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Shutter Island (Martin Scorsese, 2010) ★★★★ : Deuil et traumatisme

Cela fait déjà quelques années que j’ai pu découvrir Shutter Island. Une époque où le cinéma était encore pour moi une source de divertissement occasionnel, ce qui ne m’avait pas empêché d’être tout de même bien secoué par le film de Martin Scorsese. C’est donc avec un souvenir assez tari que j’ai retrouvé cette île pleine de mystères, pour un nouveau plongeon dans un océan de traumatismes.


Fiche du film

Affiche de Shutter Island (2010)
Affiche de Shutter Island (2010)
  • Genre : Thriller
  • Réalisateur : Martin Scorsese
  • Année de sortie : 2010
  • Distribution : Leonardo DiCaprio, Mark Ruffalo, Ben Kingsley, Max von Sydow
  • Synopsis : En 1954, le marshal Teddy Daniels et son coéquipier Chuck Aule sont envoyés enquêter sur l’île de Shutter Island, dans un hôpital psychiatrique où sont internés de dangereux criminels. L’une des patientes, Rachel Solando, a inexplicablement disparu. Comment la meurtrière a-t-elle pu sortir d’une cellule fermée de l’extérieur ? Le seul indice retrouvé dans la pièce est une feuille de papier sur laquelle on peut lire une suite de chiffres et de lettres sans signification apparente. Oeuvre cohérente d’une malade, ou cryptogramme ? (SensCritique)

Critique et Analyse

Shutter Island (2010)
Shutter Island (2010)

Un bateau s’approche d’une île. A son bord, deux enquêteurs, qui viennent investiguer sur une mystérieuse affaire qui concerne l’hôpital psychiatrique situé sur l’île. Malgré leur assurance, les enquêteurs sont, comme nous, plein de questions en tête. Avec ce début d’intrigue, Martin Scorsese semble dessiner les contours d’un polar, à l’image du roman qu’il adapte ici. Un polar aux accents retro, mais qui va vite virer au thriller pour prendre une toute autre dimension. Car, rapidement, le piège qui ne semblait pas forcément visible à première vue, va se refermer sur le marshall Edward Daniels (Leonardo DiCaprio), et aussi sur le spectateur.

« Ce qui fait, sans aucun doute, en grande partie la réputation de Shutter Island, c’est la complexité de son intrigue, tortueuse à souhait, qui parvient sans cesse à égarer le spectateur quand il commence à peine à retrouver ses repères et à s’orienter. »

Ce qui fait, sans aucun doute, en grande partie la réputation de Shutter Island, c’est la complexité de son intrigue, tortueuse à souhait, qui parvient sans cesse à égarer le spectateur quand il commence à peine à retrouver ses repères et à s’orienter. Dans Shutter Island, le doute est permanent, ce qui se déroule devant nos yeux mêle souvent illusions et réalités, car le film gomme souvent les frontières entre réel et imaginaire, et alterne entre le monde extérieur et la conscience d’Edward Daniels. Petit à petit, l’intrigue et l’enquête passent au second plan pour offrir au spectateur une illustration de l’évolution de l’état de la conscience du personnage joué par Leonardo DiCaprio pour, au-delà de raconter ses tourments, de les faire directement vivre au spectateur.

Shutter Island (2010)
Shutter Island (2010)

C’est l’un des principaux intérêts du cinéma, et ce qui caractérise les grands films. Simplement raconter des faits et décrire des émotions induit souvent le maintien d’une certaine distance entre le film et le spectateur, mais Shutter Island l’annule et met à profit le montage et la mise en scène pour réellement illustrer ce que le scénario contient et cherche à exprimer. Scorsese ne lésine pas sur les effets, que l’on pourrait trouver assez grandiloquents mais qui ne manquent pas d’être saisissants et éloquents. Car si l’intrigue est tortueuse, l’ambiance et les éléments qui la composent ne mentent pas. [Quelques spoilers pour étayer la réflexion] Les orages, l’exploration du bâtiment C, les flashbacks, tous ces éléments illustrent le conflit intérieur qui habite Edward, un conflit tel qu’il a mené sa personnalité à se dédoubler, séparant ses deux facettes. Le deuil provoqué par la mort de ses enfants et de sa femme, et la culpabilité de n’avoir su être là pour les protéger l’ont plongé dans le regret et la solitude, le rendant impuissant face à la situation, et emprisonné dans une vie qui n’en est plus vraiment une. Ce labyrinthe mène finalement à un twist qui surprend une dernière fois le spectateur, mais qui a pour principale qualité de s’intégrer dans la logique suivie par l’intrigue, et non pas juste de jeter des paillettes dans les yeux du spectateur pour le conquérir de manière malhonnête. [Fin des spoilers]

Lointain descendant du Cabinet du Docteur Caligari, Shutter Island nous égare dans un labyrinthe mental hypnotisant et prenant. Le deuil, le traumatisme et la culpabilité sont ici représentés avec beauté et horreur. C’est un très bon exemple d’une mise en scène évocatrice mise au service d’un scénario intéressant et intelligent, d’un cinéma qui ne raconte pas qu’avec des mots, mais aussi avec des images et des situations, pour faire vivre des émotions au spectateur. A la fin, des questions demeurent toujours, tant le film nous a égarés. Shutter Island est fait pour être vu à plusieurs reprises pour tenter de le cerner un peu plus, de capter les détails qui nous ont échappés. Pour ne rien gâcher, Leonardo DiCaprio nous gratifie d’une de ses plus grandes prestations, pour compléter un tableau sombre, torturé, captivant et saisissant.


Note et avis

4/5

Labyrinthe mental sombre et tortueux, Shutter Island est un film captivant et saisissant, qui illustre le deuil avec puissance et pertinence.

Bande-annonce du film

Quentin Coray

Quentin, 29 ans, mordu de cinéma depuis le visionnage de Metropolis, qui fut à l'origine d'un véritable déclic. Toujours en quête de nouvelles découvertes pour élargir mes connaissances et ma vision du cinéma. "L'art existe et s'affirme là où il y a une soif insatiable pour le spirituel, l'idéal. Une soif qui rassemble tous les êtres humains." - Andreï Tarkovski

2 réflexions sur “Shutter Island (Martin Scorsese, 2010) ★★★★ : Deuil et traumatisme

  • Analyse remarquable pour un film piège que j’ai appris à apprécier de plus en plus. Reste à faire la part entre le roman de Lehane et l’adaptation de Scorsese dans cette mystification qui a pour objet le cinéma lui-même. J’aime beaucoup le lien tissé vers Caligari ! Son approche éminemment cinématographique s’inscrit dans la veine du fabuleux et féerique Hugo Cabret.

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    • Merci beaucoup ! Du roman je ne connais qu’une trame globale mais, dans l’absolu, le film de Scorsese a su faire du cinéma un vrai moyen d’expression, et la filiation avec Caligari me semblait en cela assez évidente. :)

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