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Madres Paralelas (Pedro Almodovar, 2021) – Critique & Analyse

Pedro Almodovar nous revient avec un nouveau film ! Et après son très beau Douleur et gloire, qui semblait déjà faire office de testament avant l’heure, nous pouvions nous demander où le cinéaste allait nous mener avec Madres Paralelas.


Fiche du film

Affiche de Madres Paralelas (2021)
Affiche de Madres Paralelas (2021)
  • Genre : Drame
  • Réalisateur(s) : Pedro Almodovar
  • Distribution : Penélope Cruz, Milena Smit, Aitana Sanchez-Gijon
  • Année de sortie : 2021
  • Synopsis : Deux femmes, Janis et Ana, se rencontrent dans une chambre d’hôpital sur le point d’accoucher. Elles sont toutes les deux célibataires et sont tombées enceintes par accident. Janis, d’âge mûr, n’a aucun regret et durant les heures qui précèdent l’accouchement, elle est folle de joie. Ana en revanche, est une adolescente effrayée, pleine de remords et traumatisée. Janis essaie de lui remonter le moral alors qu’elles marchent tel des somnambules dans le couloir de l’hôpital. Les quelques mots qu’elles échangent pendant ces heures vont créer un lien très étroit entre elles, que le hasard se chargera de compliquer d’une manière qui changera leur vie à toutes les deux. (SensCritique)

Critique et Analyse

Madres Paralelas (2021)
Madres Paralelas (2021)

Ce qui semble s’annoncer rapidement avec Madres Paralelas, c’est un retour à un Pedro Almodovar plus « traditionnel », retrouvant ses héroïnes féminines après un film étonnamment masculin, et toujours avec la présence de son actrice fétiche, Penélope Cruz. Le film débute sur la démarche menée par Janis (Penélope Cruz), qui cherche à mener une excavation d’une fosse commune où a été enterré son arrière-grand-père lors de la guerre civile. Puis le cinéaste vient croiser le destin de deux femmes n’ayant a priori rien à voir, l’une étant une photographe quadragénaire, l’autre étant une adolescente vivant avec sa mère divorcée après que son père l’ait rejetée lorsqu’il a découvert qu’elle était enceinte. Une situation qui va mener à plusieurs drames et surprises.

« Partant sur les bases d’un mélodrame, Madres Paralelas va progressivement s’imprégner des codes du thriller pour caractériser cette perte de contrôle et plonger son héroïne, ainsi que le spectateur, dans la tourmente. »

Le film va beaucoup jouer sur les apparences pour faire évoluer les personnages, et notamment le duo principal avec Janis, la femme plus mûre qui s’affranchit des doutes et voit cette naissance à venir comme une bénédiction, qui rassure Ana, la jeune femme qui n’a aucun contrôle sur sa vie. Cette situation initiale va rapidement évoluer pour voir Ana gagner en assurance et s’affirmer en tant que femme, et exprimer sa vraie identité, pendant que Janis va peu à peu déchanter et perdre tout contrôle. Partant sur les bases d’un mélodrame, Madres Paralelas va progressivement s’imprégner des codes du thriller pour caractériser cette perte de contrôle et plonger son héroïne, ainsi que le spectateur, dans la tourmente.

Madres Paralelas (2021)
Madres Paralelas (2021)

Tous ces doutes doivent mener jusqu’à une révélation faisant office de sommet dans l’intrigue, une révélation qui semble volontairement attendue du point de vue du spectateur, les personnages du film semblant être les seuls à ne pas voir ce qui paraît évident. Une situation due au fait que nous avons le recul nécessaire qu’eux n’ont pas, et qui rend cette révélation irrecevable dans la vraie appréciation du film. Ce qui importe davantage dans un film d’Almodovar, c’est la sensibilité qui en émane et l’émotion qui en résulte, et force est de constater que Madres Paralelas semble en difficulté dans cet exercice par rapport à ses prédécesseurs. Paraissant aux prises avec sa volonté de jouer la carte du thriller, de mettre en perspective petite et grande histoire, et de créer de nouveaux portraits authentiques de femmes comme Almodovar a toujours su remarquablement le faire, le film semble avoir du mal à tout concilier, à suivre une trajectoire nette, et patine dans son développement, parfois un peu forcé.

Il en résulte un film souvent assez confus dans ses intentions, ayant recours à des rebondissements attendus quand le cinéma d’Almodovar brille dans sa capacité à gérer l’imprévisible, et c’est l’émotion ressentie, ainsi que l’implication du spectateur, qui en pâtissent. On est même tenté et au regret d’y voir un film manquant souvent de naturel, notamment dans certains dialogues et certaines situations, là où l’authenticité est aussi un pilier du cinéma du cinéaste espagnol. Il est difficile d’être parfaitement au clair avec Madres Paralelas à l’issue de la séance, quand, par exemple, le message d’un Douleur et gloire paraissait limpide sans manquer de subtilité pour autant. Peut-être faudra-t-il s’y replonger sans le filtre des inénarrables « spoilers » et avec un regard permettant déjà d’avoir un certain recul pour mieux assembler les morceaux, toujours est-il que, malgré des attentes déjà modestes, Madres Paralelas aura du mal à se distinguer réellement dans une filmographie déjà très belle et très riche.

Note et avis

En résumé

Cinéaste de la sensibilité, de l’émotion et de l’authenticité, Pedro Almodovar semble avoir du mal à mener Madres Paralelas vers une direction claire, multipliant les enjeux sans vraiment y répondre, pour un résultat assez confus et inhabituellement bancal.

Note globale
5.5/10
5.5/10

Quentin Coray

Quentin, 29 ans, mordu de cinéma depuis le visionnage de Metropolis, qui fut à l'origine d'un véritable déclic. Toujours en quête de nouvelles découvertes pour élargir mes connaissances et ma vision du cinéma. "L'art existe et s'affirme là où il y a une soif insatiable pour le spirituel, l'idéal. Une soif qui rassemble tous les êtres humains." - Andreï Tarkovski

1 réflexion sur “Madres Paralelas (Pedro Almodovar, 2021) – Critique & Analyse

  • « Madres paralelas » de Pedro Almodóvar…
    Quel film magnifique, quel beau film, quel film émouvant où la petite histoire rejoint la grande Histoire! Déjà, le générique, de début comme de fin, est un petit bijou d’inventivité qui nous plonge directement dans l’histoire, puisque l’une des deux héroïnes est photographe professionnelle.
    Parlons d’abord du scénario qui, comme très souvent chez Almodóvar, est d’une très grande subtilité, d’une très grande originalité et d’une parfaite cohérence. Nous sommes dans un grand mélodrame, qui concerne essentiellement deux femmes et, à un moindre degré, un homme. Sans vouloir déflorer une histoire qui gagne à être découverte petit à petit, il s’agit de deux femmes, enceintes par accident, qui accouchent ensemble et qui partagent la même chambre, ce qui crée des liens indissociables entre les deux personnages. L’une, plus âgée, est ravie de sa maternité, l’autre, à peine sortie de l’adolescence, est, au contraire, complètement affolée. Puis, un grain de sable… L’intérêt envers les deux personnages est très fort et tient beaucoup à l’interprétation magistrale de naturel de Pénélope Cruz, dans un rôle magnifique et taillé sur mesure pour elle. Mais il n’y a pas qu’elle, il y a aussi Milena Smit, jeune première très brillante. Ajoutons à ce beau casting Israël Elejalde.
    L’émotion, dans cette histoire bouleversante, est très forte pour le spectateur! Difficile de retenir ses larmes face à des situations aussi dramatiques! Tous les personnages sont ce que l’on peut appeler de belles personnes. Aucune violence… Au contraire il y a beaucoup d’empathie pour des personnages, à fleur de peau, d’une grande rigueur intellectuelle en même temps que d’une grande honnêteté.
    Petit plus, qu’on ne retrouve pas forcément d’habitude chez Almodovar, le fait que la petite histoire rejoigne la grande histoire. Les personnages sont confrontés à l’histoire contemporaine de l’Espagne avec la recherche de disparus à l’époque franquiste, torturés, exécutés et enterrés dans des fosses communes. Où le scénario, là aussi, est remarquable, c’est que la narration est fluide et qu’elle n’a aucun caractère d’artificialité. Dès le début du film on est préparé à l’évocation de cette horreur et tout s’emboîte naturellement. Là aussi, évidemment, l’émotion est très forte et un des moments très émouvants du film, c’est ce défilé de femmes, mené par un personnage, remarquablement interprété par Rossy de Palma. On pense évidemment à ce grand documentaire sur ce sujet, « Le Silence des autres ». D’ailleurs, quand on fait des recherches, on n’est guère surpris:
    « Produit par Pedro Almodóvar, le documentaire « Le Silence des autres » met au premier plan des victimes de la dictature de Franco qui, encore aujourd’hui, se battent pour obtenir justice. »
    Bref, avec « Madres paralelas », nous avons affaire à du grand cinéma et, par la même occasion, à du grand Almodóvar!

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