament du Docteur Mabuse (1933), tout était là pour qu’il puisse pleinement s’exprimer dans ce genre en plein essor. Cela débuta ainsi en 1944 avec, d’abord, Espions sur la Tamise, puis La Femme au portrait.


Fiche du film

Affiche de La Femme au portrait (1944)
Affiche de La Femme au portrait (1944)
  • Genre : Film Noir
  • Réalisateur(s) : Fritz Lang
  • Distribution : Edward G. Robinson, Joan Bennett, Raymond Massey
  • Année de sortie : 1944
  • Synopsis : Un soir, en sortant de son club, le professeur Wanley rencontre la jeune fille, Alice, dont le portrait dans la vitrine voisine le fascinait depuis longtemps. Invité par elle, ce dernier se trouve en présence d’un inconnu qui s’en prend à Alice puis à lui. Wanley, en état de légitime défense, est obligé de le poignarder. (SensCritique)

Critique et Analyse

Joan Bennett et Edward G. Robinson dans La Femme au portrait (1944)
Joan Bennett et Edward G. Robinson dans La Femme au portrait (1944)

Après s’être distingué dans de nombreux films policiers et de gangsters tout au long des années 1930, à commencer par Le Petit César (1931), qui le révéla, Eward G. Robinson passe devant la caméra de Fritz Lang. Loin de ses rôles de malfrats d’avant, il incarne ici un professeur de psychologie sans histoire. Père de famille, il mène une existence paisible qui consiste principalement à donner des cours, à retrouver ses amis à l’hôtel pour discuter d’affaires criminelles notamment, ou, encore, à admirer ce portrait exposé non loin de là, aussi mystérieux qu’envoûtant. Cette admiration sera à l’origine d’une rencontre, magique et fortuite, et l’imprévu va faire une entrée fracassante dans l’existence du professeur, qui disait, peu avant, avoir la sensation d’avoir atteint une forme de stabilité désagréable et quelque peu ennuyeuse.

« La Femme au portrait nous invite à suivre un jeu du chat et de la souris, où le principal coupable voit directement l’étau se resserrer sur lui, invitant le spectateur à endurer ses tourments, car nous nous demandons bien comment il pourra bien s’en sortir. »

S’il paraissait retrouver l’esprit d’une jeunesse perdue l’espace de quelques instants, le professeur Wanley va, malgré lui, être au cœur d’une affaire criminelle… Dans le rôle du meurtrier. Celui qui, dans une première scène prémonitoire, parlait des différents « degrés » d’un meurtre, allant de la légitime défense à la préméditation, dut justement se défendre contre son agresseur, mais appeler la police n’était pas envisageable. Proche d’un ami procureur qui va être positionné sur l’enquête, le professeur va être l’un des premiers spectateurs de son évolution, après avoir tout fait pour éliminer les pistes pouvant l’incriminer. La Femme au portrait nous invite à suivre un jeu du chat et de la souris, où le principal coupable voit directement l’étau se resserrer sur lui, invitant le spectateur à endurer ses tourments, car nous nous demandons bien comment il pourra bien s’en sortir. La situation est d’autant plus irrespirable que nous savons qu’il n’a pas agi en criminel, mais qu’il a été obligé d’avoir un comportement succès pour ne pas se retrouvé empêtré, lui et Alice, dans une situation qui serait compromettante pour eux deux.

Joan Bennett et Dan Duryea dans La Femme au portrait (1944)
Joan Bennett et Dan Duryea dans La Femme au portrait (1944)

C’est la configuration classique d’un plan destiné à contourner un problème, mais qui ne fait que le faire empirer, un plan où tout est pensé mais, finalement, plein de failles qui vont peu à peu se montrer. Comme si cela ne suffisait pas, le chantage va s’inviter dans cette sinistre mascarade, ingrédient essentiel à tout film noir qui se respecte, et qui va définitivement fragiliser notre duo d’infortune. L’orchestration de cet engrenage impitoyable est plaisante à suivre, tout comme elle rend l’atmosphère irrespirable. La Femme au portrait avait semé des indices dès le début, nous met face à l’évidence, et c’est, quelque part, à une contre-résolution que nous assistons, où tout est fait pour repousser ce qui paraît inévitable. Fritz Lang prend ses personnages au piège, et le spectateur avec, pour rendre l’issue de son film toujours plus incertaine, alors qu’elle paraît, quelque part, évidente.

La Femme au portrait, c’est l’histoire d’un homme qui était là au mauvais endroit au mauvais moment. C’est le rêve qui mène à la désillusion, l’innocence qui se transforme en culpabilité, la lumière qui devient ténèbres. En somme, le panorama classique d’un film noir, et Fritz Lang sait y faire, en nous tenant en haleine, en enfermant ses personnages dans un étau qui se ferme peu à peu. Une très belle réussite qui augure le prochain La Rue rouge (1945), dans lequel nous allons retrouver des visages familiers.

Note et avis

En résumé

Au mauvais endroit, au mauvais moment. Fritz Lang nous offre encore un très bon cru avec La Femme au portrait. Suspense, chantages, injustice, mensonges, Edward G. Robinson, Joan Bennett… Tout est là pour avoir un film que l’on apprécie avec grand plaisir.

Note globale
8/10
8/10

Quentin Coray

Quentin, 29 ans, mordu de cinéma depuis le visionnage de Metropolis, qui fut à l'origine d'un véritable déclic. Toujours en quête de nouvelles découvertes pour élargir mes connaissances et ma vision du cinéma. "L'art existe et s'affirme là où il y a une soif insatiable pour le spirituel, l'idéal. Une soif qui rassemble tous les êtres humains." - Andreï Tarkovski

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