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Black Adam (Jaume Collet-Serra, 2022) – Critique & Analyse

A chaque année ses nouveaux héros qui débarquent sur nos écrans. Que ce soit chez Marvel Studios ou DC, tout est fait pour que certains des noms les plus célèbres à avoir marqué l’histoire des comics voient leur histoire projetée sur grand écran. C’est ainsi que ce fut au tour de Black Adam de faire son apparition, après un long processus et concours de circonstances qui aura pris 15 ans à atteindre son dénouement. L’intention affichée : nous présenter un héros avec une grande part d’ombre, mu par la colère et la vengeance. De quoi offrir, enfin, de nouvelles perspectives ! Mais est-ce vraiment le cas ? Réponse courte : non.


Fiche du film

Affiche de Black Adam (2022)
Affiche de Black Adam (2022)
  • Genre : Action, Fantastique
  • Réalisateur(s) : Jaume Collet-Serra
  • Distribution : Dwayne Johnson, Pierce Brosnan, Sarah Shahi
  • Année de sortie : 2022
  • Synopsis : Près de cinq millénaires après avoir reçu les super-pouvoirs des anciens dieux – et avoir été emprisonné dans la foulée –, Black Adam est libéré de sa tombe terrestre, prêt à exercer sa propre justice dans le monde moderne… (SensCritique)

Critique et Analyse

Dwayne Johnson dans Black Adam (2022) © Warner Bros. Entertainment Inc.
Dwayne Johnson dans Black Adam (2022) © Warner Bros. Entertainment Inc.

Celui qui ne s’appelle pas encore Black Adam fut, dans l’Antiquité, au IIIe millénaire avant notre ère, un esclave au sein d’un peuple opprimé et exploité pour extraire une ressource rare devant conférer au souverain tyrannique un pouvoir sans limite. Mais quand celui-ci devait enfin y accéder, la révolte éclata, le roi renversé, et le héros disparut de la surface de la terre jusqu’à notre époque. Un culte lui est toujours rendu, et c’est dans un pays toujours opprimé par une milice corrompue et autoritaire qu’il va revenir après avoir été invoqué par une chercheuse voulant retrouver une couronne antique devant justement rendre son possesseur invincible. Ainsi, le passé trouble de ce héros antique fait qu’il tient sa puissance de l’injustice que lui et son peuple ont subi, sa manière de rendre justice étant relativement expéditive. Démarre alors un lent processus d’acclimatation et de canalisation de ce surhomme.

« Tout au long du film, Black Adam amorce des choses pour les désamorcer aussitôt, promettant quelque chose de différent pour revenir à l’éternel et même cahier des charges gouvernant tous les films du genre, encore et toujours. »

Black Adam vient donc se présenter avec la promesse d’introduire un héros qui ne soit pas lisse, qui ait une part d’ombre présente et visible qui le rendent ambigu dans son comportement, au carrefour du bien et du mal. Il serait donc raisonnable d’espérer voir cette idée retranscrite à l’écran. Et il s’avère que le film y parvient pendant un bref instant. Lorsque le héros libéré sort de son long sommeil, il détruit tout sur son passage, le tout accompagné d’une musique aux tons dramatiques, qui suggèrent justement les meurtrissures de Teth-Adam. On ressent donc bien cette noirceur qui émane, jusqu’à ce que l’image de la destruction adopte un effet stylisé alors que se lance Paint It Black des Rolling Stones. A ce moment, la libération de la colère et le poids des traumatismes se mue en une démonstration de pouvoirs devant avoir un rendu « cool ». Et c’est ainsi que le film bascule dans les travers classiques du genre. Tout au long du film, Black Adam amorce des choses pour les désamorcer aussitôt, promettant quelque chose de différent pour revenir à l’éternel et même cahier des charges gouvernant tous les films du genre, encore et toujours.

Black Adam (2022) © Warner Bros. Entertainment Inc.
Black Adam (2022) © Warner Bros. Entertainment Inc.

Le sérieux du film est toujours contrebalancé par des doses d’humour rarement subtiles, apportées soit par le personnage de Karim (comic-relief très classique et, en soi, passable), soit par Amon (ersatz de John Connor dans Terminator 2 dans sa relation avec Black Adam), soit par l’horripilant Atom Smasher, héros débutant et maladroit qui n’a vraisemblablement pour seule fonction que de débiter des vannes creuses. L’intégration d’inserts humoristiques est une constante dans les divertissements américains à grande échelle, et notamment les films de super-héros. Et même s’ils ont déjà une forte propension à sortir le spectateur du film, ils témoignent ici, presque, d’une incapacité à assumer le sérieux que le film pourrait adopter, et qui serait tout à fait légitime compte tenu de la personnalité du personnage principal. A la fin, le film ne semble même plus croire en lui-même, ni savoir quel ton adopter, et nous non plus. Pendant ce temps, Jaume Collet-Serra tente de jouer les Zack Snyder en puissance avec des effets de lumière artificiels et prononcés, et d’innombrables ralentis lors des scènes d’action pour chercher, dans le mouvement, une forme d’élégance et de grâce vite compensées par l’allure lisse et virtuelle des effets spéciaux. Le film paraît également remonté tant certaines parties de ce dernier paraissent précipitées et mal agencées. Cette incohérence s’ajoute ainsi aux nombreux défauts de ce film qui s’annonçait comme étant un projet d’envergure au sein de l’écurie DC qui, jusqu’ici, avait adopté la stratégie de l’opposition à Marvel par le biais d’une approche plus sombre et sérieuses des choses, pour finalement adopter la recette classique que l’on nous ressert depuis Iron Man, c’est-à-dire bientôt quinze ans.

Quand on voit Black Adam, on se dit qu’il est vraiment temps que tout cela s’arrête. Raconter une n-ième origin story pour simplement introduire un personnage sans autre but que de nourrir d’éventuels fantasmes de spectateurs ou de producteurs de voir un film sur leur héros favori, n’apportera jamais rien. Raconter et transmettre de vrais messages est permis, plus qu’un simple « chacun a sa part d’ombre » qui sera finalement la seule morale à en extraire après deux heures de castagne numérique. Il ne s’agissait en aucun cas de tirer sur l’ambulance en allant voir ce film, mais force est de constater que la lassitude est la seule gagnante dans l’histoire. Il n’y a plus de volonté de faire d’effort, et, pire que cela, les décisionnaires à la tête de ces films ont compris depuis longtemps qu’il n’y en a pas besoin d’en faire, lésant le spectateur au-delà de se payer sa tête.

Note et avis
En résumé
Black Adam fait illusion pendant cinq minutes, avant de sombrer, comme tous les autres, dans la facilité, aboutissant sur un film vain, vide et creux.
1
Note

Quentin Coray

Quentin, 29 ans, mordu de cinéma depuis le visionnage de Metropolis, qui fut à l'origine d'un véritable déclic. Toujours en quête de nouvelles découvertes pour élargir mes connaissances et ma vision du cinéma. "L'art existe et s'affirme là où il y a une soif insatiable pour le spirituel, l'idéal. Une soif qui rassemble tous les êtres humains." - Andreï Tarkovski

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