Les Survivants (Guillaume Renusson, 2023) – Critique & Analyse
Première réalisation pour un jeune cinéaste français, Les Survivants promet une aventure aussi fortuite que douloureuse dans les Alpes franco-italiennes, loin des Hommes et sous tension. Un premier essai qui a tout pour plaire, avec un duo d’acteurs prestigieux et un sujet intéressant et important à traiter.
Fiche du film
- Genre : Drame, Thriller
- Réalisateur(s) : Guillaume Renusson
- Distribution : Denis Ménochet, Zar Amir Ebrahimi, Victoire Du Bois, Oscar Copp
- Année de sortie : 2023
- Synopsis : Samuel part s’isoler dans son chalet au cœur des Alpes italiennes. Une nuit, une jeune femme se réfugie chez lui, piégée par la neige. Elle est afghane et veut traverser la montagne pour rejoindre la France. Samuel ne veut pas d’ennuis mais, devant sa détresse, décide de l’aider. Il est alors loin de se douter qu’au-delà de l’hostilité de la nature, c’est celle des hommes qu’ils devront affronter… (SensCritique)
Critique et Analyse
Les premières images d’archives qui initient le film veillent à installer le récit dans une réalité bien palpable, celle de l’arrivée de réfugiés sur le sol italien, et les interventions des forces de police qui cherchent à réguler cet afflux. L’image devient alors plus nette pour nous faire vivre cette descente en plan-séquence, une entrée immersive dans le vif du sujet qui vient d’emblée suggérer une appartenance au genre policier. Là, tout n’est que cris et souffrance, où se confondent les hurlements des policiers qui chargent, et ceux des réfugiés désorientés et paniqués. Pendant ce temps, Samuel, veuf, s’occupe seul de sa fille, cherchant de nouveaux repères, se reconstruisant physiquement, se murant dans un silence introspectif en attendant de retrouver la lumière.
« En croisant par hasard les destins de cet homme seul et de cette réfugiée afghane, Les Survivants va développer tout son discours sur le rejet de l’étranger, la montée des nationalismes en Europe, et sur la solitude. »
En croisant par hasard les destins de cet homme seul et de cette réfugiée afghane, ayant échappé à la descente du début du film, Les Survivants va développer tout son discours sur le rejet de l’étranger, la montée des nationalismes en Europe, et sur la solitude. Parmi les nombreuses possibilités qu’offrent ce sujet, Guillaume Renusson va choisir un mélange de western, de film d’aventures et de survival. En choisissant d’aider Chehreh, la réfugiée, Samuel prenait déjà un risque, mais c’était sans compter un environnement plus hostile que prévu, dans lequel résonne un « on est chez nous » qui avait de quoi déjà donner quelques indices.
Ce parti-pris confronte Les Survivants aux dangers du manichéisme, devant forcer certains traits pour attiser la colère du spectateur, et susciter davantage d’empathie à l’égard des deux fugitifs. On pourrait ainsi reprocher cette caractérisation forcée, presque caricaturale, qui se justifie toutefois par une volonté d’illustrer une forme de perversion des esprits, une vision de l’immigration comme source de tous les maux de notre monde moderne, à laquelle le cinéaste répondra par l’intermédiaire de Samuel avec un « Vous avez rien d’autre à foutre ? » Au fil de leur périple, Samuel et Chehreh accumulent les stigmates de cette épreuve dont la liberté doit être la récompense, la liberté de vivre, et aussi l’affranchissement des tourments de passé, l’accomplissement d’un deuil inachevé.
Les Survivants est un premier film convaincant, se déroulant dans un décor splendide où règne souvent un silence accablant, permettant d’accroître la sensation d’isolement, et de ramener les personnages à leur échelle. Denis Ménochet, imposant et taiseux, trouve encore un rôle à sa taille, qu’il porte parfaitement, constituant l’un des points forts du film, confirmant également que la montagne et l’hiver ne lui réussissent vraiment pas, après Seules les bêtes et As Bestas. A ses côtés, Zar Amir Ebrahimi, lauréate du Prix d’interprétation féminine au dernier Festival de Cannes pour Les Nuits de Mashhad, l’accompagne à merveille, sa fuite dans le film pouvant faire un lointain écho à son véritable exil de son pays natal, l’Iran. Des reproches peuvent être faits aux Survivants, mais l’intensité qu’il est capable de fournir et les parti-pris affichés lui confèrent une réelle efficacité, magnifiée par une mise en scène soignée, au cœur de ces immenses étendues enneigées.