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Panique (Julien Duvivier, 1947) ★★★★ : Les bêtes humaines

De Julien Duvivier, nous gardons aujourd’hui le souvenir d’une filmographie d’une grande richesse, en plus d’être importante dans son ampleur, s’étalant sur plusieurs décennies, des années 1910 aux années 1960. On retient de nombreux classiques, comme (en rajouter) ou La Belle Equipe, qui fut l’occasion de ma première rencontre avec le cinéaste. Ici, Panique, le film dont il sera question, est certes moins célèbre, mais il mérite pourtant toute votre attention.


Fiche du film

Affiche de Panique (1947)
Affiche de Panique (1947)
  • Genre : Drame
  • Réalisateur : Julien Duvivier
  • Année de sortie : 1947
  • Distribution : Viviane Romance, Michel Simon, Max Dalban
  • Synopsis : Le bizarre et presque inquiétant Monsieur Hire est soupçonné d’un crime. La foule déchaînée traque l’homme qui n’a d’autre choix que de se réfugier sur le toit d’un immeuble. (SensCritique)

Critique et Analyse

Viviane Romance et Paul Bernard dans Panique (1947)
Viviane Romance et Paul Bernard dans Panique (1947)

Dès les premiers instants du film, le cinéaste met un point d’honneur à planter le décor, à nous faire découvrir ce quartier parisien et ses habitants. En quelques minutes à peine, le spectateur se familiarise avec l’espace dans lequel l’intrigue va se dérouler, il prend ses repères. Ce quartier n’aurait rien de particulier, si, un jour, un corps n’avait pas été découvert par hasard dans une grande corbeille. Rapidement, toute la population s’agite et s’active, chacun veut prendre part à l’affaire, chacun veut faire impression et se distinguer. Tous, sauf Monsieur Hire, un homme à part, d’une certaine élégance et d’une certaine culture, mais qui ne semble pas chercher à se mélanger à la foule, au risque d’être suspecté et rejeté par cette dernière.

« Duvivier s’amuse avec le spectateur en jouant avec les appréhensions et les impressions de ce dernier, tournant les situations d’une manière, puis d’une autre, pour l’influencer et perturber son jugement, qui est sans cesse remis en question. »

Monsieur Hire est, bien sûr, le personnage central de Panique, mais il se situe lui-même dans un triangle amoureux réunissant également Alice et Alfred, les deux jeunes amoureux transis, que Monsieur Hire surveille. Duvivier s’amuse avec le spectateur en jouant avec les appréhensions et les impressions de ce dernier, tournant les situations d’une manière, puis d’une autre, pour l’influencer et perturber son jugement, qui est sans cesse remis en question. Car, dans Panique, tout est question d’a priori et de jugement. Quelles sont les véritables intentions d’Alice dans son jeu avec Alfred ? Qui est réellement ce Monsieur Hire, pourquoi agit-il de manière aussi étrange ?

Michel Simon et Viviane Romance dans Panique (1947)
Michel Simon et Viviane Romance dans Panique (1947)

Pour être plus précis, Panique s’intéresse à la foule, ou à la société, et à son emprise sur l’individu, et sur le jugement de ce dernier. Au fur et à mesure que l’enquête avance, les ragots vont bon train, les commérages nourrissent les ressentiments. La population, enterrée dans sa routine, a trouvé son os à ronger, et se mue en un immense tribunal cherchant un coupable à juger, et, surtout, à punir. Car chacun veut sa place dans la société, et, surtout, une meilleure place que le voisin. Chacun veut défendre ses propres intérêts, et peu importe si cela doit se faire au détriment d’un étranger qui ne demandait rien. C’est ainsi que le sinistre engrenage s’anime devant la caméra de Julien Duvivier, qui signe ici un film écrit avec justesse, attisant la curiosité du spectateur, le scandalisant et le révoltant, notamment grâce à la très belle prestation de Michel Simon.

Panique de Julien Duvivier, c’est le théâtre d’une grande tragédie, avec en son cœur ce triangle amoureux, et, autour de ce dernier, cette foule assoiffée de sensations, délatrice, enragée, en quête d’un bouc émissaire, dans la droite lignée des M le Maudit et Furie de Fritz Lang. Tout est écrit, exposé et raconté avec justesse et intelligence. C’est un film maîtrisé de bout en bout, au message intemporel, trouvant encore de nombreux échos aujourd’hui, et qui est capable de nous parler à tou(te)s. Un film dont on ne parle pas assez.


Note et avis

4/5

Julien Duvivier propose, avec Panique, un grand drame sur l’emprise de la foule sur les individus, un film aussi révoltant que juste et intelligent.

Bande-annonce du film

Quentin Coray

Quentin, 29 ans, mordu de cinéma depuis le visionnage de Metropolis, qui fut à l'origine d'un véritable déclic. Toujours en quête de nouvelles découvertes pour élargir mes connaissances et ma vision du cinéma. "L'art existe et s'affirme là où il y a une soif insatiable pour le spirituel, l'idéal. Une soif qui rassemble tous les êtres humains." - Andreï Tarkovski

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