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Les Misérables (Ladj Ly, 2019) ★★★★ – Critique & Analyse

La compétition cannoise est lancée, et les prétendants à la palme d’or viennent se présenter au jury et au public. Le cinéma français et francophone est très présent dans cette compétition, et c’est Ladj Ly, réalisateur de 39 ans, qui ouvre le bal avec Les Misérables, son premier long-métrage de fiction.


Fiche du film

Affiche des Misérables (2019)
Affiche des Misérables (2019)
  • Genre : Drame
  • Réalisateur : Ladj Ly
  • Année de sortie : 2019
  • Distribution : Damien Bonnard, Djebril Zonga, Alexis Manenti
  • Synopsis : Stéphane, tout juste arrivé de Cherbourg, intègre la Brigade Anti-Criminalité de Montfermeil, dans le 93. Il va faire la rencontre de ses nouveaux coéquipiers, Chris et Gwada, deux « Bacqueux » d’expérience. Il découvre rapidement les tensions entre les différents groupes du quartier. Alors qu’ils se trouvent débordés lors d’une interpellation, un drone filme leurs moindres faits et gestes… (SensCritique)

Critique et Analyse

Les Misérables (2019)
Les Misérables (2019)

Le cinéaste, qui a grandi dans la banlieue parisienne, a pris la caméra très tôt, pour suivre le quotidien de ces quartiers où la vie est difficile, voire pour faire du « Cop Watch », c’est-à-dire filmer les interventions policières, notamment lorsque celles-ci sont violentes. Il a ensuite pu réaliser des courts-métrages documentaires sur ces quartiers pour raconter leur histoire, mais aussi sa vie. A l’origine, Les Misérables était un court-métrage de fiction, qu’il a choisi d’adapter en long-métrage, en racontant une journée à Clichy-Montfermeil, à travers le regard des habitants de quartiers et de membres de la BAC.

« A travers son film, Ladj Ly communique toute la misère de ces quartiers, la détresse et la peur qui y règnent, les faisant basculer dans un monde sans foi ni loi où il ne s’agit plus que d’être le plus fort. »

Régulièrement caméra à l’épaule, souvent près de ses personnages, Ladj Ly choisit d’ouvrir son film sur la journée de la finale victorieuse de l’équipe de France de football à la dernière coupe du monde. C’est la communion, tout le monde fait la fête, personne ne pense plus à rien, on change tous La Marseillaise et on court dans les rues. Puis cette ouverture heureuse laisse place au quotidien des quartiers, au retour à la réalité, loin de cette éphémère utopie. A travers son film, Ladj Ly communique toute la misère de ces quartiers, la détresse et la peur qui y règnent, les faisant basculer dans un monde sans foi ni loi où il ne s’agit plus que d’être le plus fort. Dans ce qui est devenu une véritable jungle, les individus ne s’écoutent plus, et ne sont plus capables de communiquer autrement que par la violence.

Les Misérables (2019)
Les Misérables (2019)

Car Les Misérables développe un climat de tension permanent et étouffant, qui va crescendo jusqu’à un dernier acte apocalyptique s’apparentant à un véritable cri de colère teinté de détresse. Toute prise de parti est évitée. Qu’il s’agisse des habitants des quartiers que des forces de police, tous sont dans la même misère, la même détresse, et n’ont plus que la violence pour s’exprimer. C’est elle qui est pointée du doigt, et surtout ses origines, que sont principalement le délaissement de ces quartiers et de toute une génération qui n’a plus de repères et ne veut pas se conformer à l’ordre établi. C’est l’ingérence et le manque de préoccupation du gouvernement envers ces quartiers que Ladj Ly, qui a lui-même vécu toutes ces situations, pointe du doigt. La rupture est proche, et si rien n’est fait, il ne restera plus que le chaos.

Aucun misérabilisme ni prise de parti, pas de volonté d’être moralisateur, juste exposer les faits tels qu’ils sont, montrer ce que l’on ne montre pas toujours, ou le montrer d’un angle véritablement neutre pour permettre au spectateur de prendre plus de recul, de mieux comprendre. En s’incarnant dans la peau du petit pilote de drones, il se fait le témoin d’une génération abandonnée, un futur sans avenir. Les Misérables offre une plongée dans l’enfer de banlieues où la misère, la peur, le désespoir et la colère ont donné naissance à un monde sans foi ni loi. Un film immersif au plus près de la réalité, avec une tension grandissante qui happe le spectateur.

Date de sortie nationale : 20 novembre 2019.


Note et avis

4/5

Ladj Ly raconte avec une grande justesse et avec maîtrise l’histoire des quartiers, la misère, la peur et la colère qui y règnent et, surtout, tire la sonnette d’alarme avant que la situation ne sombre définitivement dans le chaos.

Extrait du film

Quentin Coray

Quentin, 29 ans, mordu de cinéma depuis le visionnage de Metropolis, qui fut à l'origine d'un véritable déclic. Toujours en quête de nouvelles découvertes pour élargir mes connaissances et ma vision du cinéma. "L'art existe et s'affirme là où il y a une soif insatiable pour le spirituel, l'idéal. Une soif qui rassemble tous les êtres humains." - Andreï Tarkovski

4 réflexions sur “Les Misérables (Ladj Ly, 2019) ★★★★ – Critique & Analyse

  • Corroy

    J’ai eu la nausée durant tout le film. Si je n’avais pas été seule, je serai partie avant la fin. Je ne vois aucun intérêt à faire un film comme ça. A vomir.

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    • J’aurais aimé en savoir plus car je suis curieux de connaître les raisons de cette impression négative.

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  • Elisabeth Chaillou

    Par contre, je suis totalement de l’avis de Quentin sur le film. Ni parti pris, ni misérabilisme. Sujet que je connais pour avoir habité 30 ans à la Villeneuve de Grenoble, quartier qui avait été construit suite à une idée utopique de mélange des classes sociales et que j’ai vu abandonné et devenir difficile où chaque habitant parti ailleurs était remplacé par plus pauvre et ainsi de suite. Où l’école de la République ne remplissait plus son rôle et où l’on était obligé de mettre ses enfants dans des écoles privées afin de leur offrir une instruction potable. Parisienne d’origine et issue d’une classe sociale aisée, ce quartier m’a ouvert l’esprit, m’a fait connaître des personnes venant de tous horizons et j’ai la sensation d’avoir grandi. Ce film, pour parler de cinéma, offre une vision réelle des habitants de ces quartiers et de l’état de délabrement dans lesquels ceux-ci sont laissés.Le cinéma sert aussi à réfléchir, à montrer la réalité ou à dénoncer comme le font certains films politiques. Ce n’est pas seulement de la distraction ou de l’esthétisme même si j’aime le cinéma esthétique aussi.

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    • Merci beaucoup pour ce témoignage qui confirme la pertinence de ce film ! C’est pour cela que je recommande à un maximum de personnes de le voir, car je n’ai pas vécu près de tout cela, ayant très longtemps vécu en campagne bretonne, cela parait toujours lointain ou biaisé par les regards des journalistes et des médias, et ça fait prendre conscience de beaucoup de choses.

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