Retour à Séoul (Davy Chou, 2023) – Critique & Analyse
L’attachement aux origines et le sentiment d’appartenance sont des sujets souvent profonds et essentiels, difficiles à aborder à cause de tous les sentiments contraires qu’ils peuvent convoquer. Retour à Séoul en est la parfaite illustration, un voyage sur les traces de son passé, qui s’évertue à suivre des pistes inattendues.
Fiche du film
- Genre : Drame
- Réalisateur(s) : Davy Chou
- Distribution : Park Ji-Min, Oh Gwang-Rok, Guka Han, Kim Sun-Young, Yoan Zimmer, Louis-Do de Lencquesaing
- Année de sortie : 2023
- Synopsis : Sur un coup de tête, Freddie, 25 ans, retourne pour la première fois en Corée du Sud, où elle est née. La jeune femme se lance avec fougue à la recherche de ses origines dans ce pays qui lui est étranger, faisant basculer sa vie dans des directions nouvelles et inattendues. (SensCritique)
Critique et Analyse
Ne pas chercher de repères où il n’y en a pas
Ayant grandi dans une famille adoptive en France, Frédérique (surnommée Freddie) est naturellement, un jour ou l’autre, confrontée à ces questionnements. Il semble alors clair et acquis pour le spectateur que cela va permettre d’occasionner une découverte de la culture coréenne et un retour aux sources émouvant. Mais le spectateur se retrouve rapidement, comme d’autres personnages du film, confronté à l’imprévisibilité et à la spontanéité de l’héroïne, dont la personnalité surprenante va complètement bousculer nos préjugés. Coréenne d’origine, elle a grandi en France, ce qui la met donc en position d’étrangère vis-à-vis de ceux qui l’entourent, un sentiment que Davy Chou cherche à développer chez le spectateur devant Retour à Séoul.
« Retour à Séoul ne cherche surtout pas à faire preuve de complaisance, c’est un film relativement dur qui confronte son personnage principal, et le spectateur, à l’impossibilité de maîtriser la situation, et de toujours se sentir étranger où qu’on soit. »
En trouvant toujours le moyen de se faire remarquer et de surprendre ses amis coréens, au risque de pouvoir parfois paraître insultante, Freddie crée ce décalage constant entre son monde à elle, et celui qu’elle essaie de découvrir en même temps. Plus cela avance, plus Freddie se montrera fermée, presque repoussante et antipathique, et c’est ce qui va exiger de la part du spectateur un effort en terme de compréhension, au risque de le perdre. Retour à Séoul ne cherche surtout pas à faire preuve de complaisance, c’est un film relativement dur qui confronte son personnage principal, et le spectateur, à l’impossibilité de maîtriser la situation, et de toujours se sentir étranger où qu’on soit.
Comprendre pour apprendre
Avec ses plans souvent étirés à l’extrême, Retour à Séoul dilate le temps, il focalise l’attention sur son personnage principal qui la réclame sans cesse. C’est aussi un film qui se permet quelques parenthèses presque oniriques, où l’on s’exprime avec le corps plus qu’avec la voix, permettant de renouer avec quelque chose d’essentiel, sans les conventions sociales, les peurs ou les préjugés. Le recours aux ellipses permettra, après une longue mise en place du décor, d’illustrer l’évolution du personnage de Freddie, avec ses changements d’apparence qui évoqueraient plusieurs facettes de sa personnalité, voire plusieurs destins qu’elle aurait pu connaître.
Les liens avec les films et leurs personnages se créant souvent avec l’empathie, il est légitime de sentir une distance avec Retour à Séoul et son héroïne. Paraissant antipathique et souvent insolente, elle est finalement autant incomprise par nous que par le monde qui l’entoure. Tout comme elle essaie d’embrasser le monde qui l’entoure et qui l’a rejetée, nous essayons d’embrasser ce film qui paraît toujours nous repousser. Davy Chou donnera quelques clés pour nous permettre de bien en cerner les enjeux et de réussir à ressentir ce que Freddie ressent. Comme dans l’éternel combat qu’elle doit mener, le spectateur aura le choix entre la lutte et l’abandon. Ce qui reste certain, c’est que Davy Chou trouve ici une très bonne manière de traiter son sujet, faisant le choix délibéré de ne pas nous prendre par la main, pour laisser mûrir en nous le souvenir d’un film qui a besoin que le temps fasse son œuvre.