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Le Canardeur (Michael Cimino, 1974) – Critique & Analyse

Les titres français de films étrangers font souvent fausse route. Non, Le Canardeur ne viendra pas raconter la vie d’un simili-Inspecteur Harry parti canarder au Magnum quelque part dans le Montana avec un jeune loup dans son sillage. Nous sommes bien ici dans l’histoire de Thunderbolt & Lightfoot, deux laissés pour compte qui se lient d’amitié et se relancent mutuellement dans une aventure pleine de surprises.


Fiche du film

Affiche du Canardeur (1974)
Affiche du Canardeur (1974)
  • Genre : Comédie dramatique
  • Réalisateur(s) : Michael Cimino
  • Distribution : Clint Eastwood, Jeff Bridges, George Kennedy, Geoffrey Lewis
  • Année de sortie : 1974
  • Synopsis : Le braqueur de banque John Thunderbolt se lie d’amitié avec Lightfoot, un jeune aventurier. Ensemble, ils décident de récupérer un magot d’un demi-million de dollars que Thunderbolt avait planqué dans une vieille école. (SensCritique)

Critique et Analyse

Le Canardeur (1974)
Le Canardeur (1974)

Le Canardeur, c’est bien le surnom dont a été affublé le personnage de Thunderbolt, campé par Clint Eastwood, qui s’était rendu célèbre en réalisant un casse grâce à une arme de guerre. Mais pour l’instant, c’est juste un vagabond qui tente de se cacher de ceux qui avaient également participé à ce casse, et qui sont persuadés que Thunderbolt s’est enfui avec le magot. En résulte une scène introductive décalée et résolument comique, où un village perdu se regroupe dans une petite église pour assister à l’office du pasteur qui n’est autre que Thunderbolt, qui s’apprête à se faire lui-même canarder par un de ses anciens complices, venu lui faire la peau en plein lieu sacré. La tentative d’assassinat vire en course-poursuite de bras cassés dans les champs, aboutissant à la rencontre fortuite avec Lightfoot, qui vient de commettre un vol de voiture sous nos yeux.

« Bien qu’elle prenne tout l’écran, la relation qui lie Thunderbolt et Lightfoot est toujours remise en perspective par rapport au vaste monde dans lequel ils évoluent, avec ces plans qui célèbrent les majestueuses étendues du Montana. »

Ce premier film de Michael Cimino vient ainsi se baser sur la fuite. Celle d’acolytes devenus ennemis pour Thunderbolt, celle de la normalité et de la morosité pour Lightfoot. Eloignés par l’âge, les deux hommes se découvrent rapidement une sympathie mutuelle, qui transparaît à l’écran et crée un trio avec le spectateur qui vient à son tour se lier d’amitié avec eux, et ressent le désir de se mêler à leurs aventures. Bien qu’elle prenne tout l’écran, la relation qui lie Thunderbolt et Lightfoot est toujours remise en perspective par rapport au vaste monde dans lequel ils évoluent, avec ces plans qui célèbrent les majestueuses étendues du Montana. Le jeune cinéaste qu’est encore Michael Cimino viendrait ici se faire héritier de John Ford tout en portant la casquette du Nouvel Hollywood, convoquant notamment les thématiques principales du cinéma américain de cette époque.

Clint Eastwood et Jeff Bridges dans Le Canardeur (1974)
Clint Eastwood et Jeff Bridges dans Le Canardeur (1974)

Car il est bien question, dans Le Canardeur, de conflits entre époques, et entre rêves et désillusions. Dans cette fine équipe, Thunderbolt, Goody et Leary semblent incarner la vieille école, là où Lightfoot se présente tout en naïveté, mu par une irrépressible soif de liberté. Souvent en décalage avec ses compagnons de route, il se retrouve en décalage vis-à-vis d’eux pour mieux mettre en exergue les différences qui les opposent irrémédiablement. Mais plus qu’un ami pour Thunderbolt, Lightfoot se présente presque comme un alter ego de ce dernier. Le déroulé du film, et surtout sa conclusion, tendent à faire de Thunderbolt le personnage central du film, quand nous pourrions interpréter l’existence de ses acolytes comme des facettes de ce personnage. Goody et Leary sont un passé de traumatismes, ils chassent et hantent Thunderbolt, pour ne mener qu’à l’échec ou la mort. Lightfoot, quant à lui, se présente comme une jeunesse volée, une phase d’espoirs brutalement ramenée à la réalité.

De manière plus globale, c’est tout un tableau de l’Amérique qui se dessine, avec ses traumatismes et ses échecs (la guerre de Corée), et son envie de rompre avec le passé pour un mode de vie alternatif, étranger aux carcans de la société moderne (on pense au mouvement hippie, qui avait connu ses heures de gloire quelques années auparavant). Sorti en 1974, Le Canardeur se situe au carrefour de ces époques, entre l’insouciance des années 60 et une nouvelle décennie marquée par le désenchantement. En se présentant comme un road movie, il vient illustrer à la fois la fuite et l’espoir de s’accomplir, s’inscrivant dans la lignée de films marquants de l’époque, comme Easy Rider (1969) ou Point Limite Zéro (1971). Bien que tête d’affiche, Clint Eastwood se fait facilement ravir la place par un tout jeune Jeff Bridges éclatant. L’alchimie entre les deux fonctionne parfaitement, dans une relation d’amitié, pleine de sous-entendus tendant à penser qu’elle pourrait aller au-delà, qui permet aux deux de livrer une belle partition pour donner vie à ces personnages attachants. Le destin n’est pas toujours juste, mais l’espoir doit toujours subsister.

Quentin Coray

Quentin, 29 ans, mordu de cinéma depuis le visionnage de Metropolis, qui fut à l'origine d'un véritable déclic. Toujours en quête de nouvelles découvertes pour élargir mes connaissances et ma vision du cinéma. "L'art existe et s'affirme là où il y a une soif insatiable pour le spirituel, l'idéal. Une soif qui rassemble tous les êtres humains." - Andreï Tarkovski

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