Illusions Perdues (Xavier Giannoli, 2021) – Critique & Analyse
Adapter un classique de la littérature française n’est pas une tâche aisée, surtout quand en résulte un film de 2h30 dont la durée pourrait laisser plus d’un indécis sur le carreau. Pourtant, Illusions Perdues vient vous cueillir en proposant une intrigue riche et rythmée qui a beaucoup de choses à raconter.
Fiche du film
- Genre : Drame
- Réalisateur(s) : Xavier Giannoli
- Distribution : Benjamin Voisin, Vincent Lacoste, Xavier Dolan, Cécile de France, Jeanne Balibar, Gérard Depardieu, Jean-François Stévenin
- Année de sortie : 2021
- Synopsis : Lucien est un jeune poète inconnu dans la France du XIXème siècle. Il a de grandes espérances et veut se forger un destin. Il quitte l’imprimerie familiale de sa province natale pour tenter sa chance à Paris, au bras de sa protectrice. Bientôt livré à lui-même dans la ville fabuleuse, le jeune homme va découvrir les coulisses d’un monde voué à la loi du profit et des faux-semblants. Une comédie humaine où tout s’achète et se vend, la littérature comme la presse, la politique comme les sentiments, les réputations comme les âmes. Il va aimer, il va souffrir, et survivre à ses illusions. (SensCritique)
Critique et Analyse
Tout débute dans la campagne charentaise, près d’Angoulême, où un jeune poète en herbe écrit dans les champs, probablement dans l’espoir de devenir un jour un poète reconnu. Travaillant en famille dans une imprimerie pour survivre, il y édite un exemplaire de son premier recueil de poèmes, qui attire l’attention d’une marquise avec laquelle il entretient une relation plus qu’amicale, également teintée d’admiration. Le petit roturier se présente face à la noblesse, tente de s’extirper de sa condition par ses écrits et par son nom d’emprunt, hérité de sa mère, et aspire à la grande vie parisienne. Avec des rêves et ses espoirs, Lucien tente l’aventure, découvrant un monde très différent du sien, dans lequel il va chercher à se faire une place.
« Combines manipulations, chasse aux polémiques, mauvaise foi, Illusions Perdues vient illustrer le fonctionnement d’une société rongée par le mensonge et la tricherie, n’hésitant pas à faire des échos directs et non dissimulés à notre propre époque. »
Illusions Perdues vient nous offrir une vision de la société sous la Restauration, où la noblesse a repris sa place, vivant de grandes réceptions, de manières et de compliments mutuels pour se complaire dans une opulence ostentatoire. Lucien rêve de cette noblesse, notamment à travers le personnage de la marquise Louise de Bargeton, mais cette vision restreinte qu’il avait dans sa campagne charentaise va vite se heurter à celle qu’il va découvrir à Paris, une noblesse bien plus hostile, intolérante et impitoyable. Le poète, manipulateur de belles lettres pour de belles personnes, doit se résoudre à redescendre l’échelle à sa base et à s’orienter vers le journalisme, prenant en même temps sa revanche sur une caste qui l’a repoussé. Là, il découvre tous les rouages d’un métier et d’un système loin d’être à l’image des idéaux qu’il cultivait. Combines manipulations, chasse aux polémiques, mauvaise foi, Illusions Perdues vient illustrer le fonctionnement d’une société rongée par le mensonge et la tricherie, n’hésitant pas à faire des échos directs et non dissimulés à notre propre époque.
Le titre du film, Illusions Perdues, vient directement faire référence à la candeur de Lucien, à sa vision naïve des choses, à la fidélité à ses principes et à l’intégrité dans un milieu qui en est dépourvu, à tous ces espoirs déçus. Tout au long du film, les différentes péripéties seront accompagnées d’une voix off que l’on finit rapidement par identifier. Une voix off souvent critiquée dans sa propension à altérer la subtilité dont peut faire preuve le film mais qui vient surtout rapprocher le film du roman d’origine en introduisant une dimension descriptive supplémentaire, et qui lui insuffle également du rythme, ôtant au maximum les temps morts. Car, malgré sa durée, Illusions Perdues maintient une cadence élevée, comme dans une volonté de montrer que Paris n’a pas attendu le XXIe siècle pour vivre à cent à l’heure, illustrant toute la frénésie de ce monde.
Loin d’un certain cliché du film à costumes, Illusions Perdues parle de cette époque mais aussi de la nôtre, qui continue à connaître les mêmes tares, comme la chasse aux polémiques avant tout, mais aussi les fractures sociales toujours plus importantes entre personnes de milieux différents. La distribution est aussi fournie que de grande qualité, à commencer par Benjamin Voisin qui continue son ascension en tenant avec succès le premier rôle, mais aussi Cécile de France, toute en sensibilité, Jeanne Balibar toute en cruauté, Xavier Dolan tout en élégance et en froideur, Vincent Lacoste tout en sarcasmes et en impertinence, Gérard Depardieu tout en ampleur et en franchise, Salomé Dewaels toute en authenticité, André Marcon tout en sous-entendus, ou encore le regretté Jean-François Stévenin dans un rôle étonnant, marionnettiste dans un vaste cirque. Prenant, dense, riche, mené tambour battant, Illusions Perdues s’avère une excellente découverte qui mérite votre attention.
PS : Je promets de n’avoir reçu aucun pot-de-vin de la part du réalisateur pour avoir écrit cette critique.
Note et avis
En résumé
Ambitions, faux-semblants, hypocrisie, vengeance, Illusions Perdues nous fait suivre tout un parcours entre grandeur et décadence, mené tambour battant. La voix-off insuffle du rythme et rapproche le film du livre d’origine. Une grande réussite.
« Illusions Perdues » de Xavier Giannoli…
Ouais, bof… Bon, ne soyons pas trop méchant, ça se laisse regarder avec plaisir, la mise en scène est classique, voire très académique, le jeu des acteurs est classique avec un casting particulièrement haut de gamme (Il faudrait tous les citer!), les plans sont soignés, les couleurs sont magnifiques, la bande son, très classique, également. Bref, tout est bien léché, tout est propre sur soi et on ne s’ennuie pas. Cela fait penser aux dramatiques télé d’antan de Claude Santelli, mais « Les Illusions Perdues« , le feuilleton télévisé, comme on disait à l’époque, de Maurice Cazeneuve avec Anne Vernon, Yves Rénier, François Chaumette, Elisabeth Wiener, datant de 1966, me paraissait plus convaincant, à moins que mon souvenir me trahisse. Voyez, avec Xavier Giannoli, on n’est pas loin du téléfilm. Tout cela manque -comment dire?- de souffle, de puissance, mais, il faut le reconnaître, il s’agit d’un travail honnête…
Heureusement, il reste Balzac et l’on est étonné de l’actualité de l’œuvre: il suffirait de changer les noms de certains personnages (Suivez mon regard!) et l’on se croirait dans le monde contemporain. La critique de la société que nous fait Balzac, d’une grande férocité, mais d’une aussi grande véracité, paraît s’appliquer à notre monde contemporain. Décidément on n’a guère évolué -si, peut-être, en pire!- depuis le XIX ème siècle.
Bon, la relative banalité de ces « Illusions Perdues » tient peut-être aussi et surtout à la difficulté d’adapter au cinéma les grandes œuvres littéraires, incontestablement plus riches et d’une plus grande envergure… Alors n’hésitez surtout pas à relire Balzac!