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Cinexpress #191 – L’Île aux Chiens (2018)

La sortie d’un nouveau Wes Anderson, c’est toujours un petit événement, la promesse de la découverte d’un nouveau film au style décalé mais qui, pour sûr, saura nous surprendre. Mon histoire avec le réalisateur a commencé avec The Grand Budapest Hotel, son dernier film jusqu’ici, dont l’histoire, l’ambiance et la réalisation m’avaient enchanté au plus haut point. Wes Anderson a su faire de sa « patte » une marque de fabrique qui génère attentes et enthousiasme à chaque fois, comme c’est le cas, aujourd’hui, pour L’Île aux Chiens. Deuxième film en stop-motion du cinéaste après l’excellent Fantastic Mr. Fox, il affichait un casting cinq étoiles et beaucoup d’espoirs étaient placés sur lui. Je peux vous le dire, soyez rassurés, Wes Anderson n’a absolument rien perdu, bien au contraire.


Fiche du film

Affiche de l’Île aux Chiens (2018)
Affiche de L’Île aux Chiens (2018)
  • Genre : Animation, Aventure, Comédie, Science-fiction
  • Réalisateur : Wes Anderson
  • Année de sortie : 2018
  • Casting : Bryan Cranston, Edward Norton, Bill Murray, Jeff Goldblum, Bob Balaban, Liev Schreiber, Greta Gerwig, Tilda Swinton, Scarlett Johansson, Harvey Keitel
  • Synopsis : En raison d’une épidémie de grippe canine, le maire de Megasaki ordonne la mise en quarantaine de tous les chiens de la ville, envoyés sur une île qui devient alors l’Ile aux Chiens. Le jeune Atari, 12 ans, vole un avion et se rend sur l’île pour rechercher son fidèle compagnon, Spots. Aidé par une bande de cinq chiens intrépides et attachants, il découvre une conspiration qui menace la ville. (senscritique.com)

Critique et Analyse

L'Île aux Chiens (2018)
L’Île aux Chiens (2018)

Le choix de la stop-motion n’est pas un choix simple, c’est un véritable travail de fourmi mobilisant des dizaines d’animateurs pour donner vie à ces multiples personnages. C’est aussi un genre d’animation que l’on n’a plus réellement l’habitude de voir mise en avant, à l’époque des effets spéciaux numériques. Mais Wes Anderson est un cinéaste décalé qui ne fait pas comme les autres. Dans son Japon dystopique, une maladie touchant les chiens force le pouvoir en place à les exiler sur une île-poubelle afin de les mettre en quarantaine. Rapidement, un clivage se crée entre humains et chiens, souvent considérés comme indissociables mais où, ici, les chiens sont chassés, et ces derniers survivent comme ils peuvent sur leur île.

« Les personnages principaux que sont Chief, Rex, Duke, Boss et King font écho à ceux des Sept Samouraïs, l’un des chefs d’œuvre du maître japonais, mettant en avant des personnages braves et vaillants décidant de partir dans une mission de sauvetage désespérée. »

Comme dans une véritable volonté de s’imprégner de la culture nippone, le cinéaste avait explicitement cité Akira Kurosawa comme une influence majeure dans son Île aux Chiens. Une influence que l’on peut d’ailleurs remarquer, par exemple, à travers les personnages principaux que sont Chief, Rex, Duke, Boss et King, qui font écho à ceux des Sept Samouraïs, l’un des chefs d’œuvre du maître japonais, mettant en avant des personnages braves et vaillants décidant de partir dans une mission de sauvetage désespérée.

L'Île aux Chiens (2018)
L’Île aux Chiens (2018)

Bien entendu, l’objectif du réalisateur n’était pas de se laisser écraser par l’enjeu et l’aura de son illustre collègue. Ici, Wes Anderson fait du Wes Anderson, et il le fait magnifiquement bien. On retrouve sa fabuleuse science de la composition des plans, toujours d’une singulière harmonie, basés sur des effets de symétrie et de perspectives, déjà très présents dans ses précédents films. On appréciera également la beauté des décors, les superbes jeux de couleurs, ici très chatoyantes, plus que dans la plupart de ses films précédents, souvent sur des tons plus pastel. Le cinéaste appuie ici davantage les jeux de lumière pour parfois mettre l’attention sur un personnage, ou parfois créer une atmosphère inquiétante.

« L’Île aux Chiens est une fabuleuse synthèse de tout ce qui fait le charme du cinéma de Wes Anderson, où le cinéaste nous transporte dans cette aventure trépidante, colorée et, surtout, au discours engagé et plein de sens. »

Son Île aux Chiens se divise également en chapitres, classique des films d’Anderson, et il n’hésite pas à briser le quatrième mur, envoyant des clins d’œil directs au spectateur ou utilisant divers subterfuges pour traduire le japonais à nos oreilles souvent peu coutumières de la langue du pays du soleil levant. L’Île aux Chiens est donc une fabuleuse synthèse de tout ce qui fait le charme du cinéma de Wes Anderson, où le cinéaste nous transporte dans cette aventure trépidante, colorée et, surtout, au discours engagé et plein de sens.

L'Île aux Chiens (2018)
L’Île aux Chiens (2018)

Car, si sur la forme, L’Île aux Chiens est un véritable tour de force superbement réussi, sur le fond, c’est aussi un film engagé qui traite de problématiques parfois passées, mais aussi d’actualité. Clairement, le film s’intéresse à la relation entre les Hommes et les chiens, et les animaux en général. En les dotant de la capacité à réfléchir et à parler, les chiens sont humanisés pour mieux faire transparaître l’importance d’être dans le devoir de les traiter comme nos égaux, et non pas comme des jouets ou des distractions que l’on peut abandonner sans aucun remords. Nombre d’animaux sont abandonnés chaque année, et Wes Anderson envoie ici un signal pour réconcilier humains et canidés pour, même si cela paraît cliché, rappeler que « le chien est le meilleur ami de l’Homme ».

« Une manière, en somme, de rendre un peu d’humilité aux humains pour les inciter à plus de bienveillance entre eux, mais aussi avec les animaux. »

Par ailleurs, le personnage de Kobayashi et son gouvernement, dirigeant la ville par la terreur, basant leur domination et obtenant le soutien du peuple à travers le rejet d’une population particulière rappelle aux sombres heures des dictatures du XXe siècle. Une manière, en somme, de rendre un peu d’humilité aux humains pour les inciter à plus de bienveillance entre eux, mais aussi avec les animaux. Car Wes Anderson est sans aucun doute un amoureux des chiens. Après tout, le titre original du film, Isle of Dogs, ne se prononce-t-il pas « I love dogs » ?

Wes Anderson et tous les personnages de L'Île aux Chiens
Wes Anderson et tous les personnages de L’Île aux Chiens

L’Île aux Chiens est donc en effet une véritable réussite en tous points. Visuellement sublime, rempli de belles trouvailles, au discours intelligent et touchant, c’est probablement l’une des plus grandes réussites de Wes Anderson, et un des tous meilleurs films de l’année en cours. Décidément, le cinéaste semble encore largement avoir de la réserve, avec une incroyable capacité à nous surprendre, qui ne fait que nous enthousiasmer encore plus dans l’attente de ses futurs projets. D’ici là, L’Île aux Chiens est définitivement un film à voir et à revoir.


Note et avis

4.5/5

Wes Anderson nous offre une nouvelle pépite avec L’Île aux Chiens, un de ses films les plus aboutis, véritable prouesse visuelle, et livrant également de beaux discours. Une belle fable humaniste et canine, drôle, poétique et enjouée, une réussite !


Bande-annonce de L’Île aux Chiens

Quentin Coray

Quentin, 29 ans, mordu de cinéma depuis le visionnage de Metropolis, qui fut à l'origine d'un véritable déclic. Toujours en quête de nouvelles découvertes pour élargir mes connaissances et ma vision du cinéma. "L'art existe et s'affirme là où il y a une soif insatiable pour le spirituel, l'idéal. Une soif qui rassemble tous les êtres humains." - Andreï Tarkovski

9 réflexions sur “Cinexpress #191 – L’Île aux Chiens (2018)

  • Bon, j’étais un public convaincu puisque je voulais déjà aller le voir, mais ta critique me fait redoubler d’impatience !

    Merci pour ton analyse =)

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    • Avec plaisir, merci à toi ! :)
      Et tu vois, même l’animation ne pose pas de soucis, ma copine était un peu dans le doute en voyant les bandes-annonce, finalement elle a beaucoup aimé le film ^^

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  • Je l’ai vu samedi. Ma critique du film arrive sans doute demain sur mon blog ;) J’ai beaucoup aimé le fond, même si je ne saurais pas comment l’expliquer ni quoi exactement, mais quelque chose m’a dérangé sur la forme… Peut-être le rythme, j’ai trouvé le « petit pilote » un peu bizarre « physiquement » et il me faisait presque peur. Mon compagnon a beaucoup aimé, il a trouvé le film original et a dit que ce n’était pas le genre de films qu’on voyait tous les jours (ça, c’est sûr !), et a beaucoup aimé la musique. Mais j’ai beaucoup aimé les différents messages passés dans le film, et en amoureuse des chiens, on ne peut qu’aimer ce qu’ils véhiculent :)

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  • c’est ma Malzenn qui sera contente (ma petite chienne que j’adore ;) Tu en parles très bien de ce film et tu donnes envie de le découvrir. Quel cinéaste ! bonne soirée à toi :)

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  • Et voilà, la chose est vue, et je conseille vivement.

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  • J’ai finalement visionné le film un peu plus tard que prévu (à l’instant) et je repensais à ton article. Je suis donc revenu dire… WHAOU. Comme tu l’as écrit, c’est une vraie pépite ! Quel film ! J’en ai pleuré à certains moments. Cela faisait longtemps qu’un film ne m’avait pas marqué comme ça. Moi qui, comme ta copine, craignais l’animation (certaines photos me mettent carrément mal à l’aise par la « texture » des personnages), j’ai trouvé ça splendide. Une histoire magnifique menée de main de maître !

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