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The Lighthouse (Robert Eggers, 2019) ★★★★ – Critique & Analyse

Dès l’annonce de sa présence à la Quinzaine des Réalisateurs cette année, The Lighthouse a figuré parmi mes immanquables de ce Festival. Certes, je n’avais pas vu The Witch, mais le simple énoncé de l’intrigue globale et du casting suffisait à me faire me précipiter pour aller le voir, quitte à devoir attendre trois heures. Si j’avais déjà des espoirs avant d’aller le voir, je n’étais certainement pas prêt à vivre ce que j’allais vivre.


Fiche du film

Affiche de The Lighthouse (2019)
Affiche de The Lighthouse (2019)
  • Genre : Drame, Epouvante, Fantastique, Horreur
  • Réalisateur : Robert Eggers
  • Année de sortie : 2019
  • Distribution : Willem Dafoe, Robert Pattinson
  • Synopsis : Le film se passe dans une ile lointaine et mystérieuse de Nouvelle Angleterre à la fin du XIXe siècle, et met en scène une « histoire hypnotique et hallucinatoire » de deux gardiens de phare. (SensCritique)

Critique et Analyse

L’ouverture du film plante rapidement le décor. Nous sommes avec ces deux gardiens de phare, venant effectuer la relève, voguant sur un bateau dont nous voyons l’étrave briser les vagues au rythme de la musique qui résonne dans la salle. Enveloppés dans ce noir et blanc verdâtre et dans ce 1.19:1, nous posons aussi le pied sur cette île au milieu de nulle part, prêts à devenir les observateurs de la vie de ces deux gardiens de phare envoyés ici en mission pendant quatre semaines. Alors que la sirène supplante régulièrement le bruit du vent de les cris des mouettes, la caméra lévite alors avec fluidité dans ce décor que nous découvrons, avec lequel nous nous familiarisons, profitant déjà de premiers grands instants de beauté dans ce film qui rappelle à quel point le cinéma est, avant tout, une expérience.

« The Lighthouse est, à l’instar de ce phare qui accueille et enferme ces deux hommes, un film qui s’empare de vous, qui vous enferme le temps d’une séances dans une tempête visuelle et sensorielle qui vous plongera dans un étrange mélange d’effroi et de fascination. »

En effet, se livrer à une lecture purement analytique de The Lighthouse ne paraît pas être ce qu’il y a de plus judicieux à faire, tant j’ai vécu le film avant de chercher à le comprendre. Car The Lighthouse est, à l’instar de ce phare qui accueille et enferme ces deux hommes, un film qui s’empare de vous, qui vous enferme le temps d’une séance dans une tempête visuelle et sensorielle qui vous plongera dans un étrange mélange d’effroi et de fascination. L’esthétique du film est remarquable, empruntant à l’expressionnisme, avec des jeux de lumières et d’ombre très prononcés, usant régulièrement de gros plans sur les personnages, pour souligner leurs expressions et leurs regards, allant parfois jusqu’à ramener au cinéma muet, dans le jeu des acteurs et la construction des plans. The Lighthouse est un film qui se construit comme un conte lointain, le récit d’une vieille légende, se forgeant sur des mythes pour lui-même en devenir un.

The Lighthouse (2019)
The Lighthouse (2019)

C’est la convocation de nombreuses légendes marines, comme les sirènes, poussant des cris stridents qui résonnent encore dans ma tête et me donnent des frissons. C’est l’appel à la mythologie grecque, allant de Triton à Prométhée. C’est le développement de toute une imagerie mêlant rêve et réalité, poussant les deux hommes jusqu’aux plus sombres recoins de la folie. Autant d’éléments faisant de cette histoire de gardiens de phare une nouvelle légende sur la dualité de l’être humain, et de sa quête d’élévation et de pouvoir. Willem Dafoe et Robert Pattinson, impressionnants, forment un duo qui peut être aussi attachant qu’inquiétant, dont le principal sujet de discorde reste l’accès à la lanterne du phare, cette lumière située au sommet de l’île, se muant en un trésor jalousement gardé d’un côté, et ardemment convoité de l’autre. Cette lumière, symbole de l’évasion, ce feu originel qui permit à l’Homme de s’émanciper, cette lueur aveuglante qui attire les âmes errantes dans la nuit, mais qui les éblouit et les désorientent quand elles s’en approchent trop. Alors que l’océan déchaîne sa puissance, qu’il envoie ses vagues se fracasser contre les rochers et recrache ses épaves, l’alcool inonde les esprits et dévore les cœurs, broyant l’humanité dans un puissant vacarme.

Ayant vécu toute mon enfance et mon adolescence en Bretagne, j’ai toujours été près des océans, entendant, la nuit, la lointaine sirène des phares, et vécu de nombreuses tempêtes. Cette idée de l’inconnu, du lointain, d’une immense force que nous ne pouvons dompter, a toujours occupé mon esprit, et The Lighthouse est venu raviver tous ces éléments pour me prendre au piège. Un piège dont je ne me suis jamais sorti au cours de la séance, fasciné par l’esthétique si particulière du film, directement héritée de l’époque du muet et des quelques années qui suivirent, ainsi que par le travail remarquable sur le son, et ce duo d’acteurs qui fonctionne à merveille. Quelque part, je m’étais toujours demandé comment vivaient les gardiens des phares à cette époque, considérant cela comme une véritable épreuve pour un être humain. The Lighthouse répond à cette question et offre, surtout, une expérience inattendue, grisante et glaçante. Probablement ma meilleure de cette année, au point d’en faire, potentiellement, mon film favori de cette année, à date.

Date de sortie nationale : 18 décembre 2019.


Note et avis

4.25/5

Mystérieux, étrange, The Lighthouse s’aborde comme une curiosité, avant d’offrir une sublime expérience, grâce à une superbe esthétique, un remarquable travail sur le son, et un duo d’acteurs parfaits.

Bande-annonce du film

Quentin Coray

Quentin, 29 ans, mordu de cinéma depuis le visionnage de Metropolis, qui fut à l'origine d'un véritable déclic. Toujours en quête de nouvelles découvertes pour élargir mes connaissances et ma vision du cinéma. "L'art existe et s'affirme là où il y a une soif insatiable pour le spirituel, l'idéal. Une soif qui rassemble tous les êtres humains." - Andreï Tarkovski

7 réflexions sur “The Lighthouse (Robert Eggers, 2019) ★★★★ – Critique & Analyse

  • Ouh là belle critique qui donne furieusement envie de découvrir ce film. En plus casting cinq étoile : Willem Dafoe et Robert Pattinson. J’avais beaucoup aimé « the witch » à l’ambiance troublante à souhait. Merci à toi

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    • Ah oui oui et la bonne impression n’est pas retombée ^^ Mes collègues m’ont parlé de The Witch donc ça m’a donné envie de le voir. Vraiment les deux acteurs sont géniaux, je pensais voir une curiosité et j’ai pris une sacrée claque. J’ai peur qu’il soit très mal distribué en France mais s’il finit par sortir, fonce le voir ! Je pense déjà peut être le revoir dimanche 2 au forum des images à Paris.

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  • J’ai pensé exactement la même chose vis-à-vis de ce film. J’ai été totalement emportée et de tous les films que j’ai vu en 2019 pour l’instant c’est celui que j’ai préféré!

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  • Thomas

    Bonne critique mais trop personnelle et subjective. Pas assez dans l’explication pour un film de cette trempe.

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    • Bonjour ! A mes yeux, le film relevant tellement de l’expérience, il est difficile, voire inadapté de s’aventurer dans l’explication. Tous les films n’ont pas besoin d’être expliqués. Et je trouve que The Lighthouse en fait partie. L’histoire est très simple, mais ce qui est intéressant, c’est la manière dont Eggers retransmet cet état d’esprit, cette destruction progressive et cette noyade dans la folie. Je trouve qu’il n’y a pas grand chose à y expliquer, mais énormément à vivre.

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  • Pat

    En fait il faut être un philosophe dans l’âme pour regarder ce film. Plus besoin de fin ou d’explication. Il faut se contenter d’une succession d’images plus ou moins dérangeantes qui n’aboutissent à rien sinon une immense incompréhension et une frustration maximale. Ce sont un peu les films à la mode de notre époque… et tant pis pour les gens comme moi qui après ce genre de films sont obligés de chercher sur internet une sombre explication, et que l’on se rend compte que tout le monde croit mais personne ne sait. Pour finir par lire: « film dont il ne faut pas chercher à comprendre ».

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    • C’est, pour moi, quelque chose d’essentiel au cinéma. Tout savoir, c’est briser l’intérêt même de l’art, qui suggère, qui fait sentir, penser, éprouver des choses, sans que l’on sache toujours exactement pourquoi et de quoi il en est exactement. J’en parle plus en détail ici : https://alarencontreduseptiemeart.com/doit-on-tout-comprendre-au-cinema/. Il ne s’agit pas de dire qu’on ne doit rien comprendre, mais que là où nous avons un besoin important, aujourd’hui, de vouloir tout comprendre, on court le risque risque de s’empêcher de pouvoir vivre au maximum une expérience. Et de se rappeler aussi que le cinéma n’est pas là que pour donner que des réponses à des questions mais, parfois, d’en amener d’autres, ce qui ne signifie pas qu’on tourne en rond, au contraire. Par ailleurs, The Lighthouse se suit très bien comme une histoire normale. Son aspect peut le rendre décousu et spécial, mais, en soi, il s’apparente simplement à un vieux conte de marin, nourri par des légendes d’origines diverses (imagerie Lovecraftienne, mythe de Prométhée…). On va bien d’un point A à un point B, avec une histoire que l’on suit, mêlant réalité et imaginaire.

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