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Nocturama (Bertrand Bonello, 2016) ★★★★ – Critique & Analyse

Bertrand Bonello est un artiste multitâches, issu du monde de la musique, qu’il n’a d’ailleurs jamais quitté, et qui s’est fait un nom dans celui du cinéma depuis une vingtaine d’années. Habitué des sélections à Cannes, trouvant le succès avec des films comme L’Apollonide : souvenirs de la maison close et Saint Laurent avec Gaspard Ulliel, il présentera cette année Zombi Child à la Quinzaine des réalisateurs. Aujourd’hui, revenons sur son dernier film, hélas passé sous silence : Nocturama.


Fiche du film

Affiche de Nocturama (2016)
Affiche de Nocturama (2016)
  • Genre : Drame, Thriller
  • Réalisateur : Bertrand Bonello
  • Année de sortie : 2016
  • Distribution : Finnegan Oldfield, Vincent Rottiers, Hamza Meziani
  • Synopsis : Paris, un matin. Une poignée de jeunes, de milieux différents. Chacun de leur côté, ils entament un ballet étrange dans les dédales du métro et les rues de la capitale. Ils semblent suivre un plan. Leurs gestes sont précis, presque dangereux. Ils convergent vers un même point, un grand magasin, au moment où il ferme ses portes. La nuit commence. (SensCritique)

Critique et Analyse

Nocturama (2016)
Nocturama (2016)

Nocturama est un film à la genèse et au destin malheureux. Alors que l’écriture débutait en 2011, ce nouveau long-métrage devait s’intituler Paris est une fête. Malheureusement, les terribles et tragiques attentats de 2015 ont contraint Bonello à changer ce nom en « Nocturama », le film ne fut pas présenté à Cannes, et il n’accumula que 65000 entrées en salles, un bien faible score. Cela est dû, notamment, à son sujet : l’histoire d’une bande de jeunes qui veulent faire exploser des bombes dans Paris pour protester contre le système en place. Il est alors tout à fait compréhensible que le film ait pu poser problème, mais revenons sur ce qui constitue un des très bons films français de ces dernières années.

« La principale force de Nocturama est de choisir de ne pas tout offrir au spectateur, mais de l’impliquer dans la construction de l’histoire et de pressentir et de ressentir les choses. »

Le film offre une exposition tout à fait particulière, exposant divers personnages prenant le métro à des destinations différentes, se croisant parfois mais n’échangeant pas un mot. Pas l’once d’un plan, de l’expression d’une idéologie quelconque. On découvre ces personnages sans savoir leurs noms, mais, peu à peu, on devine leurs relations éventuelles, et un climat de tension s’installe, faisant comprendre au spectateur que quelque chose se trame, et que tous ces personnages avancent vers un but commun. Rien n’est clairement explicite, mais tout est pourtant parfaitement compréhensible et limpide. Pendant une quarantaine de minutes, quasiment aucun dialogue, juste une succession de scènes muettes, avant que le film ne suive une trame un peu plus classique. La principale force de Nocturama est de choisir de ne pas tout offrir au spectateur, mais de l’impliquer dans la construction de l’histoire et de pressentir et de ressentir les choses.

Nocturama (2016)
Nocturama (2016)

En effet, Nocturama a quelque chose de très sensoriel, usant souvent de longs plans filmés à la steadicam, parcourant le décor avec fluidité, avec un accompagnement musical appuyant ce climat de tension permanent. Nocturama est un film que l’on peut qualifier de policier, mais qui tient notamment du thriller, s’aventurant parfois presque dans le fantastique et l’épouvante. C’est comme une balade sombre dans les méandres du désespoir, une lutte contre soi-même et un monde détesté et détestable. En effet, l’objectif de cette bande de jeunes est littéralement de faire sauter le système en place, un système, selon eux, sans avenir, dont le seul salut passe par une destruction, dans l’espoir une renaissance. Issus d’horizons divers, ils témoignent d’un mal-être généralisé, qui nécessite une transformation radicale pour être soigné. Paradoxalement, le système qu’ils veulent combattre est aussi source de nombreuses tentations auxquelles ils choisissent de s’adonner dans la grande galerie commerciale, symbole d’une grande prison où la seule occupation est de consommer.

Nocturama dévoile l’image d’une jeunesse révoltée, d’une société désabusée (« Ça devait arriver »), qui perd ses repères, qui sent que le monde est au bord de la rupture à force d’excès et de choix déraisonnables. Une jeunesse en panique, que l’on n’écoute pas, et que l’on préfère sacrifier en silence et sans sommations plutôt que de risquer la laisser ébranler l’ordre établi. Mis en scène de fort belle manière, avec un scénario intelligent, éloquent, beau, judicieux.


Note et avis

4/5

Une balade désespérée et pleine de révolte dans un monde dans l’impasse, à la mise en scène judicieuse et soignée, une vraie réussite.

Bande-annonce du film

Quentin Coray

Quentin, 29 ans, mordu de cinéma depuis le visionnage de Metropolis, qui fut à l'origine d'un véritable déclic. Toujours en quête de nouvelles découvertes pour élargir mes connaissances et ma vision du cinéma. "L'art existe et s'affirme là où il y a une soif insatiable pour le spirituel, l'idéal. Une soif qui rassemble tous les êtres humains." - Andreï Tarkovski

1 réflexion sur “Nocturama (Bertrand Bonello, 2016) ★★★★ – Critique & Analyse

  • « Nocturama », thriller glacial et fascinant de Bertrand Bonello!
    Thriller brillant, mécanique de précision; sauf que, là, il ne s’agit pas de dévaliser une banque, mais de commettre des attentats dans Paris! Toute la première partie, rythmée en temps réel, est fascinante. Soyez attentifs au premier plan, vision magnifique de Paris, et aux plans qui suivent. Bertrand Bonello sait créer une atmosphère, filmant progressivement la bande qui prépare les attentats; la musique ajoute encore au côté oppressant et très prenant de cette histoire. La manière de filmer est étonnante avec des retours en arrière, souvent fugaces, qui rajoutent encore au mystère. Les éléments vont s’emboîter progressivement et le rythme nous tient réellement en haleine.
    Seul petit bémol, il nous manque plein d’éléments pour comprendre les motivations de ces rebelles qui semblent appartenir à la mouvance de l’ultra-gauche. A la décharge de Bertrand Bonello, qui a tendance à laisser le spectateur faire ses propres hypothèses, ce n’est manifestement pas cela qui l’intéresse. Quelques éléments nous sont toutefois donnés par Adèle Haenel qui fait une participation amicale et dont le personnage explique, en gros, que, bon, ça devait arriver, et que ça y est, c’est arrivé. On comprend bien que ce qui intéresse le réalisateur, c’est le fait de filmer brillamment les attentats. Ultra-gauche, disait-on tout à l’heure, la bande est un mélange d’étudiants de Sciences-Po, ou de futurs étudiants, et de petits gars des banlieues. Leurs cibles sont précises, Ministère de l’Intérieur, Banque HSBC, etc., mais qui y a-t-il derrière, où sont trouvés les énormes moyens utilisés pour commettre les attentats, on n’en saura pas plus. Encore une fois, c’est au spectateur de se faire sa propre opinion.
    En tout cas, voilà un film très fort, bien dans l’air du temps. Là, compte tenu du sujet traité, je suis allé voir après coup: apparemment le film était déjà écrit et réalisé avant les attentas du Bataclan. Pour le coup, il s’agit d’un film prémonitoire, à la réalisation au cordeau, très prenant, très angoissant, très brillant, mais qui nous laisse mal à l’aise…

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