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La Belle Époque (Nicolas Bedos, 2019) ★★★½ : Le film de nos souvenirs

Ah, les souvenirs… On les imprime, on les accumule, on s’y perd de temps à autre. Ils construisent notre image du passé, ce passé qui nous accompagne toujours, que l’on veut parfois oublier, mais qu’on a aussi parfois peur d’oublier. Dans La Belle Époque, les souvenirs sont plus vrais que nature. Mais jusqu’à quel point peut-on vivre avec nos souvenirs ?


Fiche du film

Affiche de La Belle Epoque (2019)
Affiche de La Belle Epoque (2019)
  • Genre : Comédie dramatique
  • Réalisateur : Nicolas Bedos
  • Distribution : Daniel Auteuil, Guillaume Canet, Doria Tillier, Fanny Ardant, Denis Podalydès, Pierre Arditi
  • Année de sortie : 2019
  • Synopsis : Victor, un sexagénaire désabusé, voit sa vie bouleversée le jour où Antoine, un brillant entrepreneur, lui propose une attraction d’un genre nouveau : mélangeant artifices théâtraux et reconstitution historique, cette entreprise propose à ses clients de replonger dans l’époque de leur choix. Victor choisit alors de revivre la semaine la plus marquante de sa vie : celle où, 40 ans plus tôt, il rencontra le grand amour… (SensCritique)

Critique et Analyse

La Belle Epoque (2019)
La Belle Epoque (2019)

Victor n’est pas heureux dans son époque. Trop virtuelle, superficielle, à l’affût des nouvelles technologies quand il cherche l’authenticité, la simplicité, à rester dans un monde à l’image de celui dans lequel il a grandi. En plus, son couple bat de l’aile, lui devenant de moins en moins compatible avec une femme en quête de modernité, cherchant à rester dans le coup, quand Victor fait, à ses yeux, du surplace, ce qu’elle ne peut supporter. Alors que toute forme de communication entre eux et, de manière plus large, entre Victor et le monde, semble rompue, il fait ce que nous avons à peu près tous le réflexe de faire dans ce genre de situation : nous réfugier dans notre passé et nos souvenirs, dans quelque chose de familier.

« En procédant ainsi, le film rend les souvenirs palpables, ils sont ancrés dans la réalité, mais ils sont aussi fantasmés, approximatifs et ils sont le fruit d’une mise en scène orchestrée par notre propre mémoire. »

Ce passé, on le matérialise grâce à notre mémoire et à notre conscience. C’est une somme d’impressions et de sensations qui a tendance à perturber notre perception, mais qui n’est que fugace, imaginée. Dans La Belle Époque, tout est matérialisé grâce à des décors et des acteurs, c’est comme un film dont on est le héros. C’est l’une des premières bonnes idées du film, qui transpose le retour au passé dans une mise en scène oscillant entre le théâtre et le cinéma. En procédant ainsi, le film rend les souvenirs palpables, ils sont ancrés dans la réalité, mais ils sont aussi fantasmés, approximatifs et ils sont le fruit d’une mise en scène orchestrée par notre propre mémoire. En effet, à cause de l’altération naturelle à laquelle ils sont soumis, nos souvenirs sont toujours différents de la réalité de laquelle ils sont issus.

Daniel Auteuil dans La Belle Epoque (2019)
Daniel Auteuil dans La Belle Epoque (2019)

Ainsi, Victor, retrouvant son passé et une forme de joie de vivre, peine à y croire, s’amuse à corriger cette version de son souvenir qui se déroule devant lui. Il se retrouve, et il y retrouve aussi Marianne. Une Marianne fidèle à celle qu’il aimait, dont il est tombé amoureux, et dont il s’éprend petit à petit. Mais n’est-il pas en train de tomber dans le piège du passéisme et de la nostalgie en s’enfermant dans ses souvenirs ? Car ce que La Belle Époque montre aussi, c’est que si le passé peut être un refuge, il ne doit pas devenir une prison. Et que s’il peut nous être réconfortant, il peut aussi être (trop) fantasmé, il peut altérer notre propre réalité, et nous plonger dans une mélancolie parfois dangereuse. Sur ce point, La Belle Époque s’avère également très judicieux, croisant les intrigues et les destins, brouillant les pistes en rendant de plus en plus incertaine la frontière entre ce qui est réel et ce qui est mis en scène. L’équilibre est alors trouvé, pour faire du passé ce tremplin parfois nécessaire dans la compréhension du présent, et, surtout, pour rappeler que rien n’est immuable.

La Belle Époque confirme les espoirs misés sur lui, grâce à une écriture intelligente, une idée intéressante, et des acteurs à la hauteur, avec un Daniel Auteuil très touchant en tête. C’est une manière pertinente de raconter nos liens avec le passé, le temps qui passe, l’idéal et la réalité. On s’attache, on s’égare, on s’imagine ce que nous ferions à la place de Victor, on réfléchit sur notre passé… Un beau film, très bien pensé.


Note et avis

3.75/5

Judicieux dans sa manière d’aborder les thématiques qu’il traite, La Belle Epoque est un film beau et intelligent, qui fait justement la part des choses.

Bande-annonce du film

Quentin Coray

Quentin, 29 ans, mordu de cinéma depuis le visionnage de Metropolis, qui fut à l'origine d'un véritable déclic. Toujours en quête de nouvelles découvertes pour élargir mes connaissances et ma vision du cinéma. "L'art existe et s'affirme là où il y a une soif insatiable pour le spirituel, l'idéal. Une soif qui rassemble tous les êtres humains." - Andreï Tarkovski

1 réflexion sur “La Belle Époque (Nicolas Bedos, 2019) ★★★½ : Le film de nos souvenirs

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