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Cold War (Pawel Pawlikowski, 2018) ★★★★½ : L’amour en fuite

Froide fut cette guerre. Froide, longue, exténuante, plongeant l’Europe dans la torpeur et la tourmente, la scindant en deux alors qu’elle se remettait à peine à des années de guerre. La guerre, toujours, encore. Elle tue parfois soudainement, et, parfois, à petit feu. Dans la froideur d’un monde exsangue, les âmes errent et tentent de trouver la chaleur, cherchant leurs repères entre traditions et nouveauté, créant le décor de Cold War, invitation à un voyage d’une beauté mélancolique incroyable.


Fiche du film

Affiche de Cold War (2018)
Affiche de Cold War (2018)
  • Genre : Drame
  • Réalisateur : Pawel Pawlikowski
  • Distribution : Joanna Kulig, Tomasz Kot, Jeanne Balibar
  • Année de sortie : 2018
  • Synopsis : Une histoire d’amour se tenant entre la Pologne et la Yougoslavie, Paris et Berlin, au milieu des années 50 et en pleine Guerre Froide. (SensCritique)

Critique et Analyse

Joanna Kulig dans Cold War (2018)
Joanna Kulig dans Cold War (2018)

Le film s’ouvre sur deux musiciens polonais qui jouent, en regardant la caméra, des instruments traditionnels, première parenthèse musicale d’un film qui en sera très régulièrement ponctué, et posant directement ses bases : dans cette neige et cette froideur hivernale, l’âme polonaise s’exprime encore avec ardeur. Ce point de départ nous relie aux traditions, à la volonté de retrouver son identité après des années d’occupation et de guerre. Wiktor, l’un des personnages principaux du film, fait le tour du pays avec son équipe, dans le but d’enregistrer des chants et musiques traditionnelles, pour recueillir des témoignages sonores, mais aussi pour mettre en place un groupe folklorique qui partira ensuite en tournée.

« Cold War représente deux blocs faits pour s’aimer, mais qui vivent une histoire d’amour impossible, qui sont écartelés entre amour et fuite, où chacun cherche son identité. »

La tournée du groupe les mènera dans les différentes grandes villes du bloc soviétique, jusqu’à Berlin-Est, offrant alors aux jeunes amants l’opportunité de rejoindre l’autre côté. Car si la musique, le chant et la danse sont autant de moyens d’exprimer la liberté, la vie, de transmettre l’essence de l’âme d’un pays aux traditions riches après avoir passé des années à genoux sous le joug allemand, la réalité du monde rattrape vite cet idéal. L’art se transforme en un outil de propagande, la liberté devient illusoire, et il faut faire un choix. Pour Wiktor, ce dernier est simple, mais ce n’est pas le cas pour Zula. Cold War représente deux blocs faits pour s’aimer, mais qui vivent une histoire d’amour impossible, qui sont écartelés entre amour et fuite, où chacun cherche son identité.

Tomasz Kot dans Cold War (2018)
Tomasz Kot dans Cold War (2018)

Pawel Pawlikowski nous entraîne à travers vingt années de recherche, d’amour, de fuite, d’espoir, de désespoir, de joie et de malheur, le tout baignant dans un sublime noir et blanc, faisant de ce Cold War l’un des plus beaux films que j’ai pu voir depuis bien longtemps. Une beauté envoûtante et enivrante, visuelle mais aussi musicale, où les plans superbement construits et filmés s’associent à des chansons et musiques parfois folkloriques, parfois profanes, où le temps paraît suspendu. Sa durée assez courte (1h20) lui permet d’éviter de s’essouffler, et s’il pouvait se permettre d’être parfois plus contemplatif, le film se focalise sur l’essentiel, et parvient à se conclure au moment où l’on pouvait potentiellement commencer à ressentir un sentiment de répétition.

Cold War est un film qui transporte, qui parvient à nous emporter dans un tourbillon poétique dont on ne décroche pas une seconde. L’histoire d’amour, représentative de la situation complexe dans laquelle l’Europe se trouvait à l’époque, est racontée avec beaucoup de justesse, portée par ce duo d’acteurs qui transmet cette passion dévorante, entravée par la dureté de la réalité. Il aura fallu que Roma se trouve sur le chemin de ce film pour lui ravir l’Oscar de la meilleure photographie, mais Cold War est, sans aucun doute, l’un des plus beaux films de ces dernières années. Une beauté qui subjugue, qui impressionne, qui montre à quel point le cinéma peut, rien qu’avec des images, nous faire vivre des émotions fortes et pures. En un mot : magnifique.


Note et avis

4.5/5

Dans ce sublime noir et blanc, Cold War raconte la passion et la séparation, l’attachement aux racines et l’aspiration à la liberté. Un film d’une beauté impressionnante.

Bande-annonce du film

Quentin Coray

Quentin, 29 ans, mordu de cinéma depuis le visionnage de Metropolis, qui fut à l'origine d'un véritable déclic. Toujours en quête de nouvelles découvertes pour élargir mes connaissances et ma vision du cinéma. "L'art existe et s'affirme là où il y a une soif insatiable pour le spirituel, l'idéal. Une soif qui rassemble tous les êtres humains." - Andreï Tarkovski

2 réflexions sur “Cold War (Pawel Pawlikowski, 2018) ★★★★½ : L’amour en fuite

  • Une petite perle de nacre que j’avais pu découvrir à l’époque des Oscars, où effectivement le film ne déméritait pas s’il n’y avait eu le triomphe de Cuaron pour le surpasser encore, et sur le terrain du noir et blanc, en plus !

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  • Magnifiquement beau, mais une petite déception pour ma part. Je lui avais largement préféré Ida.

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