Cinexpress #238 – Roma (2018)
Voilà une séance qui était pour le moins inattendue et imprévue. J’avais pu lire tous les retours élogieux à l’égard de Roma, notamment lors des projections exceptionnelles à la Mostra de Venise (où il a obtenu le Lion d’Or) et au Festival Lumière. Mais la sortie définitive du film sur Netflix me fermait les portes. Jusqu’à ce que le Club 300 AlloCiné, que j’ai récemment pu rejoindre, me propose d’assister à une projection exceptionnelle. Une heureuse opportunité pour me faire, à mon tour, mon avis sur ce film qui a déchaîné les passions ces derniers mois.
Fiche du film
- Genre : Drame
- Réalisateur : Alfonso Cuarón
- Année de sortie : 2018
- Casting : Yalitza Aparicio, Marina de Tavira, Diego Cortina Autrey
- Synopsis : La vie d’une famille au début des années 1970 à Mexico. (senscritique.com)
Critique et Analyse
Alfonso Cuarón s’est surtout fait connaître à Hollywood avec des films comme Harry Potter et le Prisonnier d’Azkaban, Les Fils de l’Homme ou encore Gravity. Un cinéaste qui a, donc, connu de grands succès. Mais, comme tout le monde, il reste attaché à ses racines, a un besoin inhérent de s’en rapprocher de nouveau afin de retrouver ses repères, démarche qu’il exprime manifestement dans son nouveau film, Roma. Et, bien que la protagoniste soit une femme de ménage officiant pour une famille mexicaine, c’est bien la jeunesse du cinéaste qui est narrée à travers le regard et la vie de cette jeune femme et de cette famille. Un récit autobiographique camouflé derrière la mise en avant d’un autre personnage, qui n’est pas sans rappeler, en certains points, Le Miroir de Tarkovski.
« Roma est un film sur la vie avant tout, une vie qui peut être simple, complexe, heureuse, malheureuse, juste et injuste, pleine d’espoirs qui peuvent se retrouver réduits à néant, . »
L’existence de cette femme de condition modeste pourrait paraître anodine pour toutes les personnes qu’elle croise autour d’elle, et c’est en la plaçant au cœur de l’attention que Cuarón lui rend justice et lui accorde l’importance qu’elle mérite. Cependant, il ne s’agit pas que de parler de Cleo (la femme de ménage). En effet, elle est notre point d’attache vers une vision du monde où la vie se meut, où elle avance et s’arrête au gré des expériences et des épreuves auxquelles elle est soumise. Car Roma est un film sur la vie avant tout, une vie qui peut être simple, complexe, heureuse, malheureuse, juste et injuste, pleine d’espoirs qui peuvent se retrouver réduits à néant. Une vie dont l’inconstance semble contraster avec l’apparente linéarité du film de Cuarón, très neutre et objectif.
Baignant dans un noir et blanc à la beauté intemporelle, le film revêt un aspect assez onirique qui a tendance à l’affranchir de repères temporels. Le noir et blanc induit également une forme de nostalgie, de référence au passé. On peut, aussi, y voir une neutralisation des émotions et des fluctuations de la vie, visant à éviter de sombrer dans le pathos, à amener le spectateur à être principalement dans l’observation. Un sentiment qui crée une sensation d’étrange, le cinéaste nous invitant dans une partie de son monde et de sa vie, mais semblant nous tenir à distance, composant son tableau de la vie et de la société devant nos yeux sans réellement faire appel à nos émotions. Le film n’en est pas totalement dépourvu, mais il semble davantage faire appel à nos expériences, qui nous font nous projeter en partie dans le film, qui a, naturellement, ses moments forts, mais peine à véritablement nous immerger dedans.
C’est un ressenti assez personnel, qui n’a aucune vocation à être absolu, bien que j’aie pu lire quelques avis similaires. Roma est un film qui fait appel aux sens, avec un travail prononcé sur l’image et le son, faisant de lui un très bel objet cinématographique. Mais on a l’impression de contempler une beauté froide, que l’on a envie d’admirer, mais qui nous tient en respect. On tente de plonger dans le film, sans jamais vraiment y parvenir. Une sensation que je n’avais pas autant vécue avec Le Miroir de Tarkovski par exemple, hermétique lui aussi, mais où les procédés cinématographiques faisaient davantage sens, et qui nous touchait au plus profond de notre conscience. Peut-être est-ce dû à une méconnaissance du cinéma de Cuarón ? Ou peut-être que, tout simplement, le parti pris cinématographique a pris le pas sur la force émotionnelle et intellectuelle de l’œuvre. Roma reste un très bel objet cinématographique, une vision de la vie telle qu’elle est, douce-amère, un peu comme la sensation éprouvée au sortir de la salle.
Note et avis
3.25/5
Objectivement, Roma est un très bel objet cinématographique superbement mis en scène. D’un point de vue plus subjectif, il s’apparente davantage à une beauté glaciale et lointaine difficile à toucher, au risque de rester beau à contempler, mais qui a peiné à réellement m’émouvoir.