Requiem pour un massacre (Elem Klimov, 1985)
La guerre, son horreur. Riche en œuvres de renom qui ont sur la raconter et la dénoncer, le cinéma de guerre a permis à de nombreux artistes de la matérialiser à travers une grande variété de formes. Les films de guerre ont toujours tendance à marquer les esprits, à laisser une trace dans notre mémoire. Et il est certain qu’avec Requiem pour un massacre, Elem Klimov marque, et, même, il traumatise.
Fiche du film

- Genre : Drame, Guerre
- Réalisateur(s) : Elem Klimov
- Distribution : Aleksey Kravchenko, Olga Mironova, Liubomiras Lauciavicius
- Année de sortie : 1985
- Synopsis : Pendant la Seconde Guerre mondiale, dans un village de Biélorussie occupé, Fliora s’engage, bien que trop jeune, chez les partisans. (SensCritique)
Critique et Analyse

On connaît généralement mal les événements qui se déroulèrent sur le front russe lors de la Seconde Guerre Mondiale. Ici, Elem Klimov nous fait rencontrer un jeune garçon qui aime jouer à faire la guerre. Un étrange avion passe, un fusil est déterré dans le sable. Fliora ne le sait pas encore, mais le mal de la guerre vient de s’emparer de lui, et le voilà irrémédiablement souillé. Cependant, cette découverte est, pour lui, surtout l’occasion de montrer sa valeur, de devenir un homme, de se battre aux côtés de ses compatriotes, pour sa mère et ses sœurs. C’est l’enthousiasme de l’enfance, une forme d’insouciance qui le mène à se laisser entraîner par des idéaux simples et sincères. Si, seulement, le monde avait alors mieux à offrir que la destruction et la désolation.
« Requiem pour un massacre nous invite à assister à cette horreur, à la vivre, à en subir sa violence, toujours plus fort, au même rythme que ses effets néfastes s’impriment sur le visage de l’enfant. »
Se faire accepter sera dur. La maladresse et les incertitudes n’ont pas leur place par ici. Se battre nécessite robustesse et rigueur. Fliora est toujours mis de côté, ce qui signifiera à la fois son salut et la condamnation. Éloigné du front, il ne sera certainement pas épargné par la guerre, bien au contraire. Dans la nature sauvage, le chant des oiseaux est interrompu par des bombardements intensifs. Les villages sont détruits, vidés. Comme la plupart de ses compatriotes, Fliora doit errer, sans cesse. Va et regarde, dit l’autre titre du film, issu d’un extrait du verset 6:7 de l’Apocalypse, « Viens et vois », traduction du titre original russe. Viens et vois la destruction, le chaos, le feu, la mort. Requiem pour un massacre nous invite à assister à cette horreur, à la vivre, à en subir sa violence, toujours plus fort, au même rythme que ses effets néfastes s’impriment sur le visage de l’enfant.

Dans son oeuvre, Elem Klimov ne se contente pas simplement de raconter ce que fut la guerre dans la Biélorussie de l’époque. Il s’agit de la faire vivre, à travers le personnage de Fliora certes, mais également grâce à des procédés cinématographiques parfois surprenants. L’utilisation de l’image et du son, et le montage du film sont parfois inhabituels, allant à l’encontre de certaines de nos attentes qui ont pu être conditionnées par des films du genre plus conventionnels. C’est, surtout, une sensation de malaise généralisée qui se dégage de Requiem pour un massacre, qui met le spectateur à rude épreuve, ne pouvant l’empêcher d’éprouver un certain dégoût, à être tiré hors de ses repères. Klimov ne veut pas simplement égarer son personnage, il veut aussi égarer le spectateur, lui faire ressentir la saleté et la pestilence de la guerre.
Il est certain que se lancer dans le visionnage de Requiem pour un massacre n’est pas comparable à la plupart des autres films de guerre. N’hésitant pas à affirmer des partis pris étonnants et audacieux, Klimov peut ici facilement laisser le spectateur sur le carreau. Si une certaine distance peut chercher à se maintenir entre nous et le film, ce dernier ne cessera de chercher à nous happer, à s’emparer de nous et à nous obséder. Car s’il y a bien un point sur lequel Requiem pour un massacre brille, c’est sa persistance dans notre mémoire. Avec cette gradation dans l’horreur et le chaos, jusqu’à un final marquant qui glace le sang, le film imprime des images dans notre conscience, et nous entendons à nouveau les tirs et les cris. Viens, et vois.
En résumé
Note et avis
Rarement l’horreur de la guerre a paru aussi violente et palpable que dans Requiem pour un massacre. Le spectateur est sans cesse poussé dans ses retranchements, dans le malaise et sous le choc. Les images s’impriment dans la mémoire et subsiste la pestilence de cet enfer.