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Le Train sifflera trois fois (Fred Zinnemann, 1952) – Critique & Analyse

Le Train sifflera trois fois est un titre qui parle facilement, même si l’on ne connaît pas spécialement le film. Celui-ci est devenu, avec le temps, un classique du western, dans un style qui le différencie assez de beaucoup de ses semblables.


Fiche du film

Affiche de Le Train sifflera trois fois (1952)
Affiche de Le Train sifflera trois fois (1952)
  • Genre : Western
  • Réalisateur(s) : Fred Zinnemann
  • Distribution : Gary Cooper, Thomas Mitchell, Lloyd Bridges, Grace Kelly
  • Année de sortie : 1952
  • Synopsis : Alors qu’il s’apprête à démissionner, le shérif Will Kane apprend qu’un bandit, condamné autrefois par ses soins, arrive par le train pour se venger. (SensCritique)

Critique et Analyse

Gary Cooper et Grace Kelly dans Le Train sifflera trois fois (1952)
Gary Cooper et Grace Kelly dans Le Train sifflera trois fois (1952)

Dans Le Train sifflera trois fois, pas de longues chevauchées, pas d’escarmouches d’Indiens, pas de grands espaces. Nous restons dans une petite ville dont le shérif s’apprête à rendre son étoile suite à son mariage avec une jeune femme quaker avec qui il projette de partir. Cependant, au beau milieu de tous ces projets d’avenir, le passé a décidé de mettre son grain de sel et d’accabler l’homme qui va devoir faire face à une sinistre vérité et à un destin des moins encourageants. D’abord résolu à fuir loin de l’homme qu’il avait autrefois mené à la condamnation à mort, il décide, finalement, de faire face. Le shérif, alors si complimenté par les invités du mariage qui lui témoignent énormément de chaleur et de respect, doit vite élaborer un plan, car, dans moins d’une heure et demi, son ennemi viendra pour en découdre.

« Le Train sifflera trois fois met en images une société certes déjà construite, institutionnalisée, mais qui demeure encore désunie, où les valeurs de solidarité et d’altruisme sont délaissées au profit des intérêts personnels. »

Pour le shérif Will Kane (Gary Cooper), la solidarité de la ville sera essentielle pour éviter que le bandit ne vienne y semer la terreur. Alors que les premières impressions du spectateur mènent à penser qu’il parviendra à lever une petite armée, il n’en sera rien. Car, au fil de ses rencontres et de ses sollicitations, les masques vont peu à peu tomber. Peur, lâcheté, ressentiments, tous ont une bonne raison de laisser le shérif partir braver le danger seul. Tous parlent, aucun n’agit. Le Train sifflera trois fois met en images une société certes déjà construite, institutionnalisée, mais qui demeure encore désunie, où les valeurs de solidarité et d’altruisme sont délaissées au profit des intérêts personnels. Les interactions avec les autres personnages sont l’occasion d’élaborer le portrait de Kane, tout comme celui du bandit, plus complexes et moins manichéens que l’on pourrait penser.

Le Train sifflera trois fois (1952)
Le Train sifflera trois fois (1952)

Le bandit est l’ennemi affiché, alors que certains l’appréciaient en ville, tandis que le shérif a le soutien et l’empathie du spectateur pour lui, mais il doit faire face à la défiance d’une population qui, face à une autorité qu’on aurait pu qualifier de « saine » dans sa capacité à faire vivre la ville en paix, réagit par la méfiance et la rébellion. C’est ainsi que le parcours du shérif se retrouve empreint d’une forme de mélancolie, voire de tristesse, face à ce délaissement unanime, qui fait grandir la peur du shérif, et celle du spectateur avec. Comment cela va-t-il bien se terminer ? Et le cinéaste aime jouer avec cette tension grandissante, en l’alimentant en permanence. Il le fait notamment en racontant son histoire quasiment en temps réel, montrant souvent l’heure à la caméra pour bien prouver que le temps écoulé dans notre réalité est le même que celui écoulé dans le film. Tout, alors, devient prétexte à faire craindre l’approche de l’heure fatidique, au même rythme que les soutiens du shérif s’égrènent.

Le Train sifflera trois fois brille par sa capacité à raconter et à illustrer la solitude, parvenant à générer de la mélancolie dans un cadre écrasé par la tension et le suspense. Gary Cooper endosse à merveille ce rôle d’homme faisant preuve d’autorité mais qui est surtout ici montré comme fragile et désemparé. Il donne la réplique à Grace Kelly dans l’un de ses premiers rôles, et le spectateur sera aussi amusé de voir Lee Van Cleef dans son tout premier rôle, des années avant sa consécration devant la caméra de Sergio Leone. Sergio Leone, dont on percevrait presque, en avance, les prémisses de son cinéma, notamment lors d’un passage où se succèdent divers gros plans venant accroître la tension liée à une situation, mais aussi dans l’ambiance générale du film, très aride, ainsi que dans sa construction, où tout est fait pour mener à un instant où tout éclatera soudainement.

Note et avis

En résumé

Le train sifflera trois fois montre une société encore balbutiante, désunie, violente, laissant l’un des siens seul face à son destin. Une solitude émouvante, cruelle et mélancolique, dans l’attente du moment fatidique, dans un suspense grandissant avec le temps.

Note globale
7.5/10
7.5/10

Quentin Coray

Quentin, 29 ans, mordu de cinéma depuis le visionnage de Metropolis, qui fut à l'origine d'un véritable déclic. Toujours en quête de nouvelles découvertes pour élargir mes connaissances et ma vision du cinéma. "L'art existe et s'affirme là où il y a une soif insatiable pour le spirituel, l'idéal. Une soif qui rassemble tous les êtres humains." - Andreï Tarkovski

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