Incassable (M. Night Shyamalan, 2000) – Critique & Analyse
A une époque où les films de super-héros ont trusté les salles de cinéma et les hautes cimes du box-office depuis plusieurs années, il est toujours intéressant de revoir une autre manière d’aborder le sujet, comme Shyamalan le faisait superbement avec Incassable.
Fiche du film
- Genre : Drame, Fantastique, Thriller
- Réalisateur(s) : M. Night Shyamalan
- Distribution : Bruce Willis, Samuel L. Jackson, Robin Wright, Spencer Treat Clark
- Année de sortie : 2002
- Synopsis : David Dunn, agent de sécurité à Philadelphie, a échappé à une catastrophe ferroviaire sans la moindre égratignure. Selon Elijah Price, un mystérieux marchand d’art atteint d’une maladie des os, David est un homme «incassable», un super-héros qui s’ignore. Cette révélation laisse David et sa femme Audrey perplexes. Mais tout semble prouver qu’Elijah a raison. Depuis sa naissance, David est doué d’une force surhumaine. (SensCritique)
Critique et Analyse
Paradoxalement, Incassable débute avec la naissance d’un enfant déjà brisé, dont les os à peine formés sont déjà fracturés de toutes parts. Ce n’est qu’après qu’apparaît David Dunn, le miraculeux rescapé d’un grave accident de train dont il est sorti indemne. En prenant ainsi d’emblée le spectateur à contrepied, Shyamalan montre le souhait d’aborder non pas un, mais deux destins a priori bien différents. L’un mis devant le fait accompli dès sa naissance, d’une fragilité physique extrême, et parfaitement conscient de sa condition. Et l’autre, fuyant sa vraie nature, semblant souhaiter échapper à ce qu’il est réellement. Un développement en miroir exposant deux deux forces opposées, pour installer un équilibre.
« Comme il le faisait déjà dans Sixième Sens, Shyamalan cherche à lier le fantastique et le réel dans Incassable, rendant crédible l’incroyable, fabriquant un nouveau mystère auquel il nous permet d’accéder. »
Une idée qui se matérialise à travers la mise en scène et des choix esthétiques qui cultivent cette ambiguïté et cette forme d’opposition entre les deux personnages. Les apparitions d’Elijah, l’homme de verre, se font régulièrement à travers un miroir ou une surface vitrée, renvoyant de manière évidente à sa maladie des os de verre, mais aussi à l’idée d’un personnage aux facettes multiples, ou d’une force contraire, allant à l’inverse du sens du monde. Le développement du personnage de David Dunn, dont Incassable se présente comme une origin story, suit ce cheminement. Son apprentissage est lent, et si sa faculté est d’être invincible, ce sont surtout ses fragilités et ses doutes qui sont exposés. Comme il le faisait déjà dans Sixième Sens, Shyamalan cherche à lier le fantastique et le réel dans Incassable, rendant crédible l’incroyable, fabriquant un nouveau mystère auquel il nous permet d’accéder.
De la même manière que dans son précédent film, Incassable se développe dans une atmosphère relativement sombre, aux jeux de lumière prononcés, baignant dans des teintes bleutées. Un bleu associé au personnage de David Dunn, qui pourrait avoir divers sens, qu’il s’agisse d’exprimer la loyauté, celle de l’agent de sécurité mais aussi du père de famille, ou la vérité qu’il recherche, ou, simplement, l’eau, son point faible. Un bleu auquel répond le violet d’Elijah, couleur omniprésente lors de ses apparitions, qu’il s’agisse de ses vêtements ou des décors qui l’entourent. Un violet qui pourrait signifier la noblesse, celle d’une âme accomplie malgré les épreuves, ou la jalousie d’un homme bridé par sa maladie, ou encore le mélange du rouge (le « contraire » du bleu) et du bleu, induisant une opposition nuancée vis-à-vis de David Dunn, avec lequel il trouve des points de convergence. En somme, Incassable est un film ne lésinant pas sur la symbolique, laissant place à diverses interprétations plus ou moins fondées.
Grâce à un développement bien mené, une bonne mise en scène et de bons acteurs, Incassable parvient à construire sa figure du héros, posant de multiples questions qui rendent le film très riche. Un film tout sauf sensationnaliste, cherchant l’extraordinaire dans l’ordinaire, pour s’interroger sur ce que l’héroïsme, et sur les notions fondamentales de Bien et de Mal. Un périple initiatique où la question de la foi est également centrale, comme elle l’était dans Sixième Sens, et comme elle le sera plus tard dans Signes.