RRR (S.S. Rajamouli, 2022) – Critique & Analyse
En France, nous connaissons principalement les cinémas français et américain, qui constituent la majeure partie de l’offre cinématographique en salles. De temps à autres, on pense à s’aventurer ailleurs quand l’occasion se présente ou que la curiosité fait son œuvre. Mais il ne semble pas exagéré de dire que l’on parle extrêmement peu du cinéma indien, pourtant plus grand producteur de films au monde ? Et ce sont des films comme RRR qui peuvent potentiellement ouvrir la voie.
Fiche du film
- Genre : Action, Drame, Historique
- Réalisateur(s) : S.S. Rajamouli
- Distribution : N.T. Rama Rao Jr., Ram Charan, Alia Bhatt, Ajay Devgn
- Année de sortie : 2022
- Synopsis : À l’époque coloniale, en Inde, les anglais enlèvent une jeune fille d’une communauté tribale. Mais ce qu’ils ignorent, c’est que cette tribu a un protecteur : Bheem. Peut-être que le soleil ne se couche jamais sur l’empire britannique. Mais la force est du coté des justes. (SensCritique)
Critique et Analyse
En effet, à l’heure où diverses voix s’élèvent pour se plaindre de manques d’originalité ou de films marquants à notre époque, un film semble avoir marqué des esprits en 2022 : RRR. Un film dont très peu de personnes ont dû entendre parler en France faute d’une distribution en salles, et pourtant, on parle d’un vrai blockbuster tout droit venu d’Inde, et qui aurait de quoi trouver son public chez nous. Dernière réalisation de S.S. Rajamouli, déjà à la tête des deux volets de La Légende de Baahubali, diptyque épique et démesuré, RRR suit cette dynamique en nous proposant une saga d’action dans l’Inde des années 20. A l’époque, l’Inde appartient encore à l’empire britannique. L’histoire va se concentrer autour de deux personnages, Ram, officier de police implacable et à la force surhumaine, cherchant à progresser dans la hiérarchie, et Bheem, guerrier de la forêt en mission pour retrouver une petite fille de son village qui a été achetée par la femme du gouverneur. Deux destins différents qui vont s’amener à se croiser et être à l’origine d’une nouvelle amitié.
« Amitié infaillible, combats épiques, trahisons, épreuves, loyauté : RRR combine tous les éléments d’une œuvre épique ici grandiose et sans limites affichées. »
Les deux hommes sont au cœur des problématiques qui accablent l’Inde de l’époque, le racisme en tête. Brillant policier et combattant, Ram n’obtient jamais de promotion malgré son impressionnante démonstration de force au début du film. Bheem, quant à lui, rajoute à cela le contraste entre la vie dans la campagne et dans la forêt. Pourtant, il va se lier d’amitié avec une riche anglaise dont il tombe amoureux, sans pouvoir communiquer avec elle. Le film propose ainsi une première partie visant à présenter les deux protagonistes, symbolisés par le feu pour Ram et par l’eau par Bheem, tous deux mis en valeur à travers des actes héroïques et de vraies démonstrations de puissance montrant à qu’on a affaire. Amitié infaillible, combats épiques, trahisons, épreuves, loyauté : RRR combine tous les éléments d’une oeuvre épique ici grandiose et sans limites affichées.
Car nous européens avons notre vision du blockbuster, souvent calquée sur celle des américains. Mais un film comme RRR vient proposer une vision toute autre. Déjà, le cinéma asiatique trouvait d’autres manières de filmer l’action du côté de Hong Kong avec les John Woo, Ringo Lam et Johnnie To. En Inde, l’action partage les mêmes racines, allant ici au-delà en faisant souvent fi de toute forme de logique, s’inscrivant dans une forme de légende où tout est possible. Car ici peu importe le réalisme, ce qui impressionne, c’est le fait d’avoir imaginé ces scènes et chorégraphies, à user et abuser de la magie du cinéma pour rendre l’impossible possible. Surabondance d’effets, héros invincibles et implacables, déluge d’action, RRR se veut être un pur plaisir de cinéma. Et à cela s’ajoute l’aspect musical, pilier de la culture cinématographique indienne, ponctuant le film de passages chantés et dansés, à l’image de l’impressionnant concours de danse.
Tout œil néophyte sera légitimement déstabilisé par ce qu’il voit, tendant à considérer comme ridicules ces excès, ces contrastes entre sérieux et comédie, entre combats et danses enjouées, car c’est ici un archétype d’une autre vision du cinéma qui s’offre à nous. Mais c’est aussi renouer avec une forme de naïveté, un lâcher prise pour se laisser emporter par les images et la musique. Pendant trois heures, RRR déjoue toutes les lois et les probabilités, dans une démesure constante due à une générosité hors normes, donnant une vraie bouffée d’air frais.