Cinexpress #109 – Mr. Nobody (2010)
« Cogito, ergo sum. » « Je pense, donc je suis. » C’est la conclusion à laquelle arriva René Descartes lorsqu’il appliqua son doute méthodique au monde qui l’entourait. Si tout nous semble si réel et rationnel, rien ne nous dit que ce qui est carré est bien carré, qu’une seconde dure bien une seconde, que notre existence est déjà écrite ou non. La science, au fil des millénaires, n’a fait que modifier notre approche des choses et remettre en question de nombreux acquis et certitudes accumulées avec le temps et l’expérience. Vient alors, en 2010, cet OVNI cinématographique de plus de deux heures et demie, Mr. Nobody.
- Genre : Drame, Fantastique, Romance
- Réalisateur : Jaco van Dormael
- Année de sortie : 2010
- Casting : Jared Leto, Diane Kruger, Sarah Polley, Rhys Ifans
- Synopsis : Dans une gare, un jeune garçon doit choisir entre sa mère et son père: deux vies très différentes en découlent. Nous suivons alors ces deux vies. (senscritique.com)
Il n’est rien et tout à la fois. Ce paradoxe aussi évident qu’absolu pose la base du film de Jaco Van Dormael, longue et dense odyssée à travers les époques, les lieux et les dimensions. Si notre existence suit un chemin particulier dans notre réalité, quelle serait-elle dans une autre si elle avait été influencée par d’autres choix ? Quel est le poids de ces choix dans la direction que notre existence prend ? Ce sont, entre autres, à ces questions que tente de répondre le réalisateur dans ce film si particulier, explorant tant de chemins et ne cherchant jamais à suivre un schéma linéaire et purement rationnel. Influencé par les théories quantiques et du temps imaginaire, Mr. Nobody est parsemé de ruptures et de bouleversements qui traînent le spectateur dans une nébuleuse spatio-temporelle totalement dépourvue de repères.
C’est le mélange du passé, du présent et du futur. L’histoire, ou plutôt les histoires de ce fameux Nemo Nobody pourraient être représentées par un arbre de possibilités, mais pourtant, ce n’est pas le véritable intérêt du film. Il ne s’agit pas de chercher à associer les pièces d’un puzzle, mais plutôt de les dissocier au maximum et de revoir notre démarche pour fuir le rationnel et tenter au mieux de saisir l’essence de l’irrationnel, de tenter de comprendre des mécanismes remettant totalement en doute ce qui devrait, pourtant, être une certitude basique. S’il peut facilement être dénoncé comme étant un film long et qui perd son spectateur, Mr. Nobody peut se targuer d’avoir une ambition extraordinaire.
Il s’agit de tout dire sans ne rien dire. En effet, plus que d’être un film à énigmes, c’est surtout une dissertation philosophique et scientifique, qui offre au spectateur de nombreuses pistes de réflexion, lesquelles sont toutes loin d’être évidentes à emprunter et ne cessent de nous faire dire « et si… ? » Les certitudes sont bouleversées, et les dimensions sont superposées et explorées comme des réalités alternatives plus que comme de simples rembobinages. Nemo Nobody est l’incarnation de ce multivers omniscient qui n’a pas vécu que sa vie, mais ses vies. A la fin, arrivé au crépuscule de cette existence, tout coïncide à nouveau vers une ultime singularité, rappelant les théories sur la naissance de l’Univers (Big Bang) et sa fin (Big Crunch). A cet instant se pose cette ultime question : « Et si tout n’était qu’un éternel recommencement ? »
La porte vers l’infini. Mr. Nobody montre qu’un film peut être à la fois artistique et scientifique, une œuvre philosophique qui peut aussi se permettre d’extrapoler et d’explorer des sentiers inconnus et fascinants. Van Dormael ne choisit ici pas la voie de la simplicité pour livrer une œuvre qui reste durablement en tête et nous fait voir le monde d’une autre manière.
Bande-annonce de Mr. Nobody