Années 1930 - 1960CritiquesUne année, un film

A la rencontre de… Le Port de la Drogue (1952)

Affiche du Port de la Drogue (1952)
Affiche du Port de la Drogue (1952)

« Une année, un film » : Le Port de la Drogue, réalisé par Samuel Fuller en 1952.

Une nouvelle fois, voici un petit choix intentionnel de ma part. Je choisis d’habitude les films par rapport à leur date de sortie, sauf qu’ici il s’agit bel et bien de la date de réalisation. Ce que j’aime avec le début des années 50, c’est que la télévision ne s’est pas encore démocratisée, et que les films noirs sont monnaie courante, ce qui est parfait pour moi. Le Port de la Drogue, ou Pickup on South street, dans sa version originale, est d’ailleurs l’un d’entre eux. Mémorable ? Je l’ignore, mais très plaisant, cela ne fait aucun doute.

Richard Widmark et Jean Peters dans Le Port de la Drogue (1952)
Richard Widmark et Jean Peters dans Le Port de la Drogue (1952)

Comme l’indique son titre en VO, le film parle d’un vol à l’arrachée effectué dans le métro de New York. Candy (Jean Peters) s’est fait dérober par Skip McCoy (Richard Widmark) des microfilms top-secrets. Malheureusement, les deux ignoraient totalement la chose, la première n’ayant pour but que de satisfaire une dernière demande de la part de son futur-ex petit-ami, et le second n’étant qu’un simple voleur. Mais le petit-ami souhaite ardemment récupérer ces micro-films.

Tout d’abord, ne cherchez ici ni drogue, ni port. Hormis le fait que Skip vit en effet dans une petite baraque de fortune dans un port, il vaut mieux se fier au titre original. Un titre ainsi maltraité, déformé et censuré, car on parle ici d’espionnage et de communistes, et en France, à l’époque, ça faisait plutôt désordre. En effet, au début de la Guerre Froide, le communisme s’affiche comme le nouvel ennemi de l’Oncle Sam, poussant certains réalisateurs à exploiter le filon, ce qui ne plaît bien sûr pas à tout le monde.

Le Port de la Drogue (1952)
Le Port de la Drogue (1952)

Scènes majoritairement nocturnes, contre-plongées, gros plans, jeux de lumière et d’ombre… Samuel Fuller se sert de tout le langage du film noir pour articuler son récit et lui donner tout son sens. Le Port de la Drogue n’est pas un film noir « comme un autre », déjà parce que les films noirs sont généralement un plaisir à regarder, et que celui-ci en est un très bon exemple. Il s’est d’ailleurs également offert un casting de choix qui dessert parfaitement sa démarche. Mais quelle est cette démarche ?

Dans ce film, Fuller met ses personnages dos au mur. Ils sont d’apparence sûrs d’eux, dotés d’une forte personnalité, et inébranlables. Pourtant, ils sont tous acculés d’une manière différente par cette affaire d’espionnage. Skip se rend compte qu’il a volé un objet important et tente de trouver une solution pour s’en débarrasser tout en tirant un profit. Candy souhaite s’acquitter de sa mission pour ne plus être mêlée aux affaires de son ancien conjoint. Joey, ce dernier, doit mettre la main sur les microfilms le plus rapidement. Moe doit aider la police tout en se protégeant des malfrats, et les policiers doivent rapidement résoudre l’enquête, laquelle risque de prendre une échelle susceptible de les dépasser. Le spectateur est ainsi mené à ressentir le même climat de tension et d’oppression permanent qui émane du film.

Richard Kiley et Jean Peters dans Le Port de la Drogue (1952)
Richard Kiley et Jean Peters dans Le Port de la Drogue (1952)

Samuel Fuller livre ainsi un travail de grande qualité qui, bien que d’une durée modeste (1h22), s’avère intense et prenant. Après Assurance sur la mort, Laura, La Soif du Mal, Boulevard du Crépuscule ou encore La Dame de Shanghaï, voici un nouveau film à classer parmi les références du film noir. Grâce notamment à une Jean Peters divinement hypnotique, le spectateur est saisi par cette ambiance si particulière, à la fois irrésistible et inquiétante.

Le film noir reste un genre bien ancré dans cette époque, avec ses codes, ses looks et son esthétique bien à lui. Le Port de la Drogue est une sombre histoire d’espionnage et de voleurs comme on savait les faire à l’époque, et qui s’apprécie d’autant plus aujourd’hui.

Note : 8/10.

Quentin Coray

Quentin, 29 ans, mordu de cinéma depuis le visionnage de Metropolis, qui fut à l'origine d'un véritable déclic. Toujours en quête de nouvelles découvertes pour élargir mes connaissances et ma vision du cinéma. "L'art existe et s'affirme là où il y a une soif insatiable pour le spirituel, l'idéal. Une soif qui rassemble tous les êtres humains." - Andreï Tarkovski

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