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Le Suspect (Robert Siodmak, 1944) – Critique & Analyse

Film noir, Robert Siodmak, Charles Laughton. Comment ne pas être emballé avant même de lancer Le Suspect ? Un film pourtant peu connu, même lorsque l’on pense à Charles Laughton, mais il a de quoi surprendre.


Fiche du film

Affiche de Le Suspect (1944)
Affiche de Le Suspect (1944)
  • Genre : Drame, Thriller
  • Réalisateur(s) : Robert Siodmak
  • Distribution : Charles Laughton, Ella Raines, Dean Harens
  • Année de sortie : 1944
  • Synopsis : Philip Marshall, homme méticuleux et intègre d’une soixantaine d’années, est emprisonné dans son quotidien par une épouse acariâtre, Cora, dont le caractère odieux a déjà provoqué le départ de leur fils. (SensCritique)

Critique et Analyse

Charles Laughton dans Le Suspect (1944)
Charles Laughton dans Le Suspect (1944)

Le film donne tout de suite le ton en montrant une situation conflictuelle entre Philip et sa femme Cora avec, entre les deux, leur fils. L’une fustige l’ingratitude de l’enfant élevé, nourri, protégé, qui s’en va soudainement, quand l’autre le laisse simplement voler de ses propres ailes, ne pouvant faire grand chose de plus dans cette situation. Pour lui, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase, et qui le mène à dormir dans sa propre chambre, entérinant la séparation avec une femme devenue invivable. Le travail sera son refuge, puis la rencontre avec une femme bien plus jeune va également lui donner de l’air et pouvoir le faire revivre. Forcément, la question de l’infidélité se pose, et cette relation platonique, que Philip veut freiner pour ne pas créer d’incident, risque de mettre le feu aux poudres.

« Le Suspect va mettre le spectateur face à sa propre morale, ne sachant plus que penser de ce héros d’infortune, devenu un criminel malgré lui. »

Alors que Philip ne cherchait qu’à vivre sa vie comme il l’entendait, sans être épié ou jugé, les ragots et la jalousie de sa femme vont lui faire perdre pied et le pousser à commettre l’impensable. Malgré cela, il ne perd pas son sang froid, et désire être tranquille désormais. Seul témoin du crime, le spectateur se retrouve alors confronté à un véritable cas de conscience, assistant à l’émergence d’un meurtrier, qu’il a pourtant soutenu jusqu’ici. Le Suspect va mettre le spectateur face à sa propre morale, ne sachant plus que penser de ce héros d’infortune, devenu un criminel malgré lui.

Ella Raines et Charles Laughton dans Le Suspect (1944)
Ella Raines et Charles Laughton dans Le Suspect (1944)

Le détachement apparent de Philip vis-à-vis de son crime et l’attachement créé entre le spectateur et ce personnage vise à mettre en perspective cet acte cruel et désespéré sur la description de la société ici faite. Une femme intransigeante, un voisin violent qui se mue en maître chanteur, des commères qui jouent les pique-assiettes, tous les personnages gravitant autour de Philip ne se voient pas dresser un portrait des plus élogieux. Cela ne fait que renforcer le sentiment d’injustice ressenti à l’égard du sort de Philip, qui fait tout pour tourner la page, pour se sortir de cette situation, mais dont on sait qu’il ne pourra échapper éternellement à son destin.

Le Suspect prend certes quelque peu parti en choisissant de rendre le personnage de Philip sympathique au spectateur, en plus de bénéficier de la bonhomie et de l’élégance naturelles de Charles Laughton. Cependant, il demeure une sorte de malaise, d’incertitude, vis-à-vis du sort de sa femme, de la manière dont les choses se déroulent, qui ne finit par s’évacuer ou s’atténuer que dans le dernier tiers du film, qui critique de manière bien plus frontale la société entourant Philip, mettant en lumière son véritable discours, quitte à presque trop insister par moments. Toujours est-il que Le Suspect parvient à maintenir un équilibre souvent délicat, à bien amener son propos avec, en tête d’affiche, un Charles Laughton toujours aussi excellent.

Note et avis

En résumé

Le Suspect multiplie les cas de conscience, faisant d’un honnête homme un meurtrier dans un monde ne lui laissant ni répit ni espoir de toucher au bonheur. Une vision pessimiste et noire d’une société malheureuse, individualiste, où les uns profitent des autres.

Note globale
7.5/10
7.5/10

Quentin Coray

Quentin, 29 ans, mordu de cinéma depuis le visionnage de Metropolis, qui fut à l'origine d'un véritable déclic. Toujours en quête de nouvelles découvertes pour élargir mes connaissances et ma vision du cinéma. "L'art existe et s'affirme là où il y a une soif insatiable pour le spirituel, l'idéal. Une soif qui rassemble tous les êtres humains." - Andreï Tarkovski

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