Rambo : Last Blood (Adrian Grunberg, 2019) ★★½ : Épilogue infernal
John Rambo est de retour. L’autre alter ego de Sylvester « Sly » Stallone, après Rocky, poursuit ses aventures cinématographiques, repoussant sans cesse l’âge des adieux, comme s’il était impossible de se dissocier de ces héros légendaires un jour. L’annonce de la production de Last Blood, cinquième opus des aventures de Rambo, posait question. D’abord avorté, le projet a finalement pu voir le jour. Un projet excitant d’une part, pour revoir le vétéran en action, mais qui pouvait aussi nous faire nous demander si ce Rambo n’était pas la suite de trop. Alors qu’en est-il réellement ?
Fiche du film
- Genre : Action
- Réalisateur : Adrian Grunberg
- Année de sortie : 2019
- Distribution : Sylvester Stallone, Paz Vega, Sergio Peris-Mencheta, Yvette Monreal
- Synopsis : Bruno et Malik vivent depuis 20 ans dans un monde à part, celui des enfants et adolescents autistes. Vétéran de la Guerre du Vietnam, John Rambo doit sauver une jeune fille retenue captive par des trafiquants de drogues à la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis. (SensCritique)
Critique et Analyse
Dans John Rambo, le vétéran finissait par revenir sur ses terres, aux Etats-Unis, dans la propriété familiale, après une dernière mission au Vietnam, alors qu’il s’était déjà coupé du monde. Un quatrième opus plus sombre, mélancolique, mais aussi très violent, qui terminait cependant sur un sentiment d’apaisement, mêlé à une forme de prise de conscience. Celui-ci offrait alors une bonne sortie au personnage, que Sylvester Stallone reprenait ici en main, après des Rambo II et Rambo III qui avaient fait du soldat traumatisé de Rambo une véritable machine de guerre reaganienne. Alors, après ce retour aux sources et cette conclusion somme toute judicieuse et intéressante, que pouvait donc offrir un cinquième film ? Comment s’inscrire dans une boucle déjà bouclée ?
« Last Blood supprime le filtre de la guerre, qui justifiait avant un retour à l’animal et à la survie, pour permettre l’expression des instincts les plus primaux, et pleinement se concentrer sur ce retour à la violence primitive.«
L’intérêt de Last Blood, c’est, tout simplement, de ne pas véritablement choisir son camp entre les aspects traumatiques et politiques des premier et quatrième opus, et les aspects aventure et action des second et troisième films, mais de synthétiser tous ces éléments et de s’aventurer plus loin, d’approfondir. Dans les précédents films, le terrain et le front n’étaient jamais loin, et Rambo était toujours associé à son statut d’ancien soldat. Ici, vraiment redevenu civil, de retour aux Etats-Unis, il est davantage montré comme un aîné que l’on respecte, un vieil homme qui vit avec son passé, mais qui ne veut surtout pas le ressasser. Cependant, lorsqu’il devra reprendre les armes, il se montrera impitoyable. Mais ce n’est pas seulement le soldat qui s’exprime à travers la violence, c’est bien l’homme, au plus profond de lui. Last Blood supprime le filtre de la guerre, qui justifiait avant un retour à l’animal et à la survie, pour permettre l’expression des instincts les plus primaux, et pleinement se concentrer sur ce retour à la violence primitive.
Cette violence est au cœur du propos de ce Last Blood, et de ce qui fait sa force. D’abord montré comme bienveillant, cherchant toujours à défendre son prochain, Rambo est à nouveau trahi par la vie, soumis à l’échec, se muant en un ange de la mort qui abat sa vengeance sur ceux qui font le mal autour d’eux. Last Blood ne va pas par quatre chemins, exposant rapidement les tenants et aboutissants de l’intrigue pour laisser place à la vengeance de Rambo et au déchaînement de violence qui en découle, qui constituent sans aucun doute la plus grande réussite du film. Last Blood montre les Hommes comme des êtres fondamentalement violents, pour devenir une sorte de sombre conte sur les aspects négatifs de la nature humaine. Cet éloignement vis-à-vis du « Rambo soldat » peut légitimement interroger sur l’affiliation d’un tel film à la saga Rambo, pourtant cette dernière est tout à fait logique, tant elle offre une continuité intéressante au personnage, cherchant à aller plus en profondeur.
Je n’attendais rien de cet opus et je dois dire que je suis très agréablement surpris. Cela reste une série B, mais une bonne, offrant un retour à l’essentiel, allant encore au-delà de ce que proposaient les opus précédents pour offrir une dernière et intéressante perspective. En dépit d’une écriture approximative et simple, c’est surtout un film d’ambiance, qui réussit dans la retranscription du vice, de la douleur, de la souffrance et de la violence. Last Blood se présente comme un épilogue vengeur et enragé, avec en point d’orgue un dernier acte explosif, infernal et spectaculaire où règnent la colère, la souffrance et le chaos. Âmes sensibles s’abstenir, car John Rambo ouvre ici les portes de l’Enfer.
Note et avis
2.75/5
Rambo ouvre les portes de l’Enfer dans un épilogue violent et vengeur, ouvrant de nouvelles perspectives sur le personnage, malgré une écriture et une réalisation très moyennes.
J’aurais voulu l’aimer autant mais je le trouve politiquement problématique. Stallone s’inscrit dans une veine eastwoodienne qui dévoye l’essence même du personnage tel qu’il est défini dans le premier volet. Certes il redevient l’animal sanguinaire du livre de Morrell mais à la solde d’une cause qui dérange, un incident de frontière qui répond à l’appel de discours par trop inexcusables.
J’avoue ne pas avoir ressenti ce même malaise. Quelque part, les précédents (les 2 et 3 surtout) sont déjà bien manichéens et font passer vietnamiens et soviétiques pour des méchants bien vilains. Ici c’est la même chose pour les mexicains. Après je ne connais pas forcément bien la réalité mais je n’ai pas spécialement été choqué. La vision du Mexique peut être caricaturale, mais elle est au moins dénonciatrice d’un problème général lié à la corruption et à l’impunité de gangsters locaux. J’ai envie de dire que ce n’est pas exclusif au Mexique, loin de là. Même si je comprends ton ressenti.
Ce n’est pas tant la vision du truand mexicain qui me gêne dans le film, car elle s’appuie effectivement sur une terrible réalité sans plus ignoble encore que cette caricature du film, et elle appartient finalement à l’iconographie du genre. C’est davantage la gestion de la frontière qui me pose problème, et qui renvoie aux discours bien connus de l’actuel président des US. Il me semble que Rambo, après s’être senti abandonné par son pays (y compris dans le 2) se sent cette fois investi d’une mission, ce qui est à l’opposé de son état d’esprit initial.