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Le dos au mur (Edouard Molinaro, 1958) – Critique & Analyse

Un crime pour point de départ. Économie de mots, précautions et mystère accueillent le spectateur se lançant dans le visionnage de Le dos au mur, point de départ d’une machination qui ne peut aboutir que sur une catastrophe.


Fiche du film

Affiche de Le dos au mur (1958)
Affiche de Le dos au mur (1958)
  • Genre : Drame, Policier
  • Réalisateur(s) : Edouard Molinaro
  • Distribution : Gérard Oury, Jeanne Moreau, Philippe Nicaud, Claire Maurier, Jean Lefebvre
  • Année de sortie : 1958
  • Synopsis : Ayant découvert que son épouse le trompe avec un jeune acteur sans engagement, un industriel croit commettre un crime parfait en tuant son rival par personne interposée. (SensCritique)

Critique et Analyse

Le dos au mur (1958)
Le dos au mur (1958)

Le motif du mari trompé n’a rien de rare dans les films noirs. L’adultère et les sinistres combines échafaudées par des amants parfois éplorés, parfois machiavéliques, sont des motifs communs à divers films du genre. On pourrait penser, par exemple, à l’excellent Assurance sur la mort (1944) de Billy Wilder. Mais il est intéressant, cette fois, de voir la victime de l’adultère à l’œuvre. Decrey, chef d’entreprise dans le bâtiment, a découvert de manière fortuite que sa femme lui était infidèle. Il se lance alors dans un plan complexe et retors afin de lui faire payer, mais sans volonté de violence. Pourtant, les premières minutes du film semblent prouver le contraire. Mais est-ce si simple ? Là est tout l’intérêt de Le dos au mur : on paraît, mais est-on vraiment ce que l’on paraît être ?

« Le dos au mur cherche avant tout à raconter un combat intérieur, par l’emploi de la voix off notamment, transformant une machination en lutte entre plusieurs aspects d’une conscience torturée. »

Bien que n’étant pas très avenant de prime abord, Decrey suscite une forme de compassion chez le spectateur. En effet, on pourrait se demander s’il n’a pas eu son rôle à jouer dans cet adultère, s’il n’a pas lui-même commis des impairs. Mais ce n’est pas le portrait qui en est fait. C’est plus dans son approche très précise et millimétrée des choses qu’il va s’illustrer, le menant à mettre sur pied cette entreprise ô combien risquée. Le dos au mur cherche avant tout à raconter un combat intérieur, par l’emploi de la voix off notamment, transformant une machination en lutte entre plusieurs aspects d’une conscience torturée.

Le dos au mur (1958)
Le dos au mur (1958)

C’est aussi ce qui donner un certain charme à ce film, avec son atmosphère très léchée, l’élégance (au moins apparente) du personnage principal, cette musique jazzy qui l’accompagne dans ses déambulations nocturnes… On y retrouverait diverses similitudes avec un Ascenseur pour l’échafaud, en plus de la présence de Jeanne Moreau en tête d’affiche. C’est aussi une longue marche vers la fatalité, la certitude de réussir qui se mue en une certitude d’échouer, le crime parfait n’existant pas, c’est bien connu. C’est un premier long-métrage qui semble déjà bien emboîter le pas à Un témoin dans la ville, dans cette vision d’un plan millimétré mis à mal par un détail, et qui va affecter de nombreux innocents sur sa route. L’innocence, cette seule et unique victime, quand elle quitte l’âme d’un homme qui décide de jouer avec la vie des autres, et que ceux qui n’avaient commis aucune faute paient le prix fort.

Le dos au mur n’est pas un film qui bénéficie aujourd’hui d’une grande renommée, et pourtant. Bien mené, bien ficelé, c’est un très bon cru, qui met notamment en lumière un très bon Gérard Oury, qui a connu de grands succès derrière la caméra, mais qui se montre ici très bon devant également, ses traits ciselés correspondant parfaitement au personnage qu’il doit ici camper. Accompagné d’une Jeanne Moreau incarnant une femme qui a tout et en même temps rien, partagée entre la vie de faste sans saveur et la vie de bohême et d’aventure sans le sou, il nous conduit sur un chemin où l’on sait déjà que personne ne ressortira gagnant. Sauf le spectateur, qui aura profité d’un excellent morceau de cinéma.

Quentin Coray

Quentin, 29 ans, mordu de cinéma depuis le visionnage de Metropolis, qui fut à l'origine d'un véritable déclic. Toujours en quête de nouvelles découvertes pour élargir mes connaissances et ma vision du cinéma. "L'art existe et s'affirme là où il y a une soif insatiable pour le spirituel, l'idéal. Une soif qui rassemble tous les êtres humains." - Andreï Tarkovski

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