Cannes Express #1 – Leto (2018)
Retour sur les films que j’ai pu visionner à l’occasion du Festival de Cannes 2018. On commence par Leto, réalisé par Kirill Serebrennikov.
Fiche du film
- Genre : Biopic, Drame, Musique
- Réalisateur : Kirill Serebrennikov
- Année de sortie : 2018
- Casting : Teo Yoo, Irina Starshenbaum, Roman Bilyk
- Synopsis : Leningrad. Un été du début des années 80. En amont de la Perestroïka, les disques de Lou Reed et de David Bowie s’échangent en contrebande, et une scène rock émerge. Mike et sa femme la belle Natacha rencontrent le jeune Viktor Tsoï. Entourés d’une nouvelle génération de musiciens, ils vont changer le cours du rock’n’roll en Union Soviétique. (senscritique.com)
Critique et Analyse
Les retours au sujet du film de Kirill Serebrennikov étaient tout à fait enthousiasmants, plaçant rapidement Leto parmi les films à découvrir en priorité pendant ces trois jours. Cette mise en scène de l’émergence d’une scène rock’n’roll, contestataire, dans l’URSS fatiguée et sclérosée de Brejnev séduisait sur le papier, avec, notamment, ce parti-pris de filmer le tout en noir et blanc. Les cinéastes russes aiment contester, et s’ils se projettent parfois dans le passé, ce n’est pas tant pour critiquer la situation passée que le présent, à l’instar de ce que peut faire un Andreï Zviaguintsev.
« Le noir et blanc répond à l’idée de représenter le passé, mais permet aussi de créer une atmosphère lyrique et mélancolique en se basant notamment sur les jeux de lumière et également à souligner la morosité ambiante rongeant l’URSS. »
Toujours est-il que l’immersion dans cette époque est rapide, le noir et blanc donne un côté très fantastique et magique aux scènes de concerts, et une atmosphère très lyrique et légère aux scènes d’extérieur. Leto est, dans son ensemble, une ode à une jeunesse qui ne trouve plus de repères chez elle mais ailleurs, et qui puise dans ces diverses références une culture et une soif de liberté, contrastant avec l’intransigeance et le patriotisme invétéré de la population. Le noir et blanc répond donc à l’idée de représenter le passé, mais permet aussi de créer une atmosphère lyrique et mélancolique en se basant notamment sur les jeux de lumière et également à souligner la morosité ambiante rongeant l’URSS.
Le cinéaste, à l’image de ses héros, ose, et n’hésite pas à se prendre à quelques envolées audacieuses, notamment au travers du personnage très particulier qui interagit souvent avec le spectateur et qui, généralement, introduit des passages musicaux qui se présentent sous la forme de clips. Leto se permet donc de s’aventurer, avec succès, sur le territoire des comédies musicales, toujours dans le but de caricaturer la population de l’époque et de creuser le fossé entre les protagonistes libertaires et la population rétrograde. C’est, à une échelle plus large, un nouveau questionnement sur la place des artistes dans la société, un sujet toujours source de débats, notamment dans le contexte dans lequel se déroule Leto.
En définitive, Leto est un vrai clip musical de deux heures, l’histoire d’une jeunesse qui veut vivre sa vie face à la morosité du régime en place, un bel équilibre entre lyrisme et folie. De beaux élans d’audace donnent du pep’s à ce film qui alterne parfaitement entre la soif de rébellion et la désillusion. Un film qui transporte, et la meilleure chose, c’est de se laisser emporter.
Note et avis
3.75/5
Film musical entraînant et enrichissant, Leto est empreint de lyrisme et de mélancolie, ce qui ne lui empêche pas de céder à quelques accès de folie bienvenue. Un beau film à découvrir.