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Kirk Douglas (1916 – 2020) : L’adieu à un immortel

Il y a des années, je découvrais, à la télévision, le Spartacus de Kubrick, avec en tête d’affiche Kirk Douglas. Des années plus tard, je le retrouvais dans Les Sentiers de la Gloire, signant mes retrouvailles avec un acteur de légende, dont le charisme et la prestance me subjuguèrent instantanément. L’admiration s’empare alors de moi, face à cette légende du cinéma qui, après toutes ces années, demeurait encore parmi nous. Mais, hélas, même les plus belles histoires ont une fin. Kirk Douglas, celui qui défiait la mort chaque année, soufflant une nouvelle bougie, célébrant le franchissement d’une nouvelle étape sur la voie de l’immortalité, a tiré sa révérence, nous plongeant dans un profond chagrin.

Kirk Douglas dans Champion (1949)
Kirk Douglas dans Champion (1949)

Qui, mieux que Kirk Douglas, pouvait représenter ce qu’est une légende ? Qui incarnait mieux que lui l’âge d’or d’Hollywood, l’époque des stars, des grands classiques et des incroyables destins ? Car le destin de Kirk Douglas, né Issur Danielovitch Demsky, le 9 décembre 1916 de parents biélorusses ayant émigré aux États-Unis, fut incroyable. Comme beaucoup d’acteurs et d’actrices, celui qui était surnommé « Izzy Demsky » foula les planches du théâtre, prenant comme nom de scène « Kirk Douglas », qui devint également son nom d’état civil. Du théâtre il passa au cinéma, obtenant son premier grand succès en 1949 dans un film au nom déjà évocateur : Champion. Un choix audacieux qui s’avéra payant, lui ouvrant la voie vers la gloire. Un premier chef d’oeuvre, déjà, en 1951 avec Le Gouffre aux Chimères, et d’autres grands films qui marqueront les années 50 et le cinéma : Les Ensorcelés, 20000 lieues sous les mers, La Captive aux yeux clairs, L’Homme qui n’a pas d’étoile

Kirk Douglas dans La Vie Passionnée de Vincent Van Gogh (1956)
Kirk Douglas dans La Vie Passionnée de Vincent Van Gogh (1956)

Il tourne alors pour les plus grands : Wilder, Minnelli (qui lui offrira l’un de ses plus grands rôles dans La Vie Passionnée de Vincent Van Gogh), Raoul Walsh, John Sturges, Richard Fleischer, Stanley Kubrick, King Vidor, Anthony Mann, John Frankenheimer, Elia Kazan, Joseph L. Mankiewicz, John Huston… La liste est encore bien longue, et Kirk Douglas, au fil du temps, devient un acteur de premier plan, mais aussi un producteur, asseyant davantage son influence sur Hollywood, Spartacus étant l’un des meilleurs exemples, l’acteur ayant lancé la production du film faute d’avoir été retenu pour Ben-Hur, et renvoyant Anthony Mann au bout de deux semaines de tournage, au profit de Stanley Kubrick.

Kirk Douglas dans 20000 lieues sous les mers (1954)
Kirk Douglas dans 20000 lieues sous les mers (1954)

Au charisme de l’acteur s’associait la détermination de l’homme, parfois sévère, mais jamais sans raisons. Et si la deuxième partie de sa carrière, après les années 1960, fut moins glorieuse, à quelques exceptions près, cela n’entacha jamais l’aura de l’acteur. En 1996, après avoir échappé à un grave accident d’hélicoptère, puis à un AVC, il recevra enfin un Oscar d’honneur, à défaut d’avoir remporté la récompense auparavant, et reviendra une dernière fois sur la scène des Oscars en 2018, pour ce qui fut une de ses dernières apparitions publiques. Il avait alors 101 ans. Si cette disparition nous affecte, c’est parce que c’est toute la mémoire d’une époque qui s’évanouit un peu plus. Avec Olivia de Havilland, de six mois son aînée et toujours parmi nous, il constituait l’un de nos ultimes liens avec ce temps des grandes stars et des grands classiques.

Kirk Douglas dans Spartacus (1960)
Kirk Douglas dans Spartacus (1960)

Kirk Douglas, c’était aussi un siècle d’existence sur cette Terre, un siècle pendant lequel tout a changé. En 1916, nous étions en pleine Première Guerre Mondiale, l’automobile et le téléphone étaient des inventions récentes, la télévision était encore loin d’exister, et le cinéma était dans une période d’évolutions majeures, une époque où les court-métrages de Chaplin faisaient son succès, mais où le long-métrage devenait un format de plus en plus standard, avec de grands films comme Intolerance, marquant la fin d’une époque pour le cinéma, et les tout débuts d’un cinéma que l’on pourrait qualifier de moderne. Depuis, le monde a bien changé, et ceux qui ont connu le monde d’avant, et construit le monde d’aujourd’hui, s’en vont les uns après les autres, nous laissant, alors, face aux incertitudes de l’avenir.

Vikings (1958)
Vikings (1958)

Quelque part, ce rituel du 9 décembre, où l’on ajoutait une année à l’âge déjà très vénérable de l’acteur, nous faisait défier la mort elle-même, qui semblait alors l’avoir oublié. Le temps passait, le monde changeait, mais Kirk restait. Cette disparition, qui aurait pu être tout à fait attendue en raison de son grand âge, paraît alors soudaine, comme si la réalité nous avait brutalement rattrapés. Aujourd’hui, parler au passé de quelqu’un qui fut si présent parmi nous crée une drôle de sensation. Il était cet aïeul que l’on respectait, que l’on écoutait, et qui nous inspirait, comme une figure qui nous rassurait. C’est un jour de deuil pour le septième art, qui perd l’un de ses plus grands représentants, un acteur qui m’a toujours captivé et impressionné dans chacun de ses rôles, contribuant grandement à ma cinéphilie. Forcément, voir et revoir ses films ne sera plus pareil, et si aujourd’hui est un jour de grande peine, nous pouvons lui témoigner un immense respect et une profonde reconnaissance.

Merci pour tout, Kirk Douglas.

Kirk Douglas (1916 - 2020)
Kirk Douglas (1916 – 2020)

Quentin Coray

Quentin, 29 ans, mordu de cinéma depuis le visionnage de Metropolis, qui fut à l'origine d'un véritable déclic. Toujours en quête de nouvelles découvertes pour élargir mes connaissances et ma vision du cinéma. "L'art existe et s'affirme là où il y a une soif insatiable pour le spirituel, l'idéal. Une soif qui rassemble tous les êtres humains." - Andreï Tarkovski

3 réflexions sur “Kirk Douglas (1916 – 2020) : L’adieu à un immortel

  • Magnifique hommage Quentin, vraiment magnifique.
    Tu dis dans ta dernière partie ce que sans doute beaucoup de cinéphiles ressentent à l’heure de cette disparition. En effet elle était attendue, redoutée même, mais refusée par cette volonté farouche de pas voir disparaître le dernier représentant de cette génération. Il était encore la preuve vivante de ces films avec Lancaster, avec Mitchum, avec John Wayne, un mythe vivant qui avait côtoyé Walsh, Hawks, Mankiewicz, Tourneur, Mann,… La mort de Kirk Douglas c’est comme le dernier poilu qui disparaît (il était né en 1916, l’analogie est facile à faire). Il nous reste les images, mais plus de témoin vivant (ou presque, une pensée pour Olivia, avant que le vent l’emporte à son tour).

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    • Merci beaucoup ! :) C’est exactement cela, l’analogie est tout à fait juste, c’était un lien avec tout un monde que l’on admire aujourd’hui (en l’occurrence le cinéma des années 50/60, ses grandes figures et ses grands films, notamment) et qui n’appartiendra bientôt plus qu’au passé. Heureux que ces quelques mots trouvent également sens chez d’autres personnes ! C’est en tout cas bien plus qu’une page qui se tourne, c’est un livre entier.

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