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Le Congrès (Ari Folman, 2013) ★★★½ : Mondes parallèles

Les années passent, le monde change, l’humanité poursuit son évolution, notamment à travers le développement perpétuel de nouvelles technologies. Alors que ces dernières ouvrent toujours de nouvelles perspectives, notre avenir demeure plein d’incertitudes. Dans Le Congrès, les visions d’avenir vont être source de nombreuses questions et de peurs.


Fiche du film

Affiche de Le Congrès (2013)
Affiche de Le Congrès (2013)
  • Genre : Animation, Science-Fiction
  • Réalisateur : Ari Folman
  • Distribution : Robin Wright, Harvey Keitel, Jon Hamm
  • Année de sortie : 2013
  • Synopsis : Actrice sur le déclin, Robin Wright accepte d’être scannée numériquement et de laisser l’actrice informatique jouer à sa place. 20 ans plus tard, Robin est l’invitée du congrès organisée par le studio Miramount dans le but de présenter sa dernière innovation : une drogue ou chacun peut vivre, et devenir, qui il souhaite. (SensCritique)

Critique et Analyse

Robin Wright dans Le Congrès (2013)
Robin Wright dans Le Congrès (2013)

Dans ce futur plus ou moins proche, Robin Wright (jouée par Robin Wright elle-même) est une actrice qui a connu le succès, mais qui est en déclin, et qui s’est isolée avec sa fille et son fils, atteint d’une pathologie qui affecte son ouïe et sa vue. On lui offre, cependant, une opportunité. Celle d’être « scannée » en vue de pouvoir être incarnée dans n’importe quel film sans qu’elle soit présente, en étant reconstituée virtuellement, et ce pendant les vingt prochaines années. Naturellement, elle est réticente à la proposition, craignant que son image soit utilisée dans des films douteux et, plus généralement, trouvant cela dangereux pour le futur de la profession et du cinéma. S’ensuivent alors des questionnements sur l’avenir du cinéma et, plus généralement, du monde, avec des résonances, comme généralement dans les films d’anticipation, avec le présent.

« L’intérêt du recours à l’animation est d’accéder à un univers où tout est possible, où l’imagination est reine, pour permettre l’accès à des sources de réflexion plus profondes et plus vastes. »

C’est notamment avec Valse avec Bachir, film d’animation sur la Guerre du Liban, qu’Ari Folman avait obtenu une renommée artistique internationale. Le Congrès débute en prises de vues réelles, racontant donc la proposition faite à Robin Wright, les appréhensions de cette dernière et les conséquences de sa décision. Puis quand, finalement, elle accepte, nous avançons de vingt ans encore dans le futur, pour assister au congrès dont le titre du film fait mention, un congrès qui se déroule dans une « zone restreinte à l’animation », ce qui va donc permettre au réalisateur israélien de revenir à l’animation au bout d’une heure de métrage environ. Le parti pris est risqué, car il faut parvenir à maintenir une cohérence entre le début du film et cette nouvelle partie, ou cette nouvelle approche. La transition est rapide, mais opérée de sorte que le passage des prises de vues réelles à l’animation soit naturel. L’intérêt du recours à l’animation est d’accéder à un univers où tout est possible, où l’imagination est reine, pour permettre l’accès à des sources de réflexion plus profondes et plus vastes.

Le Congrès (2013)
Le Congrès (2013)

La tournure que prend le film peut surprendre pour diverses raisons, toute la partie animée étant très onirique, picturale et esthétique, diluant l’intrigue dans l’expérience cinématographique, multipliant les discours sur notre monde et notre avenir. Le cadre du cinéma s’éclate pour représenter un monde où l’imaginaire supplante la réalité, à l’image d’un monde où l’on préfère vivre dans un rôle qui n’est pas le nôtre, où l’on préfère ignorer la réalité plutôt que de l’accepter et d’y agir. Pourtant, le point de départ de cette apocalypse animée et multicolore, c’est bien le cinéma, un art qui est devenu une fabrique à rêves, dirigée par des personnes guidées par leur soif d’argent et de profit, donnant aux spectateurs ce qu’ils veulent pour voir le monde tel qu’ils veulent le voir et non pas tel qu’il est. Ari Folman raconte alors la mort du cinéma, la rationalisation de l’art, dévoré par la technologie et la finance, et, par extension, la fin du monde. Car si les inventions imaginées dans Le Congrès permettent des choses incroyables, de vivre, en quelque sorte, dans un film, elles sont en vérité néfastes dans leur dénégation de la réalité.

À une époque où les super-héros sont omniprésents, où le public cherche, pour des raisons que l’on peut comprendre, à s’évader grâce au cinéma et à se projeter dans des mondes imaginaires, Le Congrès vient apporter une vision différente. Car cette suprématie de ces productions toutes puissantes tend à faire oublier que l’un des principaux intérêts du cinéma est de parler de notre monde, de notre réalité et de réfléchir à ce sujet, et qu’il doit garder un maximum d’indépendance pour être en mesure d’alimenter nos réflexions et de nous aider, idéalement, à changer le monde pour l’ignorer. Le Congrès est un film qui peut déboussoler, qui peut sembler avoir du mal à suivre une ligne directrice sans s’éparpiller, tant il peut être profus et étonnant. Cependant, il maintient un bon niveau de cohérence, trouvant, dans cette profusion, une capacité à adresser de manière intelligente et percutante des discours sur le cinéma, la société, l’humanité et le monde.


Note et avis

3.5/5

Le Congrès est un film surprenant, explorant beaucoup de sujets. Préférer l’inaction et l’illusion à l’acceptation de la réalité, la rationalisation de l’art, la fin du monde elle-même… Un parti pris original qui peut désorienter, mais qui s’avère pertinent.

Bande-annonce du film

Quentin Coray

Quentin, 29 ans, mordu de cinéma depuis le visionnage de Metropolis, qui fut à l'origine d'un véritable déclic. Toujours en quête de nouvelles découvertes pour élargir mes connaissances et ma vision du cinéma. "L'art existe et s'affirme là où il y a une soif insatiable pour le spirituel, l'idéal. Une soif qui rassemble tous les êtres humains." - Andreï Tarkovski

4 réflexions sur “Le Congrès (Ari Folman, 2013) ★★★½ : Mondes parallèles

  • Antoine C.

    Très intéressante critique ! J’avais déjà coché le film, raison de plus désormais de le rattraper !

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  • Je n’ai toujours pas vu ce film dont j’ai lu grand bien, confirmé ici. Adaptation de l’auteur de « Solaris » tout de même. Rien que pour cela…

    Répondre
    • L’adaptation reste très libre, mais en effet, c’est déjà un point parmi d’autres qui fait que c’est un film qui mérite d’être vu ! :)

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