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Les Révoltés du Bounty (Frank Lloyd, 1935) – Critique & Analyse

« Les Révoltés du Bounty » est un titre qui nous parle tous de près ou de loin, pour la portée symbolique de cette histoire vraie, et aussi pour les œuvres qui en ont découlé, qu’elles soient littéraires ou cinématographiques. La première d’entre elles fut réalisée en 1935, alignant un casting de choix pour nous embarquer dans une périlleuse aventure au bout du monde.


Fiche du film

Affiche des Révoltés du Bounty (1935)
Affiche des Révoltés du Bounty (1935)
  • Genre : Aventure, Drame
  • Réalisateur(s) : Frank Lloyd
  • Distribution : Charles Laughton, Clark Gable, Franchot Tone
  • Année de sortie : 1935
  • Synopsis : En 1797, le Bounty quitte l’Angleterre sous le commandement du capitaine Bligh. Bientôt, l’équipage se révolte contre sa tyrannie… (SensCritique)

Critique et Analyse

Les Révoltés du Bounty (1935)
Les Révoltés du Bounty (1935)

Pour aller effectuer sa mission aux antipodes de Portsmouth, en Grande Bretagne, le Bounty pouvait compter sur des matelots et officiers aguerris, mais, pour garnir les rangs, il fallait parfois aller chercher des voleurs ou des repris de justice qui errent en ville dans les tavernes. La toute première partie du film s’intéresse ainsi à la présentation de quelques éléments-clé de l’équipage, créant d’ailleurs rapidement une opposition entre les officiers bien habillés et disciplinés, et les hommes d’équipage, issus de milieux bien plus modestes, cherchant la subsistance avant le succès dans leur carrière. Les uns embarquent dans le but de devenir amiral et quittent leur belle demeure, quand les autres embarquent de force après avoir été réquisitionnés dans une taverne. Tout cela nous mène ainsi jusqu’au départ du fameux Bounty, où l’on fait la rencontre du dernier maillon de la chaîne, et non des moindres, le capitaine Bligh.

« Les Révoltés du Bounty va alterner les points de vue au fil de la mission, faisant naturellement prendre au spectateur le parti des hommes d’équipage face à ce capitaine despote, mais le film ne tombe jamais dans la caricature. »

Par la structuration du récit, le film induit ainsi une hiérarchie implicite, partant du bas de l’échelle pour monter petit à petit jusqu’aux commandants de bord, laissant alors place à la mission pour que cette hiérarchie devienne véritablement explicite et visible au quotidien. Dès le départ, le ton est donné avec cette image d’un homme fouetté à maintes reprises, de nouveau condamné à être fouetté alors que l’on découvre qu’il était déjà mort, victime de l’intransigeance du capitaine Bligh, dont on découvre ainsi rapidement le type d’homme dont il s’agit. Les Révoltés du Bounty va alterner les points de vue au fil de la mission, faisant naturellement prendre au spectateur le parti des hommes d’équipage face à ce capitaine despote, mais le film ne tombe jamais dans la caricature, celui-ci donnant, au contraire, de la consistance aux personnages au fil du récit, n’hésitant pas à à nous questionner sur notre propre approche des choses.

Les Révoltés du Bounty (1935)
Les Révoltés du Bounty (1935)

La mutinerie, attendue dès le départ, et qui doit constituer le point d’orgue du film, est supposée apporter au spectateur la satisfaction et la délivrance grâce à la révolte face à un pouvoir impitoyable et injuste. Pourtant, ses conséquences s’avèrent plutôt étonnantes, notamment dans les attitudes respectives de Christian, le chef des mutins, et de Bligh, ce premier se montrant soudainement plus ferme et implacable, et le second faisant preuve d’un étonnant courage et même d’un certain altruisme vis-à-vis de ses camarades d’infortune. Pour le film de Frank Lloyd, il s’agit, quelque part, de montrer les dérives de l’autorité et du pouvoir de manière générale, qui peuvent pervertir n’importe quel homme. C’est l’une des réussites du film, qui réussit à maintenir un équilibre fragile mais maîtrisé, évitant les certitudes et les caricatures.

Tout cela, bien entendu, perdrait de la saveur sans une mise en scène de qualité qui donne de la puissance au récit, notamment lors des passages les plus intenses, dont les plans et le montage rappellent notamment Eisenstein et son Cuirassé Potemkine, avec ces gros plans et ces plans rapides, réunissant brièvement deux films narrant des épisodes historiques proches. Sans temps morts, Les Révoltés du Bounty parvient à rendre cette histoire passionnante, nous faisant voyager tantôt en enfer, tantôt au paradis, pour finalement nous ramener dans un éternel purgatoire où les hommes doivent se faire leurs propres juges dans l’espoir d’un monde meilleur. Un dernier mot, bien entendu, sur ce formidable casting, le duo/duel Clark Gable/Charles Laughton en tête, les deux portant merveilleusement bien le film, notamment le second, qui livre, comme à son habitude, une prestation inoubliable.

Note et avis

En résumé

Grand film d’aventures, Les Révoltés du Bounty emporte grâce à ses excellents acteurs (Laughton/Gable), ses personnages consistants et plus complexes qu’il n’y paraît, et à sa mise en scène de grande qualité qui lorgne par moments vers Eisenstein et son Potemkine.

Note globale
8/10
8/10

Quentin Coray

Quentin, 29 ans, mordu de cinéma depuis le visionnage de Metropolis, qui fut à l'origine d'un véritable déclic. Toujours en quête de nouvelles découvertes pour élargir mes connaissances et ma vision du cinéma. "L'art existe et s'affirme là où il y a une soif insatiable pour le spirituel, l'idéal. Une soif qui rassemble tous les êtres humains." - Andreï Tarkovski

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