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Top et Rétrospective – Stanley Kubrick

Il paraît presque évident, quand on parle des grands noms du cinéma, de citer Stanley Kubrick. Certains de ses films ont su s’ancrer dans l’imaginaire commun, et sa capacité à varier les genres et les styles avec brio confère à son oeuvre une densité et une variété peu communes. Il fait partie de ces rares cinéastes, avec Andreï Tarkovski, Quentin Tarantino et Nicolas Winding Refn, dont j’ai pu voir tous les films. Alors que nous fêtons aujourd’hui les 90 ans de la naissance de ce génie du cinéma, les conditions paraissent toutes indiquées pour un petit tour d’horizon d’une filmographie essentielle et unique. Je me suis permis de classer les films, mais il s’agit avant tout d’un classement personnel, qui n’a certainement pas vocation à faire office de vérité absolue.

Affiche de Fear and Desire (1953)
Affiche de Fear and Desire (1953)

13 – Fear and Desire (1953)

Synopsis : Dans un pays inconnu, une guerre oppose deux camps, férocement antagonistes. Quatre soldats, victimes d’un accident d’avion, se retrouvent en pleine forêt, derrière les lignes adverses.

Le film maudit du réalisateur. Renié par Stanley lui-même, qui a voulu détruire toutes les copies disponibles du film, Fear and Desire est bien son premier long-métrage, et non pas Le Baiser du Tueur, sorti en 1955. Cependant, ce film a tout du « film-test ». Kubrick propose un pitch de base intéressant, avec une guerre imaginaire et des troupes imaginaires, supprimant toute contextualisation historique possible. Il analyse et observe le dérèglement des comportements humains en temps de guerre avec une certaine intelligence, mais la maestria du réalisateur n’est pas encore là. Encore dans une période où il fait ses armes, Kubrick réalise ici un film qui pêche notamment par son montage souvent haché, et des longueurs qui alourdissent le récit, bien que le film ne dure qu’une heure. Le grand Kubrick n’est pas encore prêt, mais tout vient à point à qui sait attendre.

Note personnelle : 5,5/10.

Affiche du Baiser du Tueur (1955)
Affiche du Baiser du Tueur (1955)

12 – Le Baiser du Tueur (1955)

Synopsis : Davey Gordon, boxeur minable, se retrouve aux prises avec un ponte de la mafia pour lui arracher des griffes la femme qu’il aime…

Après son premier essai non assumé qu’est Fear and Desire, Kubrick entre dans le vif du sujet avec Le Baiser du Tueur, qui est, en quelque sorte, son premier « vrai » film. Au beau milieu des années 50, il s’aventure dans le genre du film noir, encore en vogue, comme en témoignent les succès du Port de la Drogue de Samuel Fuller, et de Règlement de Comptes de Fritz Lang, sortis en 1953. Dans ce film relativement court, Kubrick tient ses personnages par les sentiments, croise et brise les destins dans une histoire où les personnages sont empreints d’ambivalence. Si Kubrick en est encore à ses débuts, il montre déjà de très bonnes choses dans un film qui tient en haleine du début à la fin.

Note personnelle : 7/10.

Affiche de Spartacus (1960)
Affiche de Spartacus (1960)

11 – Spartacus (1960)

Synopsis : Spartacus est un esclave thrace remarqué par Lentutlus Batiatus. Il est initié au métier de Gladiateur et participe aux combats les plus féroces.

Spartacus est certainement un de mes plus vieux souvenirs de cinéma, remontant à pas loin de quinze ans. Ce peplum a probablement pour particularité de plus être le film de Kirk Douglas que de Stanley Kubrick lui-même. L’acteur porta le projet, et désigna Kubrick comme réalisateur, mais ce dernier put tout de même apporter toute sa maîtrise et son savoir-faire dans la réalisation du film. Il parvient à s’approprier le peplum, genre très en vogue à l’époque, et à mettre en avant des thématiques qui lui sont chères, notamment la critique d’une société convaincue de sa suprématie, mais pourtant au bord de la rupture.

Note personnelle : 7,5/10.

Affiche de L'Ultime Razzia (1956)
Affiche de L’Ultime Razzia (1956)

10 – L’Ultime Razzia (1956)

Synopsis : Johnny Clay, récemment sorti de prison, organise un casse pour s’emparer de la caisse d’un champ de course un jour de grande affluence.

Après un Baiser du Tueur plaisant, le réalisateur affine son style dans ce film noir redoutablement bien mené et rythmé. Ce film est tout ce qu’il y a de plus méthodique. Basé sur l’échafaudage d’un plan par un homme souhaitant dérober un gros magot dans un hippodrome, tout le récit se déroule de manière très carrée et construite. Les personnages sont présentés, le plan dévoilé, et enfin exécuté. Toute cette rigueur, si parfaite, n’aspire bien sûr qu’à une chose : être ébranlée par des facteurs externes (ou internes) qui viendront mettre à mal tout le travail du cerveau de l’opération. Sans temps mort, mêlant méticulosité, ambition et trahison, L’Ultime Razzia déroule son plan à merveille et mérite plus de visibilité que celle qui lui est aujourd’hui accordée.

Note personnelle : 8/10.

Affiche de Full Metal Jacket (1987)
Affiche de Full Metal Jacket (1987)

9 – Full Metal Jacket (1987)

Synopsis : La guerre du Vietnam vu à travers les yeux du Marine américain J.T. Davis, de son entraînement jusqu’aux affrontements contre le Vietcong.

Trente ans après, Kubrick revient au film de guerre. Full Metal Jacket est aussi une oeuvre très appréciée du grand public, restée dans les mémoires grâce, notamment, au mythique sergent Hartman et au plan-séquence original virtuose et marquant. La maîtrise du cinéaste est toujours présente, et se substitue un peu plus au talent de ses acteurs, à commencer par le regretté Ronald Lee Ermey, le truculent sergent, et Vincent d’Onofrio, la recrue traumatisée et traumatisante. Une fois n’est pas coutume, le cinéaste s’avère moins régulier quant à la qualité de son film. Full Metal Jacket offre une première heure d’anthologie, plongeant les recrues dans leurs traumatismes, face à un officier colérique et mémorable. La seconde heure s’avère plus classique, mais Kubrick marque le film de guerre de son empreinte.

Note personnelle : 8/10.

Affiche de Lolita (1962)
Affiche de Lolita (1962)

8 – Lolita (1962)

Synopsis : Humbert se sent attiré par la jeune Dolorès Haze, surnommée « Lolita ». Pour rester auprès d’elle, Il épouse sa mère, mais leur amour va déborder.

Loin de la grandiloquence du peplum, Kubrick revient vers quelque chose de plus fin et subtil. De retour à un noir et blanc plus daté mais pas moins poétique pour autant, Lolita est loin de marquer un freinage dans la carrière du cinéaste. Très intimiste, cette adaptation du très célèbre roman de Nabokov, à travers sa vision d’une société très superficielle et peu vertueuse, préfigure les bouleversements sociaux de cette nouvelle décennie, qui se ressentiront notamment au cinéma. Le puritanisme a vécu, les masques doivent tomber, et Lolita est cet élément perturbateur qui va cristalliser tous les désirs et déchaîner les foudres du destin. Quatre ans après, le Code Hays est aboli, et s’ouvrent de nouvelles perspectives pour le cinéma, qui verront la création d’œuvres majeures telles que Le Lauréat, Macadam Cowboy, ou Easy Rider. Des œuvres marquantes, mais Kubrick a frappé le premier.

Note personnelle : 8/10.

Affiche de Shining (1980)
Affiche de Shining (1980)

7 – Shining (1980)

Synopsis : Jack Torrance s’installe avec sa famille dans l’hôtel Overlook, Colorado. Isolé du monde, la folie s’insinue progressivement dans son esprit.

Shining est très probablement l’un des films les plus célèbres du cinéaste. Grâce au jeu de Jack Nicholson, littéralement possédé par son personnage, à son ambiance et à son imagerie éloquente, Shining s’est imposé comme un sommet de l’épouvante et de l’horreur. Les images restent longtemps en tête, et plusieurs passages du film sont devenus cultes, même si certains sont très inspirés de films antérieurs, comme la scène de la destruction de la porte à la hache qui fait écho à des scènes très similaires vues chez D.W. Griffith dans Le Lys Brisé en 1919 et chez Victor Sjöström dans La Charrette Fantôme en 1921. Toujours est-il qu’ici, Stanley Kubrick capture, enferme et libère la folie, entraînant le spectateur dans ces grands couloirs aux lignes fuyantes qui désorientent. Une maîtrise de la tension qui ancre particulièrement ce film dans l’imaginaire commun.

Note personnelle : 8/10.

Affiche de Eyes Wide Shut (1999)
Affiche de Eyes Wide Shut (1999)

6 – Eyes Wide Shut (1999)

Synopsis : Le docteur Hardford est choqué quand sa femme lui avoue qu’elle a failli le tromper. Il découvre alors, à travers une odyssée d’un nuit, d’étranges lieux.

Eyes Wide Shut est un film aussi énigmatique qu’il divise le public à son sujet. Adulé par certains, haï par d’autres, l’ultime film du maître ne fait pas l’unanimité. Sombre dans son ambiance et dans son discours, c’est un film étonnamment coloré, qui se déroule principalement la nuit, théâtre idéal pour la libération des vices et de la luxure. Le testament du cinéaste suit un discours qu’il a souvent tenu auparavant, avec le retour de la thématique de la société décadente, où les masques cachent les visages pendant que les corps s’exposent, contradiction manifeste d’une société obsédée par la perfection du paraître, et par les tentations primaires. Comme son titre l’indique, des « yeux grand fermés ». Un film hypnotique, testament du cinéaste, qui conclut son film par un « Fuck » prononcé par Nicole Kidman, comme un ultime pied de nez.

Note personnelle : 8/10.

Affiche de Docteur Folamour (1964)
Affiche de Docteur Folamour (1964)

5 – Docteur Folamour (1964)

Synopsis : Le général Jack Ripper, convaincu que les Russes ont décidé d’empoisonner l’eau potable des États-Unis, lance sur l’URSS une offensive.

Après des films noirs, un film de guerre, un peplum et un drame social, Kubrick s’attaque au registre de la comédie, et ce avec une grande maîtrise. Cette satire hilare et névrosée de la Guerre Froide n’épargne personne. Grâce à certains de ses acteurs fétiches (Peter Sellers vu dans Lolita et Sterling Hayden dans L’Ultime Razzia), et des dialogues percutants, le réalisateur prouve que tous les genres lui vont. Chaque réplique est piquante et cache des sous-entendus, décuplant l’effet comique du film. Connu notamment grâce à la scène remarquable du largage de la bombe atomique, Docteur Folamour permet encore à Kubrick d’élever le niveau, avant son incroyable 2001 : L’Odyssée de l’Espace.

Note personnelle : 9/10.

Affiche d'Orange Mécanique (1971)
Affiche d’Orange Mécanique (1971)

4 – Orange Mécanique (1971)

Synopsis : Alex est un chef de bande violent et sadique. Trahi, il est utilisé comme cobaye par des psychanalystes pour étudier la nature de la criminalité.

Kubrick nous a fait toucher les étoiles, et nous fait aussitôt revenir sur Terre. Orange Mécanique est, comme sa réputation le suggère, un film violent. Mais la violence qu’il montre à l’écran, bien qu’elle puisse souvent être gênante et repoussante, n’est pas là par hasard. Orange Mécanique est un film violent sur la violence, une dénonciation d’une société qui condamne cette violence et cherche à la guérir, alors qu’elle est inhérente à l’Homme, et qu’elle sommeille toujours en lui. Encore une fois, Kubrick confronte la société à ses travers, opposant puis réunissant le sophistiqué et le fondamental. Un des films les plus emblématiques de l’oeuvre du cinéaste, et l’un de ses plus célèbres, sans aucun doute.

Note personnelle : 9,5/10.

Affiche des Sentiers de la gloire (1957)
Affiche des Sentiers de la gloire (1957)

3 – Les Sentiers de la gloire (1957)

Synopsis : En 1916, durant la Première Guerre mondiale, le général français Broulard ordonne au général Mireau de lancer une offensive suicidaire contre une position allemande imprenable, surnommée « la fourmilière ». Au moment de l’attaque, les soldats tombent par dizaines et leurs compagnons, épuisés, refusent d’avancer…

Kubrick réalise ici son premier chef d’oeuvre. Véritable réussite sur tous les points, il interroge sur la capacité de l’homme à prendre ses responsabilités, et sur sa capacité à en être digne une fois qu’il en dispose. Porté par un Kirk Douglas au sommet de son art, Les Sentiers de la gloire expose ce que la guerre a de plus violent physiquement et psychologiquement. Aussi brillamment réalisé dans les scènes sur le front que lors des tirades engagées et furieuses du colonel Dax, le film parvient à libérer son discours du contexte de la guerre pour mettre en lumière le machiavélisme dont certains individus peuvent faire preuve pour parvenir à leurs fins, et contester un système hiérarchique rigide et souvent injuste. Là où la guerre gronde, les principes laissent vite place à la bestialité, chacun ne luttant plus que pour sa propre cause et cherchant à gagner du crédit pour asseoir son propre pouvoir. « Les Sentiers de la gloire » implique bien qu’il y a plusieurs chemins, et rien n’indique que tous soient nobles.

Note personnelle : 10/10.

Affiche de 2001 : L'Odyssée de l'espace (1968)
Affiche de 2001 : L’Odyssée de l’espace (1968)

2 – 2001 : L’Odyssée de l’Espace (1968)

Synopsis : « 2001 : L’Odyssée de l’espace » retrace, à travers différentes époques, le rôle joué par une intelligence inconnue dans l’évolution de l’humanité.

Stanley Kubrick a déversé toute son ambition dans ce film, colossale réalisation qui ne laisse rien au hasard et se permet de rester encore incomparable plus de cinquante ans après. Il fait marcher les gens la tête à l’envers, crée des vaisseaux démesurés, se hisse à la pointe des connaissances scientifiques de l’époque… Il ne s’est donné aucune limite dans son art en constituant ainsi un classique parmi les classiques, et nous permettant de vivre une expérience unique qui s’étale sur plus de deux heures. Il est impossible de relever tous les éléments importants du film, car ils le sont tous, et lui confèrent une justesse absolue. Un monument de la science-fiction, précurseur à bien des égards, qui n’a absolument pas vieilli, et n’aura de cesse d’impressionner.

Note personnelle : 10/10.

Affiche de Barry Lyndon (1975)
Affiche de Barry Lyndon (1975)

1 – Barry Lyndon (1975)

Synopsis : En Irlande, au début de la guerre de Sept Ans, un voyou Irlandais conquiert le cœur d’une riche veuve et assume la position de son mari mort.

Barry Lyndon est un film magnifiquement complet. Ne se contentant pas de développer une intrigue historique, il permet au spectateur de plonger dans un pan de l’histoire grâce à une œuvre multipliant les références culturelles et artistiques, parvenant à se voir comme un film, à se contempler comme une peinture, et à se lire comme un livre. Une nouvelle fois, le cinéaste met en images la décadence d’une société, la fin d’une époque et d’un ordre établi. Entièrement tourné avec une lumière naturelle et à la bougie lors des scènes d’intérieur, accompagné de grands morceaux ‘époque, c’est un travail d’une ambition folle. Chef d’oeuvre à la croisée des arts, Barry Lyndon constitue, à mes yeux, la perfection et l’aboutissement de l’oeuvre du cinéaste. Chaque plan est digne d’une toile de grand maître. Une merveille.

Note personnelle : 10/10.


Voilà qui conclut ce petit tour d’horizon de la filmographie du cinéaste ! Une filmographie tellement variée que chacun peut se l’approprier de sa propre manière et, d’une personne à l’autre, les préférences peuvent être tout à fait différentes. Comment auriez-vous classé les films de Kubrick ? Quelles sont vos œuvres préférées du réalisateur ?

Quentin Coray

Quentin, 29 ans, mordu de cinéma depuis le visionnage de Metropolis, qui fut à l'origine d'un véritable déclic. Toujours en quête de nouvelles découvertes pour élargir mes connaissances et ma vision du cinéma. "L'art existe et s'affirme là où il y a une soif insatiable pour le spirituel, l'idéal. Une soif qui rassemble tous les êtres humains." - Andreï Tarkovski

5 réflexions sur “Top et Rétrospective – Stanley Kubrick

  • Kubrick était un génie véritablement ! de Spartacus (film qu’il reniera par la suite alors qu’il est très beau) à Dr Folamour en passant par Shining et mon préféré d’entre tous le merveilleux Barry Lyndon qui est un vrai, un authentique chef d’œuvre du septième art. Merci pour ce partage. Bonne soirée à toi :)

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  • Même titre au sommet pour moi. Quant à l’ordre précédent, j’aurais forcément quelques modif à opérer mais globalement, l’œuvre ne souffre d’aucun véritable défaut.

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    • Je suis content de voir que Barry Lyndon est aussi apprécié. Quand j’interroge les gens sur ce qui est, pour eux, le meilleur film de Kubrick, c’est souvent ce nom qui sort. Et pourtant, on parle beaucoup moins de lui que d’un 2001, Orange Mécanique, Shining ou même Full Metal Jacket.

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