Le Démon des armes (Joseph H. Lewis, 1950) – Critique & Analyse
Nul ne sait exactement à quoi il est prédestiné. Les passions se manifestent telles des pulsions qui nous poussent à agir d’une certaine manière, souvent assez irrationnelle. C’est tout le drame de la vie du héros du Démon des armes, une vie de passions, aussi enivrantes que destructrices.
Fiche du film
- Genre : Drame, Film noir
- Réalisateur(s) : Joseph H. Lewis
- Distribution : Peggy Cummins, John Dall, Berry Kroeger
- Année de sortie : 1950
- Synopsis : Depuis toujours fasciné par les armes à feu, Bart Tare a tenté de dévaliser une armurerie à l’âge de sept ans. Un séjour prolongé en maison de redressement puis la guerre l’on éloigné de sa famille. A son retour, il rencontre dans une fête foraine Annie Laurie Starr, une tireuse d’élite vedette d’un show western. Tombant amoureux d’elle, il la suit dans sa tournée. Renvoyés, les deux tourtereaux décident de se lancer dans les braquages. (SensCritique)
Critique et Analyse
Le spectateur découvre Bart quand il n’est qu’un enfant, admirant des armes exposées dans une vitrine. Rien ne l’y oblige, mais il ne peut s’empêcher de résister. Une grosse pierre lui permettra de briser la vitre, geste symbolique pendant lequel il brise également la loi. Et celle-ci le rattrapera aussitôt pour le mettre face à son méfait. Il n’y avait pas d’intention de nuire, cet enfant ne veut pas causer de tort, mais ce chemin qu’il approche est trop dangereux. Écarté de sa famille, Bart devra grandir dans un milieu sécurisé et connaître la maison de correction. Et si le temps passe, il a gardé tout son savoir-faire et sa fascination des armes, même si un traumatisme d’enfance l’a résolu à être incapable de blesser voire tuer un autre être vivant.
« Le Démon des armes vient illustrer l’éternelle victoire du déraisonnable sur le raisonnable, la distinction entre rêve et réalité, des conflits permanents qui torturent les êtres. »
C’est lors d’une rencontre avec Annie, une tireuse chevronnée qui se produit en foires, que le destin de Bart va basculer. Pleine d’assurance, très douée avec les armes, elle a tout de la femme parfaite pour lui. Tout est d’ailleurs fait pour créer cette fascination autour d’elle, avec ces plans en contre-plongée qui suggèrent une forme de domination de sa part vis-à-vis de Bart et du spectateur, le tout avec une élégance et une sensualité qui achèvent le travail de séduction. Le Démon des armes vient illustrer l’éternelle victoire du déraisonnable sur le raisonnable, la distinction entre rêve et réalité, des conflits permanents qui torturent les êtres.
Lui, comme tout être humain, a ses faiblesses, mais il veut retenir les leçons du passé et vivre normalement. Elle voit les choses en grand, elle veut tout, tout de suite, elle se lasse de cette vie guère passionnante et veut la liberté, peu importent les moyens. Il lui apporte la raison et la tempérance, quand elle l’embarque sur les chemins de la tentation et de la cupidité. Entre les deux, la passion des armes agit comme un pont entre ces deux personnalités qui se complètent autant qu’elles s’opposent. Nous pourrions presque y voir deux facettes d’une conscience qui s’opposent et se répondent, trouvant un terrain d’entente où tout est possible, mais qui ouvre également la voie aux plus grands dangers. L’un incarne la raison et la tempérance, l’autre les pulsions, et la fragilité, avec la peur comme déclencheur de toutes les catastrophes.
Le Démon des armes ne cherche pas à se la jouer Bonnie and Clyde, même si le chemin emprunté par les deux personnages et leur évolution nous y font forcément penser. Ici, il est surtout question d’explorer l’ambivalence de la nature humaine ainsi que ses failles, appuyant dessus pour acculer les personnages tout en confrontant le spectateur à son propre jugement vis-à-vis des situations qu’il observe. Comme beaucoup de films noirs de l’époque, c’est le désespoir qui prime, au fur et à mesure que l’étau se resserre, tout au long de cette longue traque qui nous prend aux tripes. Quand la passion s’en mêle, rien n’est plus mesuré, tout va à fond, comme des montagnes russes où l’on grimpe vers les hauteurs, avant d’entamer une descente brutale.