Kingsman : Services secrets – Critique & Analyse
D’un côté, nous avons un tireur d’élite américain hors pair, parti en Irak servir la patrie au péril de sa vie. De l’autre, nous avons des agents anglais en costard cravate qui dézinguent des vilains à coup de parapluie. Vous vous dîtes qu’avec un tel écart de style, le choix est vite fait. Croyez-moi chers amis (ou non), ce n’est pas parce qu’on a Bradley Cooper et Clint Eastwood en face qu’on doit se défiler. Pourtant, le visionnage de la bande-annonce m’avait laissé la désagréable impression d’un vaste foutoir lourdingue et à l’intérêt très discutable.
Kingsman désigne une agence à la pointe du renseignement qui s’inquiète de la disparition conjointe de diverses personnalités influentes à travers le monde. Il s’agit, tout d’abord, d’une adaptation partielle du comic « The Secret Service », dont l’intrigue a été reprise dans ce film, mais les similitudes s’arrêtent à peu près là. Kingsman est donc une agence qui opère sous le couvert d’une société de tailleurs, ce qui tombe bien, vu que le dress-code des agents de Kingsman impose le port du costume trois pièces. Tiens, ceci commence grandement à ressembler à une parodie de James Bond. Est-on en droit d’avoir peur ? Tout à fait. Est-ce un navet ? Certainement pas.
Avant de démarrer la mission, je vous conseille donc de prendre les précautions suivantes : délaissez votre sens logique, aérez votre cerveau de pensées superflues, et armez-vous de votre second degré (le troisième degré et au-delà sont également acceptés). Si vous ne vous pliez pas à ces exigences, il y a fort à parier que votre mission soit un véritable échec. Soyez honnêtes envers vous-même, vous n’êtes pas venus voir un film d’espionnage sérieux.
Commençons par un petit briefing sous forme de synopsis. L’histoire commence en pleine mission au Moyen-Orient où Galahad (nom de code de l’agent incarné par Colin Firth), mène une mission de sauvetage. Au cours de cette même mission, un des agents Kingsman est tué en voulant sauver ses équipiers. Harry Hart (le vrai nom de Galahad dans le film) se rend chez la femme du défunt afin de présenter les condoléances de la part de l’agence, et transmet au fils de l’agent décédé un objet qui lui servira en cas d’urgence. Dix-sept ans plus tard, le fils, surnommé Eggsy, vit dans un petit appartement de banlieue avec sa mère qui est devenue une junkie, et le compagnon de celle-ci, un alcoolique violent. Parallèlement, une opération de sauvetage est menée en montagne suite à la prise d’otage du Pr Arnold, climatologue reconnu. Un Kingsman, Lancelot, est envoyé pour récupérer le scientifique, mais il est tué au cours de la mission par le bras droit de Richmond Valentine, milliardaire qui a fait sa fortune grâce à Internet. L’agence cherche donc un remplaçant à Lancelot, et chaque membre du petit groupe d’agents va devoir choisir un poulain pour leur faire passer une batterie de tests. Par un concours de circonstances, Eggsy va en faire partie.
Maintenant que vous savez à peu près de quoi parle le film, il semble approprié de s’intéresser au ton donné et à la manière dont le film s’articule. Pour commencer, il est difficile de donner une véritable étiquette à ce film. En effet, on ne peut pas parler de véritable parodie, étant donné qu’il ne reprend pas clairement l’intrigue de films semblables, James Bond compris. Quand je dis clairement, c’est qu’il n’y a pas d’allusion claire à des personnages intervenant dans lesdits films. Flottant tel un électron libre dans la galaxie des films d’espionnage, Kingsman : Services secrets est ce que l’on pourrait qualifier d’une « comédie d’espionnage ». N’hésitant pas à se lancer dans des extravagances visuelles et dans quelques blagounettes classiques, ce pur divertissement a su éviter le chemin jonché de pièges qui s’annonçait devant lui. Allez, j’avoue, je rechigne à parler de simple parodie, car le terme s’allie souvent à des films de mauvaise qualité et à l’humour douteux, bien que je soie d’accord pour dire que ce n’est pas une généralité.
Kingsman : Services secrets est d’abord un divertissement comique. Les éléments utilisés pour cela sont très simples. Tout d’abord, nous avons le contraste entre Harry Hart, agent surentraîné et distingué, et Eggsy, le jeune de banlieue aux goûts vestimentaires beaucoup plus modernes et urbains, et qui n’est pas un grand adepte des bonnes manières. Ensuite, nous avons un méchant totalement ridicule, incarné par Samuel L. Jackson qui brille de charisme avec son style bling bling et son cheveu sur la langue qui appuie sa crédibilité à n’en pas douter. Enfin, l’intrigue en elle-même, qui se résume à un méchant qui mène un plan diabolique – et diaboliquement bête et peu développé – pour détruire le monde, s’affranchit de toute logique et permet de prendre des raccourcis scénaristiques gros comme un arbre en s’évitant tout reproche. Bien que j’aie insisté sur le fait qu’il ne s’agisse pas vraiment d’un film parodique à proprement parler, Kingsman s’abreuve de références aux autres films d’espionnage et enchaîne les stéréotypes. D’un autre côté, il était difficile de faire autrement ! En dépit de cela, Kingsman : Services secrets jauge son humour entre petites boutades et scènes surréalistes, et c’est la clé du succès du film.
Bien que le film soit une comédie, il n’empêche pas la présence de violence, d’où, justement, la nuance qui me fait suggérer que l’on s’éloigne de la parodie pure et dure. La violence se manifeste notamment lors des scènes de combat dantesques impliquant l’agent Harry Hart, avec un point d’honneur pour la scène surréaliste qui se déroule dans une église intégriste aux fins fonds des Etats-Unis. La manière dont ont été filmées et réalisées ses scènes, avec cet effet saccadé, démultiplie leur côté percutant et leur intensité. J’étais d’ailleurs étonné par le nombre d’adultes ayant emmené leurs enfants avec eux lors de la séance, et d’autant plus gêné pour eux en voyant des personnages du film se faire dézinguer avec, parfois, une certaine cruauté. Mais c’est peut-être mon côté vieux jeu qui parle. Qu’à cela ne tienne, ces scènes sont jouissives et les mecs classes qui alignent des méchants à la pelle sans la moindre égratignure, ça me plaît (phrase garantie sans sous-entendu).
Je n’entrerai pas davantage dans les détails pour ne pas gâcher la surprise ou dévoiler l’intrigue du film. J’étais entré dans la salle avec certains a priori, et, aussi, j’étais animé par une certaine volonté de digérer American Sniper, que je venais de visionner. J’étais donc venu dans le bon état d’esprit, le cerveau sur off, cherchant avant tout à me distraire et à rigoler. Kingsman a eu l’effet escompté, s’aventurant dans des terrains risqués, mais en parvenant à éviter les pièges avec une habileté surprenante.
Colin Firth était fait pour endosser ce rôle d’agent british chic en toutes circonstances, adepte de gadgets dernier cri pour mettre ses ennemis hors d’état de nuire. Mark Strong est un très bon second couteau que l’on voit d’ailleurs de plus en plus au cinéma, ce qui est une bonne chose. Michael Caine est une valeur sûre, et Samuel L. Jackson montre que tous les rôles lui vont bien.
Avec Kingsman, on est à la fois dans la parodie et l’hommage, dans le violent et le burlesque. Bourré de second degré et totalement assumé, Kingsman est un divertissement déjanté bourré de stéréotypes et à l’aspect parodique assumé, mais pourtant, il épargnera à ses spectateurs un spectacle désolant qui se noie dans la lourdeur. Véritable paradoxe ambulant, ce film est un cocktail détonant qui, par la forte dose de folie qui y a été intégrée, risquera de repousser les gosiers intolérants, mais assurera aux amateurs une véritable cuite euphorique.
Note : 7,5/10.
Bande-annonce de Kingsman : Services secrets