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Petit Paysan (Hubert Charuel, 2017) ★★★½ : Terreur agricole

Aux César 2018, lorsque Petit Paysan obtint le Cesar du meilleur premier film pour Hubert Charuel, le César de la meilleure actrice dans un second rôle pour Sara Giraudeau, et le César du meilleur acteur pour Swann Arlaud, le film m’était encore totalement inconnu. Faute d’avoir croisé son chemin à sa sortie, ce succès a piqué ma curiosité pour, finalement, en parler aujourd’hui.


Fiche du film

Affiche de Petit Paysan (2017)
Affiche de Petit Paysan (2017)
  • Genre : Drame
  • Réalisateur : Hubert Charuel
  • Année de sortie : 2017
  • Distribution : Swann Arlaud, Sara Giraudeau, Isabelle Candelier
  • Synopsis : Pierre, la trentaine, est éleveur de vaches laitières. Sa vie s’organise autour de sa ferme, sa sœur vétérinaire et ses parents dont il a repris l’exploitation. Alors que les premiers cas d’une épidémie se déclarent en France, Pierre découvre que l’une de ses bêtes est infectée. Il ne peut se résoudre à perdre ses vaches. Il n’a rien d’autre et ira jusqu’au bout pour les sauver. (SensCritique)

Critique et Analyse

Swann Arlaud dans Petit Paysan (2017)
Swann Arlaud dans Petit Paysan (2017)

Nous connaissons toutes et tous plus ou moins les tourments qui secouent le secteur agricole de nos jours. De près ou de loin, avec un proche ou à travers un reportage à la télé, on entend régulièrement parler de l’histoire d’agriculteurs qui tentent tant bien que mal de s’en sortir. Hubert Charuel, qui a lui-même grandi dans ce milieu, a choisi de raconter leur histoire grâce au cinéma. Voilà donc Petit Paysan, qui nous fait découvrir Pierre, jeune éleveur de vaches, qui a peur de voir tout son cheptel décimé par une maladie récemment détectée. Pour Pierre, ses vaches sont toute sa vie. Autant dire que cette nouvelle épidémie met, quelque part, sa propre vie en jeu.

« Hubert Charuel matérialise cette peur et cette obsession grandissantes en invoquant les codes du thriller, pour injecter toujours plus de tension dans l’ambiance qui habite le film. »

Pour ce faire, le réalisateur met rapidement l’emphase sur l’importance de ce métier dans la vie de Pierre. Il occupe ses journées, et même ses nuits, parfois envahies par des vaches qui s’invitent dans ses rêves. C’est un travail qui demande de l’implication, ce que l’on constate avec ce personnage qui trouve plus ses aises dans l’accord d’attention à ses vaches que dans ses relations avec d’autres êtres humains. Cette forme d’isolement d’abord touchant va, peu à peu, virer à l’obsession et au renfermement sur soi-même. Hubert Charuel matérialise cette peur et cette obsession grandissantes en invoquant les codes du thriller, pour injecter toujours plus de tension dans l’ambiance qui habite le film. Peu à peu, la nuit prend de plus en plus de place, le petit paysan qui nourrissait ses vaches devient presque un criminel, qui agit souvent de nuit et qui se cache, accumulant les secrets et les charges pour assurer sa propre survie.

Swann Arlaud dans Petit Paysan (2017)
Swann Arlaud dans Petit Paysan (2017)

C’est probablement l’un des points forts de Petit Paysan, celui d’associer un discours sociologique à une véritable intention cinématographique, à mettre les moyens mis à disposition par le cinéma au service du scénario. Il aurait pu s’agir d’un simple documentaire un peu romancé, mais le cinéaste ne veut pas jouer la carte de l’authentique en apparence pour éventuellement suggérer une légitimité ou une pertinence supérieure. C’est là que Petit Paysan parvient à se trouver en capacité de toucher un public large et parfois un peu à l’écart ou inconscient des malheurs vécus par les agriculteurs. Le ton employé par le film permet d’éviter au discours qu’il livre d’être trop convenu et « spécialisé », pour le rendre transposable à diverses situations, impliquant davantage le spectateur pour, in fine, mieux le sensibiliser au sort de ces agriculteurs dans la tourmente. La question n’est pas juste celle du sort des agriculteurs dans les grandes économies capitalistes et tertiaires, mais bien celle de la survie, celle du sens de notre existence et du fait de pouvoir le suivre ou non.

Petit Paysan n’est pas juste une chronique sur un secteur agricole qui va mal, c’est aussi un film empruntant aux codes du thriller pour traiter de manière intéressante la peur de perdre sa place et sa raison d’être, engendrant un renfermement sur soi, le mensonge et la paranoïa. Swann Arlaud y tient un rôle-référence, justement récompensé par un César, et Hubert Charuel réussit un premier long-métrage très convaincant. Un film qui parvient à être d’actualité, avec une véritable intention, des parti pris cinématographiques pertinents et intelligents, et une capacité à parler à tout le monde. Peut-être que Petit Paysan ne changera malheureusement pas la donne pour les agriculteurs, mais il s’agit d’une des très bonnes propositions du cinéma français récent.


Note et avis

3.5/5

Petit Paysan est une proposition intéressante, juste et pertinente, traitant un sujet d’actualité avec de très bon parti-pris cinématographiques.

Bande-annonce du film

Quentin Coray

Quentin, 29 ans, mordu de cinéma depuis le visionnage de Metropolis, qui fut à l'origine d'un véritable déclic. Toujours en quête de nouvelles découvertes pour élargir mes connaissances et ma vision du cinéma. "L'art existe et s'affirme là où il y a une soif insatiable pour le spirituel, l'idéal. Une soif qui rassemble tous les êtres humains." - Andreï Tarkovski

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