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Cinexpress #142 – Macbeth (1948)

En 1948, Orson Welles est un électron libre dans la vaste industrie cinématographique. Souffrant de problèmes financiers et de divers différends avec de grandes sociétés de production, il doit lui-même partiellement financer ses projets et trouver refuge parmi des sociétés mineures qui voudront bien l’aider dans ses démarches créatives. C’est dans ce contexte que l’un des vilains petits canards les plus célèbres du cinéma va réaliser son Macbeth, adaptation du grand William Shakespeare.


Fiche du film

Affiche de Macbeth (1948)
Affiche de Macbeth (1948)
  • Genre : Drame
  • Réalisateur : Orson Welles
  • Année de sortie : 1948
  • Casting : Orson Welles, Jeanette Nolan, Dan O’Herlihy, Edgar Barrier, Alan Napier
  • Synopsis : Macbeth, un seigneur écossais, vient de remporter une guerre contre un prétendant au trône d’Angleterre. Trois sorcières s’adressent à lui pour livrer leur prophétie : sa destinée sera de devenir Roi après avoir été nommé Thane de Cawdor. Cette nomination prend effet lorsqu’il revient sur ses terres. L’ambition ne cesse alors de l’habiter, un sentiment alimenté par son épouse Lady Macbeth qui le presse d’assassiner le Roi pour s’emparer du trône. (senscritique.com)

Critique et Analyse

Macbeth (1948)
Macbeth (1948)

Macbeth ne met pas longtemps à imposer son atmosphère singulière et son ambiance oscillant entre le conte fantastique et le drame médiéval. Avec ses petits moyens, Orson Welles parvient à plonger son film dans une ambiance primale, très onirique et ténébreuse, avec des effets et des décors ostensiblement factices, qui n’ont rien à envier à un Cabinet du Docteur Caligari (1920), mais qui, comme dans le chef d’oeuvre de Robert Wiene, nourrissent le climat du film, et plutôt que de le rendre grotesque, alimentent le malaise dans lequel il évolue. Car la folie est omniprésente dans le film de Welles, tout comme dans la pièce de William Shakespeare. Elle ronge inlassablement Macbeth, assailli par la superstition, attiré par le pouvoir, rongé par le remords, hanté par la fatalité.

« Ce qui est curieux avec le Macbeth de Welles, c’est qu’il est unique en son genre, singulier, mais qu’on y trouve de nombreuses similitudes avec l’esthétique expressionniste du Faust de Murnau, et la gestion des lumières et du cadrage d’Eisenstein. »

Ce qui est curieux avec le Macbeth de Welles, c’est qu’il est unique en son genre, singulier, mais qu’on y trouve de nombreuses similitudes avec l’esthétique expressionniste du Faust de Murnau, et la gestion des lumières et du cadrage d’Eisenstein. Ivan le Terrible, notamment, partage beaucoup de points de convergence avec le film d’Orson Welles, d’un point de vue visuel entre autres, mais aussi dans le traitement du personnage. Mais ici, Welles cherche surtout à rendre hommage au théâtre de Shakespeare, qui éveilla en lui ses premières vocations, comme dans un retour aux sources, et dont il profite de ses expériences cinématographiques pour utiliser le cinéma afin de donner à l’oeuvre de l’illustre écrivain anglais une nouvelle dimension.

Orson Welles dans Macbeth (1948)
Orson Welles dans Macbeth (1948)

Et Orson Welles y arrive remarquablement, dans un véritable conte glaçant et ténébreux, plein de réflexion sur la quête du pouvoir, la tentation, le remords et la peur, où le réalisateur se met en scène dans un rôle où il se laisse aller, incarnant lui-même toute la dramaturgie de l’histoire, convoyant à travers son regard sans cesse écarquillé la peur, la folie et la détresse. Macbeth est un personnage particulier, à la fois pitoyable, terrifiant et pathétique. Welles, dans son film, cherche à développer une atmosphère fantastique grâce aux moyens octroyés par le cinéma, mais il cherche avant tout à réaliser une adaptation la plus fidèle possible, et cela passe par une mise en scène très proche de celle du théâtre, laquelle trouve à nouveau une justification à travers les décors visiblement factices et le jeu des acteurs.

Orson Welles conserve ici tout son art de la gestion des lumières et du cadrage pour créer cette atmosphère prenante, mais cela ne lui empêchera pas d’être une fois boudé par le public. Trop exigeant, difficile à comprendre pour les oreilles anglaises, il n’arrangera pas la situation du cinéaste. Une dizaine d’années plus tard, un autre illustre cinéaste, Akira Kurosawa, se prendra à l’exercice de l’adaptation de la même pièce dans le non moins intéressant Château de l’araignée, un film également minimaliste et très onirique, mais on en se prendra ici pas au jeu des comparaisons. Orson Welles livre avec Macbeth une oeuvre très personnelle, visuellement superbe, étouffante et hantée par la destruction, faisant émaner toute la puissance de l’oeuvre originale de William Shakespeare.


Note et avis

 

4/5

[star rating= « 4 » max= « 5 »]

Orson Welles revient à ses premières amours en adaptant une des plus célèbres pièces de l’illustre William Shakespeare. Avec une ambiance fantastique, ténébreuse et suffocante, Macbeth est un film qui a peut-être vieilli sur la forme, notamment à cause des faibles moyens qui lui ont été octroyés, mais qui bénéficie d’une très belle maîtrise et d’un sens de la mise en scène très aiguisé.


Quentin Coray

Quentin, 29 ans, mordu de cinéma depuis le visionnage de Metropolis, qui fut à l'origine d'un véritable déclic. Toujours en quête de nouvelles découvertes pour élargir mes connaissances et ma vision du cinéma. "L'art existe et s'affirme là où il y a une soif insatiable pour le spirituel, l'idéal. Une soif qui rassemble tous les êtres humains." - Andreï Tarkovski

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