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Chaussure à son pied (David Lean, 1953) – Critique & Analyse

Que peut-il bien se passer de mal lorsque l’on se lance dans une comédie d’époque avec le génial Charles Laughton ? Absolument rien, et vous auriez bien raison de le penser. Surtout lorsque David Lean se présente à la réalisation de Chaussure à son pied, ou Hobson’s Choice dans son titre original, une excellente comédie aussi joviale que grinçante.


Fiche du film

Affiche de Chaussure à son pied (1953)
Affiche de Chaussure à son pied (1953)
  • Genre : Comédie
  • Réalisateur(s) : David Lean
  • Distribution : Charles Laughton, Brenda De Banzie, John Mills
  • Année de sortie : 1953
  • Synopsis : À la fin du XIXème siècle en Angleterre. Harry Hobson est un prospère cordonnier de province. Il est veuf, et sa maison et son commerce sont tenus par ses trois filles. Il permet à ses deux plus jeunes filles de se marier, mais il a décidé que l’aînée, Maggie, restera à la maison pour s’occuper de lui. Or Maggie a d’autres idées en tête, et elle compte bien mener sa vie à sa guise… (SensCritique)

Critique et Analyse

Charles Laughton dans Chaussure à son pied (1953)
Charles Laughton dans Chaussure à son pied (1953)

Harry Hobson dirige d’une main de fer la cordonnerie que ses trois filles tiennent dans les faits. Lui, ce truculent bonhomme, se contente de donner des ordres et d’imposer une atmosphère tyrannique entre deux passages dans son pub favori. Hobson est un homme qui ne fait pas dans la dentelle, et il mène la vie dure à ses filles, dont il compte bien dicter la conduite jusqu’au restant de ses jours. Il est hors de question qu’elles puissent lui imposer leurs choix, car ils seront forcément mauvais et dénués de bon sens. Mais le sympathique tyran ne se doute pas que la menace peut venir de là où il ne s’attendrait pas, puisque sa fille aînée va mener la rébellion, quitte à mettre papa dans de bien délicates situations.

« Chaussure à son pied, c’est une confrontation entre générations, la douce et machiavélique rébellion contre le patriarcat, dans une délicieuse machination où la vérité semble souvent relative. »

Bien qu’au centre de l’intrigue tout comme son nom figure directement dans le titre du film, Hobson ne tient pas un rôle hégémonique dans Chaussure à son pied. En effet, sa fille aînée, Maggie, campée par Brenda de Banzie, lui tient ici la dragée haute en contrecarrant cette tyrannie rétrograde imposée par son père. Pourquoi rester condamnée à gérer le commerce familial quand on peut ouvrir le sien ? Et pourquoi, tant qu’à faire, ne pas épouser le cordonnier émérite de l’échoppe pour l’associer à cette nouvelle affaire ? Chaussure à son pied, c’est une confrontation entre générations, la douce et machiavélique rébellion contre le patriarcat, dans une délicieuse machination où la vérité semble souvent relative.

Chaussure à son pied (1953)
Chaussure à son pied (1953)

En effet, tout au long du film, le spectateur est en droit de s’interroger sur les réelles intentions des personnages. Maggie épouse-t-elle Willie purement par amour, ou ne cherche-t-elle juste pas à s’émanciper tout en esquintant vivement l’ego de son paternel ? Hobson est-il le tyran qu’il semble être ou est-il un homme veuf qui a trop peur de perdre ses filles et d’affronter la solitude ? Willie n’a-t-il pas ses propres aspirations malgré son apparente simplicité ? Il est donc très intéressant de voir tous ces personnages interagir entre eux et évoluer au fil de l’intrigue pour tenter de cerner leurs réelles volontés, chacun nourrissant ses propres objectifs à sa manière.

Alors que les hommes pensent tout mener à la baguette, ils ne sont en réalité que des façades, les femmes tenant les rênes en coulisses et se révélant être les vraies instigatrices des décisions qui seront prises. Remarquablement écrit et joué, Chaussure à son pied offre un délicieux moment de cinéma qui nous réjouit, tout comme on apprécie être mis en déroute par la tournure des événements. Piquante, astucieuse et touchante, cette comédie donnera sans aucun doute à son spectateur la sensation d’avoir trouvé chaussure à son pied.

Quentin Coray

Quentin, 29 ans, mordu de cinéma depuis le visionnage de Metropolis, qui fut à l'origine d'un véritable déclic. Toujours en quête de nouvelles découvertes pour élargir mes connaissances et ma vision du cinéma. "L'art existe et s'affirme là où il y a une soif insatiable pour le spirituel, l'idéal. Une soif qui rassemble tous les êtres humains." - Andreï Tarkovski

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