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Un grand voyage vers la nuit (Bi Gan, 2019) ★★★★ – Critique & Analyse

Souvenirs, passé, présent, futur, imaginaire, réalité. Toutes ces choses bien distinctes en apparence, que l’on sépare les unes des autres. Mais pourquoi en serait-il forcément ainsi ? Et si tous ces éléments ne pouvaient s’accorder, se mélanger et s’imprégner les uns des autres ? Pour mieux s’en rendre compte, embarquez dans un grand voyage vers la nuit


Fiche du film

Affiche d'Un grand voyage vers la nuit (2019)
Affiche d’Un grand voyage vers la nuit (2019)
  • Genre : Drame
  • Réalisateurs : Bi Gan
  • Année de sortie : 2019
  • Casting : Tang Wei, Sylvia Chang, Jue Huang
  • Synopsis : Luo Hongwu revient à Kaili, sa ville natale, après s’être enfui pendant plusieurs années. Il se met à la recherche de la femme qu’il a aimée et jamais effacée de sa mémoire. Elle disait s’appeler Wan Quiwen… (SensCritique)

Critique et Analyse

Un grand voyage vers la nuit (2019) © BAC FILMS
Un grand voyage vers la nuit (2019) © BAC FILMS

Un grand voyage dans lequel nous embarque Bi Gan, jeune cinéaste même pas encore trentenaire, qui s’était déjà distingué il y a quatre ans ans avec son Kaili Blues. Il me faut l’avouer, le nom du cinéaste était loin de m’être familier, pour ne pas dire inconnu, bien que le nom du film me disait quelque chose, puisqu’il avait été programmé dans la sélection Un Certain Regard lors du Festival de Cannes en 2018. Voilà que le film investit nos salles, et que des retours dithyrambiques viennent faire écho à cette sortie, signe qu’il serait judicieux, très probablement, de s’intéresser de plus près à ce film. Chose curieuse, le film est programmé en 3D. C’est donc un véritable saut dans l’inconnu, et il faut le dire, pour découvrir Un grand voyage vers la nuit, la meilleure des idées est de totalement lâcher prise.

« Un grand voyage vers la nuit est un film à l’intrigue des plus vagues et morcelées, ne cherchant pas à raconter d’histoire ou à nous mener d’un point A à un point B, mais à faire vivre au spectateur une véritable expérience où les frontières du réel et de l’imaginaire s’effacent. »

Je pourrais aisément rajouter le nom du film de Bi Gan à ma chronique « Doit-on tout comprendre au cinéma ? » tant ce film est caractéristique de ce que je tente d’y expliquer. Le film se divise en deux parties relativement distinctes. Une première où le héros semble se remémorer divers souvenirs, venant contextualiser l’histoire, présenter des personnages et des faits. La seconde partie, plus onirique, s’apparente à un long rêve éveillé d’une heure, intégralement tourné en plan-séquence. Un grand voyage vers la nuit est un film à l’intrigue des plus vagues et morcelées, ne cherchant pas à raconter d’histoire ou à nous mener d’un point A à un point B, mais à faire vivre au spectateur une véritable expérience où les frontières du réel et de l’imaginaire s’effacent. Fatalement, notre volonté de comprendre nous fait accrocher à des éléments qui nous permettraient de broder quelque chose d’harmonieux et solide, mais à chaque fois, notre esprit s’égare et on perd le fil. Car, lorsque l’on explore la conscience d’un homme, ses souvenirs et ses rêves, chercher du sens et des repères rationnels est purement vain.

Un grand voyage vers la nuit (2019) © BAC FILMS
Un grand voyage vers la nuit (2019) © BAC FILMS

A l’instar d’un Miroir d’Andreï Tarkovski, le récit est très morcelé, décousu, et pourtant, d’une harmonie générale manifeste. Ne pas penser au cinéma du cinéaste soviétique lorsque l’on connait ses films semble par ailleurs impossible, notamment lors de ces plans dans une maison en ruines où l’eau ruisselle, avec cette représentation du temps qui passe, le chien, le cheval… Mais le cinéaste chinois n’est cependant pas dans le pastiche, n’allant pas simplement nous faire voir un film, mais bien nous le faire vivre. Nous faisant passer de la 2D à la 3D d’une manière amusante mais tout à fait judicieuse, il nous fait passer du souvenir lointain et « plat » au rêve, vivant, et lui donne, littéralement, du relief. En choisissant de tourner cette dernière heure en plan séquence, le cinéaste s’extirpe des contraintes du cinéma, supprimant les coupes, pour faire en sorte que la temporalité du récit du film se rapproche le plus possible de celle de la vie réelle. Le film s’empare alors de nous, au point que, à un moment, je me suis retrouvé, sans m’être assoupi, à me « réveiller », à me demander où on en était, où j’en étais, tant tout repère de temps m’avait échappé. J’avais été comme hypnotisé. En fait, « hypnotique » est, probablement, l’un des adjectifs parvenant le mieux à qualifier Un grand voyage vers la nuit.

Il convient de ne pas trop en dire sur Un voyage vers la nuit, ni de trop s’évertuer à chercher une quelconque explication quant à l’intrigue. Bi Gan rappelle ici ce qui fait la principale force du cinéma, c’est-à-dire faire vivre des choses, attirer le spectateur à lui pour le lier à l’œuvre. Le titre français du film est des plus évocateurs, tant la nuit est ici sublimée, et tant ce rêve mis sur pellicule nous entraîne avec lui. Aussi difficile cela puisse-t-il être par moment, il faut surtout se dire qu’il s’agit de rêves et de souvenirs, que ces éléments doivent être pris à la volée pour créer un ensemble, et qu’il ne faut surtout pas chercher à les assembler dans le but de créer quelque chose de logique. Il ne faut pas penser, juste vivre, et, alors, vous pourrez profiter au mieux de cette belle expérience.


Note et avis

4/5

Mêlant les souvenirs à la réalité, nous plongeant dans un rêve éveillé, avec son intrigue des plus vagues, Un grand voyage dans la nuit nécessite de lâcher prise, faisant disparaître toute notion du temps dans un voyage hypnotique dans la conscience.


Bande-annonce du film

Quentin Coray

Quentin, 29 ans, mordu de cinéma depuis le visionnage de Metropolis, qui fut à l'origine d'un véritable déclic. Toujours en quête de nouvelles découvertes pour élargir mes connaissances et ma vision du cinéma. "L'art existe et s'affirme là où il y a une soif insatiable pour le spirituel, l'idéal. Une soif qui rassemble tous les êtres humains." - Andreï Tarkovski

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