Shaft : Les Nuits Rouges de Harlem (Gordon Parks, 1971) – Critique & Analyse
Comment créer et faire croire en un héros à une époque de plus en plus désabusée, où une paranoïa se développe et contamine progressivement le cinéma américain ? C’est du côté de la Blaxploitation, chez la communauté afro-américaine, qu’il faut lorgner pour assister à l’avènement de Shaft, le nouveau flic de choc de New York.
Fiche du film
- Genre : Action, Policier, Thriller
- Réalisateur(s) : Gordon Parks
- Distribution : Richard Roundtree, Moses Gunn, Charles Cioffi, Christopher St. John
- Année de sortie : 1971
- Synopsis : John Shaft, détective noir-américain, opère à Harlem. Il est engagé par un des gros bonnets de la drogue dont la fille a été enlevée. (SensCritique)
Critique et Analyse
Immersion dans le New York des seventies
Point de truculence vengeresse à la Dirty Harry. Ici, on parle d’un flic cool et classe, qui en impose. Shaft n’est pas un enfant de chœur, mais il ne supporte pas l’injustice. Il la voit, d’ailleurs, au quotidien, lui qui sillonne tous les jours les rues de New York, faisant partie de ces millions d’âmes qui errent et évoluent au milieu de ces quantités inimaginables de béton armé, de verre et de briques. Un flic pas comme les autres, avec ses propres méthodes, un homme que l’on remarque, à l’image de cette séquence introductive où il déambule dans les rues de New York accompagné de la musique d’Isaac Hayes, devenue culte, valant même au film un Oscar.
« Shaft nous fait explorer ces quartiers défavorisés, abandonnés à leur sort, accablés par des luttes raciales qui font rage, un film qui réussit le pari d’être à la fois cool grâce à son personnage, et sérieux et grave quant aux sujets qu’il aborde. »
L’ambiance s’installe rapidement, on est bien dans les seventies, avec ces sonorités reconnaissables, au carrefour de deux époques, où s’ouvrent de nouvelles perspectives. Mais qui dit années 70 et communauté afro-américaine dit aussi racisme. Une problématique hélas toujours d’actualité, mais traité de manière frontale dans Shaft, qui innove en faisant de son personnage principal un policier Noir, ouvrant grâce à son succès, la voie à d’autres nombreux films mettant en avant des acteurs et actrices afro-américains. Shaft nous fait explorer ces quartiers défavorisés, abandonnés à leur sort, accablés par des luttes raciales qui font rage, un film qui réussit le pari d’être à la fois cool grâce à son personnage, et sérieux et grave quant aux sujets qu’il aborde.
Un héros marquant pour toute une communauté
Le passé de reporter photo de Gordon Parks a sûrement eu son rôle à jouer dans sa capacité à filmer la ville, à créer de beaux plans d’ensemble alors que le héros du film déambule, et à intégrer ce dernier dans cet espace qu’il s’approprie. Shaft s’avère ainsi intéressant dans cette capacité à montrer plusieurs facettes d’une même ville, à sonder la société américaine, incapable de surpasser les clivages culturels. En revanche, le film se montrera plus fébrile en termes de narration, proposant une intrigue relativement classique et limpide, alourdie par des dialogues parfois trop longs et bavards, semblant meubler pour ajouter de la matière. Un film qui sent bon la débrouille, devant composer avec ses petits moyens pour s’en sortir.
Mais Shaft a su faire date grâce à son personnage principal charismatique, beau, charmeur et intelligent, campé par un Richard Roundtree qui convient parfaitement au rôle. C’est surtout pour lui que le film est intéressant, et l’ambiguïté du personnage permet au film d’explorer divers sentiers qui évitent une narration trop linéaire. Flic, Shaft se retrouve engagé par un mafieux, mais il le fait pour un acte juste et faire tomber une menace encore plus importante. Sa couleur de peau le met face aux jugements et aux insultes, mais aussi, parfois, face à des personnes qui ont appris que ce n’était pas important, ou même d’autres encore qui sont opprimées pour d’autres raisons. Shaft, c’est un tableau riche d’une société imparfaite, pleine d’injustice, mais où rien n’est impossible non plus. Shaft, c’est une icône qui se galvanise et qui nous galvanise, pour aider à transformer un monde qui n’a de cesse de s’égarer.