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Mirages (King Vidor, 1928) – Critique & Analyse

A la fin des années 20, le cinéma est encore un art jeune, au beau milieu de la trentaine. Mais il est déjà, à cette époque, florissant. Il a conquis le public, et vu l’ouverture d’immenses salles prestigieuses où s’amassent des centaines de curieux. Les films sont produits à la pelle par des géants qui ont réussi à industrialiser la production des films, fabriquant leurs stars, donnant des idées à plein d’inconnus souhaitant s’accomplir dans ce secteur plein d’avenir. Un monde de mirages, que King Vidor nous raconte ici.


Fiche du film

Affiche de Mirages (1928)
Affiche de Mirages (1928)
  • Genre : Comédie
  • Réalisateur(s) : King Vidor
  • Distribution : Marion Davies, William Haines, Dell Henderson, Paul Ralli
  • Année de sortie : 1928
  • Synopsis : Peggy Pepper quitte sa Géorgie natale dans l’espoir de devenir une grande actrice à Hollywood. (SensCritique)

Critique et Analyse

William Haines, Marion Davies et Charlie Chaplin dans Mirages (1928)
William Haines, Marion Davies et Charlie Chaplin dans Mirages (1928)

L’approche de Mirages a tout pour séduire, avec cette idée de raconter le rêve d’une jeune femme de la campagne souhaitant faire carrière à Hollywood, et de le transposer à l’écran. Tout de suite, le film montre comment ce lieu, qui n’était encore qu’un vaste terrain vague vingt ans auparavant, est devenu une véritable fabrique à rêves, créant une fascination folle à son égard. La voiture se fraie un chemin au milieu d’immenses hangars renfermant les studios des plus grandes sociétés de production de films américaines, où doivent se dresser d’énormes décors dans lesquels jouent les plus grandes stars du milieu. Mais Hollywood, c’est aussi un endroit où l’on se présente brièvement pour tenter sa chance, des cantines où les acteurs se restaurent pendant un tournage, des figurants qui attendent…

« Mirages vient confronter un idéal à la réalité, l’image d’un eldorado fantasmé où l’on peut devenir quelqu’un, mais le chemin à emprunter nécessite de franchir des étapes essentielles, parfois déplaisantes. »

Le spectateur découvre donc, au-delà de cette petite histoire de rêves américains, les coulisses du milieu, à une époque d’apogée pour Hollywood. Peggy, l’héroïne du film, parvient vite à obtenir un poste et à découvrir son premier tournage. Son rêve était de devenir une grande actrice dramatique, mais son allure et son attitude lui valurent de décrocher un petit rôle dans un slapstick, comédies burlesques qui connurent leur âge d’or dans les années 1910 avec les Mack Sennett et autres Roscoe Arbuckle, avant de prendre une autre dimension dans les années 20 avec les films de Keaton, Chaplin et Lloyd en tête. Pour Peggy, difficile de se résoudre à tomber si bas, et faire rire d’elle est d’abord un signe d’humiliation, jusqu’à ce que Billy, son collègue de tournage, ne la convainque qu’elle sait y faire, et qu’elle doit encaisser pour atteindre les sommets. Mirages vient donc confronter un idéal à la réalité, l’image d’un eldorado fantasmé où l’on peut devenir quelqu’un, mais le chemin à emprunter nécessite de franchir des étapes essentielles, parfois déplaisantes.

Mirages (1928)
Mirages (1928)

Bien qu’ayant un ton résolument comique, n’hésitant parfois pas à faire un brin de caricature, Mirages aborde très sérieusement son sujet, en suggérant certaines choses qui dépassent le simple cadre de l’histoire que l’on voit à l’écran. On y discerne notamment cette opposition entre rêve et réalité, avec cette vision d’Hollywood qui fait rêver, pendant que la réalité des tournages est toute autre, mais aussi le fait qu’elle soit vraie, et réellement elle, au beau milieu de films dans lesquels elle tourne, lesquels sont purement fictifs. La première scène de tournage du slapstick qu’elle intègre est justement très éloquente à ce sujet et, au-delà d’être très touchante, elle contient toute la clé du film. Paradoxalement, c’est quand elle parviendra à atteindre son but, à être une star dramatique, une digne représentante de cet art avec un grand A, qu’elle se retrouvera en permanence plongée en pleine fiction, jouant un rôle même en dehors de l’écran.

King Vidor, encore très prolifique à l’époque, termine la période dite « muette » de sa carrière en proposant, la même année, le tragique et magnifique La Foule (1928) et, donc, Mirages, qui fait preuve d’une légèreté contrebalançant complètement avec ce dernier. C’est un vrai plaisir de cinéma, dans lequel le cinéaste s’est lui-même fait plaisir. C’est un très beau témoignage de cette époque charnière de l’histoire du cinéma, embellie par divers caméos de grands noms du cinéma de l’époque, comme Charlie Chaplin, Douglas Fairbanks, William S. Hart, ou même King Vidor lui-même. Un moment de cinéma doux et rafraîchissant.

Note et avis
En résumé
Mirages est une comédie rafraîchissante qui nous plonge dans les coulisses du Hollywood à la fin de l'ère du cinéma muet, entre grandeur et décadence, une fabrique à rêves où les rôles ne se jouent pas que devant l'écran.
4
Note

Quentin Coray

Quentin, 29 ans, mordu de cinéma depuis le visionnage de Metropolis, qui fut à l'origine d'un véritable déclic. Toujours en quête de nouvelles découvertes pour élargir mes connaissances et ma vision du cinéma. "L'art existe et s'affirme là où il y a une soif insatiable pour le spirituel, l'idéal. Une soif qui rassemble tous les êtres humains." - Andreï Tarkovski

1 réflexion sur “Mirages (King Vidor, 1928) – Critique & Analyse

  • Melissa

    Salut,
    J’aime bien visionner des classiques du cinéma pendant mes heures libres et « Mirages » me semble une bonne proposition pour ce week-end. Merci pour ton avis sur cette réalisation de King Vidor qui est un cinéaste d’exception. En ce moment, je regarde des longs-métrages historiques sur ce site https://www.playvod.ma/ qui propose le téléchargement légal et ce sont principalement des longs-métrages anciens qui me tentent depuis un certain temps. ☺

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